Le Juif polonais

Tiré d’un conte alsacien, Le Juif polonais, drame en trois actes d’Alexandre Chatrian et Émile Erckmann est créé le 15 juin 1869 au théâtre de Cluny. L’œuvre connaît un vif succès dans le monde entier, au point que Cain et Gheusi en adaptent le scénario en livret d’opéra. Le soir de Noël 1833, dans une auberge d’Alsace, il fait aussi froid que cette fameuse nuit où, quinze ans plus tôt, un marchand polonais venu trouver refuge disparaissait dans de mystérieuses conditions. Voilà justement qu’un juif polonais se présente au seuil de l’auberge, déclenchant l’apoplexie du vieux Mathis. Dissimulant toujours son crime, Mathis est respecté de tous et veillé durant sa convalescence. Hanté par son secret, il revit dans ses rêves toute l’horreur de la tragique nuit et craint d’avoir parlé durant son sommeil. Au comble de son angoisse, le vieux Mathis meurt des remords d’un crime qui demeure pourtant ignoré ! La partition du Juif polonais fait déjà usage de leitmotive qui, quelques années plus tard dans Le Fils de l’étoile ou Aphrodite marquent le style d’Erlanger. L’écriture musicale alimente l’action d’un bout à l’autre de l’ouvrage. Le procédé est particulièrement marquant durant l’acte du songe de Mathis, où l’orchestre supporte et éclaire la double narration qui s’établit entre rêve et réalité. Admirablement mis en scène par Albert Carré à sa création, le cauchemar de Mathis revivant l’effroyable scène de crime constitue le climax de l’ouvrage et lance sa réputation. Les visiteurs de l’Exposition universelle, inaugurée quatre jours plus tard, se pressent aussitôt à l’Opéra-Comique pour y frémir d’angoisse