Henry VIII

« Saint-Saëns a le droit de faire un four à l’Opéra. » Par ces propos facétieux retranscrits par Saint-Saëns lui-même, Charles Gounod tentait de convaincre Vaucorbeil, le directeur de l’Académie nationale de musique, de laisser à son ami l’opportunité de créer un opéra dans sa prestigieuse institution : Henry VIII y est donné le 5 mars 1883 « avec un luxe, un ensemble et un éclat qui lui [Vaucorbeil] ont créé des droits inaliénables à ma reconnaissance » confie Saint-Saëns, bien des années plus tard. Cet ouvrage remporte un franc succès lors de sa création, mais connait ensuite, surtout à Paris, une désaffection progressive. Henry VIII demeure toutefois, du vivant de Saint-Saëns, l’œuvre la plus fréquemment représentée, après Samson et Dalila et avec Phryné. L’intrigue conte la passion d’Henry VIII (baryton) pour Anne Boleyn (mezzo-soprano), passion qui conduit le roi à répudier son épouse Catherine d’Aragon (soprano), à rompre avec le Saint-Siège et à s’autoproclamer chef de l’Église d’Angleterre. Sur le plan musical, Henry VIII s’inscrit pleinement dans la tradition du grand opéra à la française. Le caractère historicisant de la narration est amplifié par le recours, dès le Prélude, à quelques pages inspirées du répertoire musical de la Renaissance (par exemple une pièce de William Byrd à l’acte IV, pour accompagner les divertissements organisés dans les appartements d’Anne Boleyn). L’œuvre se caractérise par l’emploi de motifs conducteurs attachés, la plupart du temps, à des personnages, ou plus subtilement encore, à la variété des humeurs du roi.