Sapho

« À Emma Calvé. Toutes ces pages je les ai écrites avec votre constante pensée – elles doivent vivre par vous – elles vous appartiennent doublement et je vous les offre avec l’expression de ma reconnaissance infinie » écrit Massenet le jour de la création. Sous-titré Mœurs parisiennes et adapté à la scène, le roman de Daudet remporte avec Jane Hading et Réjane un vif succès au théâtre. Le sujet typiquement Belle Époque inspire vivement Massenet qui, depuis La Navarraise, souhaite offrir à Emma Calvé un nouveau rôle sur mesure. Cain et Bernède recentrent l’émotion sur le duo amoureux, faisant de Fanny et Jean les héros modernes d’un drame de mœurs. L’importance de l’amour filial, étouffant chez Divonne, mais admirable chez Fanny qui embrasse finalement son rôle de mère, est une donnée naissante du théâtre de Massenet. Ayant démissionné de son poste au Conservatoire, le compositeur fuit le tumulte parisien et arpente le Cantal, travaillant avec ardeur à Sapho, dont il achève l’orchestration à l’automne 1896 lors d’un séjour dans les Landes. Fait rarissime chez Massenet, la partition de Sapho compte bon nombre de citations, confirmant l’impression de conversation en musique, où le théâtre doit rester l’élément central. L’invention mélodique s’y trouve pourtant admirable, l’orchestre, proche de celui de Werther, s’étire vers les graves des cordes et bois dans le nouveau tableau composé en 1908. Avant de disparaître trois semaines après la création de l’œuvre, Daudet acquiesce : « Avec la musique de Massenet, mon livre m’est tout entier rendu ! Et ce n’était pas là une mince difficulté ! »