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Revue musicale. La Princesse jaune

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REVUE MUSICALE

La Princesse Jaune, opéra-comique en un acte de MM. Louis Gallet et Camille Saint-Saëns. – La fermeture de l’Opéra-Comique et ses conséquences. – Suite du travail de M. R. Wagner : L’Opéra et le Drame, traduit de l’allemand. – Une nouvelle édition du Dictionnaire musical, de MM. Escudier.

L’Opéra-Comique conviait, mercredi dernier, la critique, à la première représentation d’un nouvel ouvrage en un acte, dû à la collaboration de M. Louis Gallet et de M. Camille Saint-Saëns.

M. Gallet aime l’Orient, il vient de nous le montrer deux fois de suite en écrivant les livrets de Djamileh et de la Princesse Jaune. Il nous le dépeint là, en assez jolis vers, pendant un voyage chimérique au Japon : 

Ce pays vermeil ;
Écrin rayonnant que la terre
À pris au soleil !

Le public ordinaire de la salle Favart n’est point disciple de Boileau. Loin de penser que le Vrai seul soit aimable, il apprécie fort, au contraire, l’invraisemblable.

Aussi dit-on : paysages d’opéra-comique, paysans d’opéra-comique, brigands d’opéra-comique, etc. Quant à l’Orient, nous savons quels parfums s’en dégagent, quelles pastilles on mange dans les sérails imaginés par Auber et ses imitateurs. Aujourd’hui ce n’est pas que je m’en prenne à MM. Gallet et Saint-Saëns de leur Japon, dont on ne voit qu’un intérieur de maison et quelques personnages muets ; mais l’effort d’imagination que demande au spectateur le livret de la Princesse jaune dépasse un peu celui qu’on est habitué à faire, même rue Favart. Qu’on en juge :

Un savant hollandais, vivant en Hollande, entouré de parents hollandais, aimé d’une cousine hollandaise, est épris d’une Japonaise de paravent, ornement de son cabinet de travail ! Voilà qui est déjà assez original, bien que M. Gallet ait eu l’attention de nous montrer son héros passionné pour toutes les merveilles du Japon, pour sa langue, pour ses arts, pour ses potiches. 

Mais ce n’était pas assez pour l’imagination très souple des abonnés de l’Opéra Comique, qu’aucune extravagance ne rebute. Tout d’un coup le savant Kornélis s’avise de fabriquer et de boire un breuvage, dont la composition se trouve dans le bouquin d’un halluciné, philtre qui doit lui permettre de franchir la limite des mondes et de réaliser tous ses rêves. C’est alors qu’il tombe en extase, circonstance qui permet aux décorateurs et aux machinistes, de transformer avec une habileté magique le cabinet hollandais en un cabinet japonais.

Mais ce qu’on ne comprend plus du tout, ce qu’on ne peut pas accepter, même à l’Opéra-Comique, c’est que la cousine du docteur, l’intéressante Léna, lui apparaisse déguisée en Japonaise, puisque son cousin ne l’a pas prévenue du changement de décoration. Il eût fallu ce semble, qu’une autre actrice fût chargée de ce nouveau personnage, tout imaginaire qu’il soit.

M. Gallet ne l’a pas voulu ainsi, et c’est la cousine hollandaise, jalouse de la Japonaise de paravent, qui emprunte son costume, dans l’espoir de conquérir de la sorte le cœur de son savant cousin, espoir que le dénouement justifie.

Mais qu’importent ces extravagances, me direz-vous, si l’on s’y plaît ? Qu’il en soit donc, comme l’ont voulu les auteurs de la Princesse Jaune, puisque le public accueille sans ennui leur pièce.

L’un d’eux, M. Saint-Saëns, est le savant abbé d’une petite chapelle, où les dévotes ne manquent pas. Il s’est acquis dans le monde musical une réputation méritée d’organiste très-distingué et de virtuose de piano ; et malgré certain défaut que nous lui avons reproché – la sécheresse du touché, – il n’en marche pas moins de pair avec les Planté, les Ritter et les Delaborde. Harmoniste consommé et disciple de la nouvelle école allemande, M. Saint-Saëns vient de se manifester tardivement au théâtre. De sérieuses qualités le désignaient à la confiance des directeurs subventionnés, mais on sait combien, jusqu’ici, ils s’étalent montrés récalcitrants à toute nouveauté française.

Enfin, la direction de l’Opéra-Comique paraît entrée résolument dans une voie où elle attire nos jeunes musiciens. Dans l’espace de quelques semaines, elle vient de monter, avec beaucoup de soin et de goût, trois ouvrages nouveaux qui, s’ils n’ont pas conquis d’unanimes suffrages, ne sont pas moins des manifestations intéressantes de l’art moderne.

Pourquoi faut-il que le départ de Mme Galli-Marié ait arrêté si tôt les représentations du Passant, de MM. Coppée et Paladilhes ? II eût été intéressant de réunir ces trois ouvrages dans un même spectacle, car les auditeurs en eussent tiré plus d’une observation et les gens du métier plus d’un enseignement. Mais espérons que l’intérêt qu’offrirait cette réunion nous est réservé pour la réouverture de l’Opéra-Comique, puisque, contrairement à ses habitudes, ce théâtre fortuné va fermer ses portes pendant deux mois.

Cette fermeture est nécessitée, dit-on, par le nettoyage indispensable de la salle. Toutefois, il nous semble que quinze jours eussent suffi à ce coup de balai, dans un temps où nous voyons toute une maison s’élever dans trois mois ! Nous croyons donc que cette mesure est une réponse déguisée à la réduction de la subvention de l’Opéra-Comique. L’une des conséquences les plus fâcheuses de cette décision directoriale, c’est la gêne qui va en résulter pour les musiciens de l’orchestre et des chœurs, et pour les petits employés qui ne toucheront point d’appointements. Cette suppression radicale de moyens d’existence, venant s’ajouter aux privations endurées avec tant de résignation pendant la guerre et pendant le règne de la Commune, sera regrettée et blâmée ; aussi croyons-nous de notre devoir d’appeler là-dessus la bienveillante attention du ministre des Beaux-Arts et de la commission consultative des théâtres nouvellement nommée.

Nous avions prévu les complications et les fâcheux résultats qu’entraînerait la réduction de la subvention de l’Opéra Comique ; mais il fallait nécessairement tenir compte des charges extraordinaires du budget de 1872, et nous nous étions bornés à exprimer des vœux pour l’avenir. Cet avenir est devenu le présent et nous ne pouvons que rappeler les paroles de M. Beulé :

N’oublions pas surtout la génération d’artistes qui se forment, les jeunes compositeurs sur lesquels nous comptons, notre espoir, notre vengeance, notre avenir. Donnons-leur la force et la confiance ! Qu’ils sachent que la France leur a préparé un piédestal, et ce piédestal, c’est l’Opéra !

Et quand M. Beulé parle de l’Opéra, il n’entend pas seulement le grand Opéra, mais aussi l’Opéra-Comique, asile des plus grandes gloires musicales de la France. L’Assemblée, d’ailleurs, l’avait compris ainsi et deux de ses membres, MM. de Lacretelle et Breslay, avaient formulé un amendement favorable à la restitution intégrale de l’ancienne subvention de l’Opéra-Comique. Dans la crainte de compromettre le vote du chapitre entier, ces deux honorables représentants avaient consenti à retirer leur amendement, qu’ils se sont engagés, dans une lettre publique, à représenter lors de la discussion du budget de 1873.

Ils ne manqueront pas de bonnes raisons, que la Chambre appréciera sans doute. La direction de l’Opéra-Comique attend cette décision pour signer un nouveau cahier des charges, pour renouveler son traité avec la Société des auteurs et compositeurs dramatiques, et si la subvention n’était pas votée dans son intégrité, il s’en suivrait évidemment que ceux-ci seraient frustrés dans leurs intérêts, désormais à la merci d’une direction qui n’a que trop montré les velléités de donner des traductions.

Je ne fais qu’indiquer aujourd’hui le terrain de la discussion ; dans mon prochain feuilleton, j’examinerai la situation très difficile où se trouvent trois théâtres importants ; l’Opéra-Comique, les Italiens, qui n’ont pas de directeur, et le Théâtre-Lyrique, qui n’a plus ni salle ni directeur, le dernier n’ayant pas réussi dans son entreprise.

Ces réflexions faites, et elles étaient nécessaires, je reviens à la Princesse Jaune, qui voudra bien me pardonner d’avoir plaidé, à la fois et tout d’abord, la cause de la maison où elle est reçue et la cause de ses introducteurs près du public, je veux dire celle des auteurs et compositeurs.

Je commence par établir que les tendances de M. Saint-Saëns sont cousines germaines de celles de MM. Paladilhes et Bizet. Comme eux, il donne à la partie instrumentale le pas sur la partie vocale. Chez ces trois musiciens, le système est accusé, et ce que nous critiquons dans le Passant et dans Djamileh, nous le reprochons également, peut-être à un moindre degré, à la Princesse Jaune.

La façon dont certains compositeurs d’aujourd’hui comprennent le drame lyrique est contraire à ses règles fondamentales, et nos observations n’ont pas d’autre but que d’essayer de ramener à la vérité des artistes égarés par des doctrines funestes à l’art lyrique. Loin de les accuser d’impuissance, comme quelques-uns de nos confrères, nous ne voulons voir qu’un égarement dans leurs procédés, égarement qui s’explique par les préventions qui, jusqu’ici, les ont éloignés du théâtre.

Où donc, d’ailleurs, auraient-ils appris cet art de la scène qui ne s’acquiert que par la pratique, les portes de nos théâtres étant depuis longtemps fermées pour eux !

Nous l’avons dit et redit, lorsque l’homme est en scène, lorsque les sentiments du drame ont pour interprètes la voix et la parole humaines, la dissonance de l’instrumentation, la fusion curieuse des timbres doivent, non pas disparaître, mais s’effacer un peu devant l’élément scénique. Transporter dans l’opéra, pour leur donner la prééminence, les élégances harmoniques des pianistes compositeurs, des Schumann et des Chopin, c’est s’abuser, se tromper, sur les conditions d’existence du drame lyrique, c’est nourrir une chimère, dont les compositeurs auxquels nous faisons allusion reviendront un jour ou l’autre.

L’erreur du moment, et cela dans tous les arts, c’est de sacrifier le principal à l’accessoire. N’est-ce pas la rime qui préoccupe avant tout nos jeunes poètes ? Les détails du tableau n’absorbent-ils pas bien souvent la pensée des peintres, à ce point que la figure du sujet disparaît presque à nos yeux ?

Chez certains de nos musiciens, c’est l’orchestre qui est l’objet de toute leur attention, c’est le coloris auquel ils sacrifient la belle et pure mélodie se déroulant en longues périodes chantées. Ce mouvement, qui s’opère parallèlement dans tous les arts, repose sur une erreur que la critique ne saurait trop combattre, car c’est le triomphe de la matière sur le sentiment. Or, détruire le sentiment en musique, c’est supprimer la musique elle même. Le grand, l’éternel modèle que tous doivent avoir devant les yeux, Beethoven, n’a-t-il pas dépensé d’admirables et d’inépuisables richesses d’harmonie ! Et cependant, dans Fidelio, on ne citerait pas quatre mesures où le sentiment du drame ne domine toute autre préoccupation.

Combien il serait triste de voir de jeunes gens pleins de talent spéculer sans cesse avec des sons, au lieu de nous exprimer ce qu’ils ont dans le cœur ! Mais nous ne voulons pas croire qu’il en sera toujours ainsi, car le public s’est prononcé contre les spéculations de l’esprit, et le théâtre ne peut exister sans public. Que Saint-Saëns ne voie pas dans nos observations une critique qui lui soit personnelle ; elles s’adressent à tout un groupe dont il est de notre devoir de combattre les tendances antithéâtrales.

Sur le livret de M. Gallet, M. Saint-Saëns a écrit une musique pittoresque et colorée ; mais à force de peindre, elle ne chante plus assez par moments. La Princesse Jaune, éditée par M. Hartmann et riche en détails charmants, est l’œuvre d’un véritable artiste.

L’ouverture, dont les deux motifs sont empruntés à l’opéra, est traitée de main de maître. L’allegro des couplets de Lena, sur les paroles : « Quel est ton pouvoir ? » manque de distinction dans son motif, contrairement aux habitudes de l’auteur.

Le premier air de Kornélis : « J’aime ces sons, lointains mystère », est une très poétique inspiration musicale. Un charme extrême l’enveloppe tout entier. J’en dirai autan de la plainte de Léna dont Mlle Durasse rend bien l’inspiration émue. 

La ravissante mélodie qui court dans toute l’évocation de Kornélis frappe par une grande distinction et par son accompagnement, où l’on remarque un trait des violons en triolet d’une rare élégance. 

Une mélopée habilement traitée sert à préparer le changement de décor. Le chœur qu’on entend ensuite dans la coulisse, accompagné de clochettes et par le kongue, sorte de petit tam-tam, produit un effet délicieux.

Le duo qui suit nous a paru tourmenté et trop dialogué. Les idées mélodiques en sont peu saillantes, et l’on regrette qu’une des scènes capitales de l’ouvrage manque d’effets. Le duo final, au contraire, doit être loué pour sa grâce et son charme.

On le voit, nous ne sommes pas de ceux qui refusent à l’opéra de M. Saint-Saëns toute inspiration. Notre principale critique porterait sur un autre point : Kornélis étant, dans son rêve, transporté de Hollande au Japon, il eût fallu que la musique de ce rêve contrastât davantage avec les autres parties de l’ouvrage. L’opposition ne se fait pas suffisamment sentir. Avec plus de simplicité dans les moyens, au début, le musicien eut évité, je crois, une monotonie qu’on lui reproche.

Cette épreuve du théâtre n’est point défavorable à M. Saint-Saëns et nous y voulons voir une promesse pour l’avenir. Plus heureux que M. Bizet, il a rencontré une excellente interprétation.

Mlle Durasse tient tout ce que nous attendions d’elle comme comédienne et comme chanteuse. La nature ne lui a cependant départi qu’une voix fort limitée et d’une qualité médiocre ; mais une intelligence très fine et un instinct musical qui se trahissent dans tous ses rôles en font une artiste toujours agréable à voir et à entendre. Jamais, chez elle, de gestes faux et de notes fausses ; tout est étudié, bien compris et justement rendu. Elle a le sentiment de la scène, qu’elle occupe sans prétention, s’y faisant remarquer par les gens de goût.

M. Lhérie, lui non plus, n’a pas beaucoup de voix, mais il sait s’en servir. C’est avec sentiment qu’il a joué et chanté son rôle. Aussi les applaudissements ne lui font-ils pas défaut.

La mise en scène de la Princesse jaune ne laisse rien à désirer aux plus difficiles. […]

Guy de Charnace

Persone correlate

Compositore, Organista, Pianista, Giornalista

Camille SAINT-SAËNS

(1835 - 1921)

Opere correlate

La Princesse jaune

Camille SAINT-SAËNS

/

Louis GALLET

Permalink

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data di pubblicazione : 23/09/23