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Les Théâtres / La Soirée. Roma

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LES THÉÂTRES
Théâtre de l’Opéra : Première représentation de Roma, opéra tragique en cinq actes de M. Henri Cain, d’après Rome vaincue, d’Alexandre Parodi, musique de M. Massenet.

Lorsque Roma, fut joué à Monte-Carlo au mois de février dernier, notre éminent collaborateur Gabriel Fauré a parlé de l’œuvre nouvelle de M. Massenet dans les termes les mieux faits pour en faire sentir la qualité. Il vous en a dit alors l’affabulation. Je n’y reviendrai donc que d’une manière succincte. D ailleurs, le succès de la Rome vaincue, d’Alexandre Parodi, fut si, vif au Théâtre-Français alors que Mme Sarah Bernhardt y interprétait Posthumia, que son sujet est sans doute connu de tous :

Annibal a vaincu Rome ; les armées de Varron et de Paul-Emile sont anéanties, leurs chefs morts. Les dieux ont abandonné la gloire romaine, les dieux sont courroucés, car le feu sacré des Vestales s’est éteint. La Vestale coupable est bientôt découverte : c’est Fausta, la fille de l’aveugle Posthumia, la nièce de Fabius ; elle avoue sa faute et son amour pour Lentulus, jeune centurion qui seul a échappé à la poursuite d’Annibal. Fausta connaît le sort qui l’attend : la mort, lente dans un sépulcre ; mais elle sait aussi que, descendante des Fabius, elle doit à sa patrie et à son nom le sacrifice de sa vie. Aussi bien après avoir accepté, grâce à l’entremise d’un esclave gaulois, de fuir avec Lentulus, revient-elle se livrer aux mains de ses juges. Le Sénat, le Grand Pontife demeurent insensibles aux supplications de la vieille Posthumia, au desespoir de Fabius : Fausta subira son sort. Mais dans un mutuel élan de pitié et de tendresse, l’inébranlable fierté de Fabius et l’amour maternel de Posthumia se sont joints pour éviter à la vestale coupable le sort atroce qui lui est réservé : et comme Fausta ne saurait pour se tuer rompre les liens qui la lient, c’est Posthumia elle-même qui la frappe d’un coup de poignard. Et à l’instant même que Fausta meurt, des trompettes guerrières annoncent l’arrivée du vainqueur, du « Lion africain » : Scipion.

*

Ce drame dont M. Henri Cain a habilement respecté la donnée primitive en l’adaptant, ce sujet ne manque ni de noblesse ni de pathétique ; tout au plus manque-t-il un peu, sinon dans ses détails, du moins dans son dessin principal, d’éléments essentiellement lyriques. Mais il contient dans son quatrième acte une scène si tragique qu’elle explique l’enthousiasme de M. Massenet. D’ailleurs, à l’apogée de sa carrière, l’auteur de Manon fait preuve et d’une activité prodigieuse et d’une surprenante variété dans le choix des sujets qu’il aborde. Rien n’est plus différent de Don Quichotte que Roma ; et Roma n’a sans doute aucune analogie poétique avec Panurge. Ils en ont une cependant – et fort heureusement – c’est la manière de M. Massenet, une manière qui lui appartient en propre et qui demeurera historiquement comme un type absolument particulier.

Il y a quelques années, M. Massenet me parlant de Roma qu’il projetait d’écrire, me dit qu’il voulait écrire de la musique « froide » ; le maître entendait par là une musique toute de dignité, toute de sobriété, une musique bien « romaine » enfin. Mais le maître se connaissait bien peu ; il ignorait que son art sensuel, tendre, coloré, s’accommoderait mal de tant de réserve. Heureusement ces rêves d’austérité se sont envolés sous l’aile de la Muse familière, et toute romaine que soit Roma elle n’en est pas moins de Massenet.

Certes les beaux chœurs du premier acte sont d’une ligne à la fois puissante et simple, certes les chants des vestales sont dépouillés de vains ornements et accompagnés avec la plus touchante simplicité, certes le quatrième acte tout entier – l’acte tragique – est imprégné d’une grandeur où ne se mêlent point de frivoles agréments ; mais les duos de Fausta et de Lentulus ne sont-ils point animés de cette même passion sensuelle que nous aimions ailleurs ? Et combien il eût été dommage que Junie, la vestale naïve, ne racontât point son rêve en d’aussi flexibles mélodies ! Non point ; d’entre les cyprès funéraires et les lauriers glorieux du jardin des Fabius émane un parfum dont les senteurs nous ont déjà grisé. Et ce n’est pas nous qui regretterons que les fanfares de Scipion l’Africain cèdent le pas à la grâce fleurie de Junia.

*

Roma a été accueillie avec une grande ferveur par le public. L’Opéra lui avait donné pour interprètes les meilleurs éléments de sa troupe : tout d’abord, Mme Kousnetzoff, qui incarnait Fausta, et dont on ne louera jamais assez l’admirable voix et le jeu d’une si belle émotion et d’une si poétique simplicité ; puis, Mme Arbell, dont le rare talent tragique, les accents douloureux, le geste puissant et sobre ont donné au personnage de Posthumia toute sa force, toute sa beauté et toute son ampleur splendides ; Mlle Campredon, qui a chanté d’une manière exquise le rêve de Junia ; Mme Le Senne, une imposante grande vestale ; M. Muratore, magnifique de jeunesse et d’ardeur dans Lentulus et qui en a exprimé le lyrisme avec un talent vocal supérieur ; M. Delmas, qui est la grandeur et la dignité même dans Fabius ; M. Journet qui donne toute sa noblesse et sa puissance au grand pontife, et M. Noté, qui prête à l’esclave gaulois l’éclat d’une voix superbe.

M. Vidal conduit avec toute la sûreté requise et l’autorité d’un musicien expert l’opéra tragique de M. Massenet.

Les décors et les costumes sont d’une harmonieuse tonalité ; l’éclairage accuse encore leur caractère pictural. Mais qui résoudra ce problème : le public se plaint de l’obscurité grandissante qui règne sur la scène, et la majeure partie des œuvres lyriques contemporaines ne trouvent leur véritable expression poétique et le meilleur effet du jeu de leurs interprètes que dans le clair-obscur des crépuscules.

Robert Brussel.

LA SOIRÉE
ROMA À L’OPÉRA

Roma, Romam, nominatif et accusatif, « Rome » ; Romæ, génitif et datif, « de Rome » et « à Rome »...

Quelle soirée rajeunissante !

Imprégné d’héroïsme et baigné de grandiose harmonie, j’écoutais le bel opéra-tragique de MM. Henri Cain et Massenet, et il me semblait que je faisais un rêve...

Le temps ayant marché, les peuples s’étaient émus de la tristesse des études classiques ; ils s’étaient indignés du côté ingrat et rébarbatif des méthodes séculaires d’enseignement, notamment en ce qui concernait les langues mortes et l’histoire ancienne, et ils avaient résolu de rajeunir ces méthodes et de rendre cet enseignement aussi attrayant que possible.

Dans ce but, le budget de l’Instruction publique et des Beaux-arts, avait été augmenté dans des proportions colossales. Et la salle de l’Opéra était devenue un énorme amphithéâtre artistico-pédagogique où se donnaient, devant la foule accourue des potaches et des lycéennes en toilettes de gala, les cours musico-historiques les plus captivants que l’on puisse imaginer.

Ce soir, c’était l’inauguration du nouvel enseignement. Un de nos maîtres librettistes et un des plus fameux génies musicaux contemporains avaient bien voulu assumer la tâche de nous ravir et de nous transporter, tout en rafraîchissant les souvenirs un peu confus de notre mémoire. Au programme figuraient : l’état de Rome au moment des victoires d’Hannibal et des défaites de Paul-Emile ; les mœurs romaines en général et, particulier, les devoirs des vestales, l’autorité du Souverain Pontife et la puissance du Sénat. Toute cette étude rendue suprêmement palpitante par la broderie d’une histoire d’amour et par des ornements de passion et d’humanité...

Classe délicieuse ! Souriantes études ! J’avais quinze ans ! Et tous ces noms – Fausta, Posthumia, Junia, Lentulus, Fabius, Caïus – jadis d’une euphonie réfrigérante, résonnaient musicalement à mon oreille grâce à la voix magnifique de Mme Kousnezoff, à la voix émouvante de Mlle Lucy Arbell, aux accents vibrants et à l’art consommé des Muratore, des Delmas, des Noté et des Journet.

*

Mais il faut bien cependant revenir à moi, et, impressionné par ces désinences latines, fixer, currente calamo, l’aspect de cette inoubliable cérémonie.

Une assistance des plus nombreuses et des plus élégantes se presse dans la salle, car une première du maître Massenet est toujours un régal artistique et mondain recherché. Il y a naturellement moins d’élus que d’appelés, parce que : Non licet omnibus adire Corinthum !...

Après une ouverture magistrale, le rideau se lève sur un coin du Forum, où le peuple se lamente et pleure les malheurs de la patrie, jurant de mourir pro aris et focis... Le décor est d’une complication curieuse et pittoresque : M. Simas fecit... Et c’est un tableau à la Thomas Couture que celui de la promenade du cadavre sanglant de Paul-Emile à travers les ruelles, pour exalter les sentiments patriotiques et le désir de vengeance du noble peuple romain.

Le second tableau se déroule devant le temple de Vesta. Une vestale a manqué à son vœu et la justice romaine informe, quærens quem devoret !

« Et voici le jardin charmant... » – comme on chante dans un autre célèbre opéra – dû aux pinceaux suavement « puvisdechavannesques » de MM. Rochette et Landrin. La coupable vestale se sauve, pede presto, avec son amant, poursuivie par la justice pede claudo...

Cependant le remords ayant fait des siennes, la jeune prêtresse parjure vient se livrer au Sénat dans un superbe et grandiose décor, chef-d’œuvre de reconstitution archéologique qui nous rappelle la Mort de César, du regretté Gérôme : Bailly delineavit et pinxit.

— Peccavi ! gémit la vestale qui succomba aux tentations de l’amour.

— Proh pudor ! riposte le Sénat rigide et impitoyable.

La malheureuse enfant est condamnée à mort, et emmenée manu militari...

Nous la retrouvons au dernier tableau, devant le tombeau dans lequel elle doit périr abandonnée, selon la loi romaine — dura lex sed lex !

Pour la soustraire à une longue et épouvantable agonie, sa mère – horresco referens ! – la poignarde elle-même !

Plaudite cives !

Le public fait mieux que d’applaudir ; il acclame ! Il acclame, associant dans son hommage bruyamment chaleureux, le maître musicien une fois de plus triomphant, l’habile adaptateur de la Rome vaincue de Parodi, les directeurs qui hospitalisèrent si somptueusement et si artistiquement l’ouvrage, les metteurs en scène et les décorateurs qui l’encadrèrent si bien, et les artistes, chanteurs, choristes, musiciens d’orchestre qui lui donnèrent la vie pour la plus grande joie du public mélomane.

Et voilà... Sufficit cuique diei sua malitia...

Un Monsieur de l’Orchestre.

Persone correlate

Giornalista

Robert BRUSSEL

(1874 - 1940)

Compositore, Pianista

Jules MASSENET

(1842 - 1912)

Opere correlate

Roma

Jules MASSENET

/

Henri CAIN

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data di pubblicazione : 25/09/23