Souvenirs

D’Indy composa Souvenirs au cours de l’été qui suivit la mort de son épouse Isabelle, décédée dans la nuit du 29 au 30 décembre 1905. Dédié « à la mémoire de la bien-aimée », ce vaste poème symphonique en la mineur fut conçu au château des Faugs, que le musicien avait fait édifier non loin du manoir familial de Chabret, dans les montagnes de l’Ardèche, où il avait rencontré et aimé celle qui était devenue sa femme en 1875. Le début du thème de la « Bien-aimée » du Poème des montagnes (1881) y reparaît dès les premières mesures (à l’aigu des accords joués par les bois). Plus loin, d’Indy réalise une véritable orchestration de la conclusion du troisième morceau (Plein Air). Comme il l’explique lui-même, il a tenté de retracer dans cette œuvre les moments de sa jeunesse où il avait connu sa femme, puis la croissance de leur amour, pour finir par la fin tragique et la mort de sa bien-aimée, encadrant ce programme par trois expositions d’une sorte de lamento. Comme à son habitude, d’Indy se préoccupe de la cohérence formelle, concevant la partition comme une forme-sonate sertie dans une forme lied, à la manière du mouvement initial du Quatuor de Franck, pour lequel il professait la plus vive admiration. Le changement de ton est flagrant dans la réexposition, entrecoupée de lugubres solos de vents et de véritables spasmes orchestraux annonciateurs d’une fin imminente. Avec le solo de hautbois précédant le moment de la mort, la harpe égrenant les douze coups de minuit et les sons de cors bouchés s’évanouissant dans le silence, d’Indy se souvient sans doute de la mort de Clärchen dans la musique de scène pour Egmont de Beethoven.