Sémélé
Cantate pour le concours du prix de Rome de composition musicale 1889.
Les librettistes Eugène et Édouard Adenis s’étaient fait une spécialité des textes de cantates pour le Prix de Rome et il furent particulièrement inspirés en s’attaquant au sujet de Sémélé. Pour l’occasion, l’habituel trio de chanteurs soprano / ténor / baryton était modifié en soprano / mezzo-soprano / baryton, la première incarnant la naïve Sémélé, la seconde représentant Junon – épouse trahie – sous les traits déguisés de la nourrice de Sémélé, le dernier magnifiant par sa tessiture aiguë le Dieu Jupiter dont Sémélé est follement éprise. Par désir de vengeance, Junon suggère à Sémélé de vérifier si Jupiter est bien le dieu qu’il prétend être : qu’il se révèle dans sa flamboyante splendeur et la preuve en sera faite. Mais Sémélé ne sait pas qu’un tel prodige l’embrasera mortellement, et elle en fait l’expérience en expirant dans les bras de son amant. Dukas livre sur ce sujet une cantate absolument éblouissante de drame et de musique. Poésie intimiste (l’entrée de Sémélé et les retrouvailles des amants) et férocité théâtrale (prélude, premier air de Junon et tempête finale) alternent avec un parfait équilibre. Plus encore, les transitions suggérées par le livret prennent tout leur sens sous la plume de Dukas et confèrent à l’ensemble cette articulation naturelle et cette fluidité qui sont la marque des œuvres abouties. Plusieurs motifs récurrents (colère de Junon, amour de Sémélé, fanfares de la « révélation », etc.) servent à coudre entre elles les étapes narratives de l’action qui, contrairement à Velléda l’année précédente, évolue selon une progression très efficace. Comment expliquer, alors, l’absence de récompense, puisque cette Sémélé fut disgraciée par l’Académie, et dormit dans un carton du Conservatoire de Paris pendant près de 130 années sans avoir jamais été jouée à l’orchestre ? La question d’un wagnérisme trop présent doit être ici évacuée : non seulement Dukas respecte à la lettre les dogmes français (à cette époque le style de Massenet, en particulier), mais la cantate de Charpentier récompensée en 1887 (Didon) allait bien au-delà en termes de leitmotiv et de texture germanique moderne. Dukas n’a pas non plus modifié le texte imposé (ce qui, d’après le règlement, pouvait donner lieu à disqualification).
Documents et archives
Article de presse
Le Ménestrel, 1889/06/23 [prix de Rome]
Colloques et études
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date de publication : 25/09/23
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