La Reine de Saba

Récit biblique dont l’intrigue a été empruntée au Voyage en Orient de Nerval, La Reine de Saba narre les amours contrariés du bronzier Adoniram et de la reine Balkis, promise au roi Soliman. Sa création à l’Opéra de Paris est un échec sans appel : alors que l’œuvre a demandé 131 répétitions et occasionné des dépenses somptuaires pour les décors et les costumes, elle est arrêtée à l’issue de la 15^e représentation. Les raisons données à ce désaveu sont diverses et certains y ont vu la main d’un Napoléon III chagriné de voir dans cet opéra une apologie de la franc-maçonnerie ou, plus prosaïquement, le récit d’un artiste préféré à un roi. Gounod, pour sa part, se plaint d’une critique qui s’est unanimement liguée contre lui (certains rédacteurs vont jusqu’à lui reprocher de suivre l’exemple de Wagner) et d’un chef d’orchestre (Pierre-Louis Dietsch) incapable de servir sa partition. Les conditions matérielles dans lesquelles l’œuvre a été créée doivent également être dénoncées : l’acte II, qui donnait à voir le tableau spectaculaire de « la fonte de la mer d’airain » sur des parties symphoniques soigneusement pensées, dût être entièrement supprimé avant la première représentation. La cause n’en est pas certaine : si l’on peut lire que ce décor faisait courir un risque d’incendie, l’éditeur Choudens indique que la coupe s’expliquait par la longueur incompressible des ballets que Gounod devait écrire pour la scène de l’Opéra. Lors de sa reprise à Bruxelles (5 décembre 1862) puis à Darmstadt (sous la direction de Gounod), l’œuvre retrouve pourtant son deuxième acte et rencontre le succès public. Plusieurs remaniements postérieurs de Gounod (notamment une réduction de l’acte IV) expliquent l’existence de plusieurs versions de l’œuvre, en 4 ou 5 actes.