Habanera
Poème pour piano (orchestré en 1888)
C’est bien plus au sud de son Auvergne natale que l’on retrouve Emmanuel Chabrier avec Habanera, « poème pour piano ». Dans cette fièvre hispanisante qui s’empara des arts en France après les expositions universelles de 1867 et 1878, cette petite pièce d’à peine cinq minutes, terminée le 29 octobre 1885 d’après la date apposée sur le manuscrit, passerait presque inaperçue. Elle fait partie des nombreuses commandes faites au compositeur par ses éditeurs Enoch Frères et Costallat qui profitèrent du vif succès d’España, rhapsodie pour orchestre jouée assidûment aux concerts depuis 1883. Emmanuel Chabrier avait entrepris en 1882 un grand voyage à travers l’Espagne, ce pays qui l’avait fasciné depuis l’enfance et qu’il n’avait goûté qu’à travers les tableaux de son ami Manet. Il en ramena des rythmes, des mélodies et des impressions qu’il distille ici avec une grande finesse. Le rythme typique de la habanera, à la fois statique et chaloupé, se fait languissant, comme sous l’effet de la chaleur. Sur cette impression se déploie en rébémol majeur une mélodie dont la simplicité et le naturel sont clairement hérités de l’opérette. Les nuances en demi teintes ne sont pas sans évoquer le genre du nocturne ou de la barcarolle. Le second thème, presque une redite du premier, n’imprime qu’une courte digression au discours avant de réintroduire la mélodie initiale dans la tonalité inattendue de mimajeur. Le retour du ton principal est alors souligné par un contrechant nonchalant. Celui-ci est réservé au violoncelle dans la version pour orchestre élaborée par le compositeur au dernier trimestre de 1888. Habanera est dédiée à Marguerite Lamoureux, la fille du chef d’orchestre qui créa España.
Permalien
date de publication : 06/09/23
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