Panurge

À la fin de sa vie, Massenet se tourne résolument vers d’autres formes que celle de l’opéra-comique et s’intéresse au sujet antique (Ariane, Bacchus, Roma), légendaire (Amadis), héroïque (Don Quichotte) ou proprement comique, avec Panurge. On peut imaginer qu’au soir de sa vie, le compositeur souhaite suivre l’exemple de Verdi quittant le théâtre avec Falstaff. Mais l’analogie s’arrête là. Tirant son sujet de l’œuvre de Rabelais, Massenet propose une haulte farce musicale qui ne s’acoquine ni à l’opéra-bouffe, ni à la comédie de caractère, mais côtoie plutôt l’esprit de la commedia dell’arte. L’histoire est celle de la relation tourmentée de Panurge et sa femme Colombe. Battue par son époux, Colombe est laissée pour morte. Elle poursuivra Panurge pour le soumettre et le reconquérir par la ruse. De cette gargantuesque source littéraire, les librettistes Charles-Maurice Couÿba (journaliste et homme politique écrivant sous le nom de Maurice Boukay) et Georges Spitzmüller piochent et ré-agencent un ensemble de situations formant un scénario clair et efficace. Massenet structure plus encore sa partition et construit des scènes fortes, dont les motifs de situation unifient récitatifs et airs brefs. Le compositeur a recourt à différentes formes de pastiche comme équivalent musical aux archaïsmes fantaisistes du poème. L’orchestration demeure sobre et sert idéalement le théâtre, plus que jamais central. Avant de disparaître, Massenet prévoit avec les frères Isola de créer Panurge au théâtre lyrique de la Gaîté. Réunissant Lucy Arbell (Colombe) et Vanni-Marcoux (Panurge), l’œuvre est un succès, bien que la critique déplore trop de libertés prises avec Rabelais.