L’ Île de Tulipatan

Depuis l’échec relatif des Bergers (1865), Offenbach n’a pu créer d’ouvrage nouveau aux Bouffes-Parisiens, dont il n’est d’ailleurs plus directeur. Avec ses nouveaux collaborateurs Duru et Chivot – ayant tous deux travaillé pour Hervé et Lecocq – il y prévoit un retour remarqué. Ces derniers, désireux de satisfaire aux attentes du maître, signent un livret désopilant, aux péripéties bien ficelées et aux dialogues finement troussés. Pour garantir au duc Cacatois XXII un héritier mâle, le grand sénéchal Romboïdal décide de faire passer l’énième fille que la duchesse vient de mettre au monde pour un garçon nommé Alexis. À l’inverse, Théodorine, l’épouse de Romboïdal, craignant que son fils ne parte un jour pour la guerre, déclare la naissance d’une fille nommée Hermosa. À l’âge où les jeunes gens batifolent, Alexis et Hermosa tombent évidement amoureux… Le thème central de l’identité sexuelle est certes propice au quiproquo et au déguisement, mais il est traité ici avec une délicatesse toute moderne qui évite élégamment le scabreux. Le pacte fictionnel est délicieusement malmené et l’équilibre entre registre comique et sentimental des plus réussis. L’Île de Tulipatan est créée le 30 septembre 1868 sur la scène des Bouffes-Parisiens, en même temps que Le Fifre enchanté ou le Soldat magicien. La bouffonnerie de l’une et la délicatesse de l’autre font que les deux œuvres se complètent idéalement et remportent la franche adhésion du public. Offenbach renouvellera sa collaboration avec Duru et Chivot pour deux de ses dernières pièces, Madame Favart (1878) et La Fille du tambour-major (1879).