Le Roi Arthus

Chausson travailla dix ans au Roi Arthus (de 1886 à 1895), mais ne vit jamais sur scène son « drame lyrique en trois actes », créé quatre ans après sa mort. La majorité des critiques présents le 30 novembre 1903 au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles insistèrent sur l’influence wagnérienne, perceptible en premier lieu dans le livret (de la plume de Chausson) qui doit à Tristan et Isolde (Lancelot et Genièvre trahissent Arthus), Siegfried (l’apparition de Merlin rappelle celle d’Erda) et Parsifal(l’aspiration à un ordre supérieur unissant les chevaliers). On entendit le souvenir de Wagner dans le duo d’amour de l’acte I (« Délicieux oubli des choses de la terre »), dans l’ample déclamation syllabique, le chromatisme de l’harmonie et le rôle narratif de l’orchestre. Conscient de sa fascination pour le maître de Bayreuth, Chausson s’était toutefois efforcé de s’en libérer. La clé de voûte de son opéra, c’est Arthus en quête d’idéal, non les amants à l’amour peu fusionnel (Lancelot est d’ailleurs bourrelé de remords dès l’acte I). L’harmonie aux touches modales et l’orchestration se distinguent de Wagner plus qu’elles ne s’en approchent. Les éléments thématiques, si plastiques qu’on ne les reconnaît pas toujours au fil de leurs occurrences, nourrissent la trame symphonique sans qu’on puisse aisément les associer à une idée ou à un personnage. Ces singularités n’avaient pas échappé à Dukas qui vit notamment dans les chœurs de l’acte I, l’apparition de Merlin à l’acte II et le dernier finale des « recherches précieuses d’une route nouvelle et tout originale ».