Messidor

Messidor inaugure une seconde phase dans la collaboration entre Bruneau et Zola, où l’écrivain devient le librettiste officiel et récurrent du compositeur. Le livret entièrement en prose rompt avec la tradition et situe l’action à l’époque contemporaine. En Ariège, où une usine détourne les torrents pour en extraire l’or, les habitants de la vallée sont privés de leur eau et de leurs récoltes. Ils s’unissent pour détruire l’abominable machine, anéantissant à jamais le gisement d’or, mais retrouvant le jaillissement de l’eau et la prospérité de leurs terres. « Donner le poème du travail, la nécessité et la beauté de l’effort, la foi en la vie, en la fécondité de la terre, l’espoir aux justes moissons de demain », voilà comment Zola résume son poème. De toute évidence Messidor prolonge le propos de lutte sociale amorcé dans Germinal et l’érige en pamphlet anticapitaliste, tandis que l’opéra s’achève sur la bénédiction des blés. Bruneau se met humblement au service de ce drame humain dont il entend servir et révéler toute la beauté immédiate. Il irrigue ainsi sa partition de thèmes conducteurs représentant les différents enjeux et symboles du poème tels que le travail, la misère, l’amour, la foi, l’or, la terre et l’eau. Les principes naturalistes défendus par les auteurs s’accomplissent jusque dans la mise en scène – à laquelle Zola consacre différents écrits théoriques depuis 1876. Les gigantesques rouages de l’usine vont jusqu’à couvrir la musique, mais s’effacent malheureusement devant le ballet du III^e acte, imposé par le cahier des charges du Palais Garnier. Créée en plein contexte de l’Affaire Dreyfus, l’œuvre est accueillie timidement et totalement retirée de l’affiche après le célèbre « J’Accuse… ! » signé par Zola en janvier 1898.