Chronique musicale
Chronique musicale.
Opéra : Début de mademoiselle Arnal dans les Huguenots.
Opéra-Comique : Reprise des Dragons de Villars
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Les gens de cour qui, dans la vieillesse du grand roi avaient, pour plaire au maître, affiché les dehors d’une dévotion outrée, donnèrent leur hypocrisie la revanche scandaleuse de l’athéisme et des mauvaises mœurs de la régence. C’est le ressort. qui en se détendant finit par souffleter la main qui le comprime. La comparaison peut être excellente, mais assurément ce souvenir fait intervenir bien mal à propos Louis XIV dans les affaires de l’Opéra-Comique. Notre second théâtre de musique, très désireux de faire parler de lui en rajeunissant son genre et en élevant la note de son répertoire, semblait vouloir rompre, rompre définitivement avec ses habitudes chansonnières en représentant à la file le Passant, Djamileh, et la Princesse jaune. On eût mis de la bonne volonté à trouver là-dedans le moindre prétexte à fredonner ! Le public se laissa faire d’abord avec une docilité exemplaire ; il écouta le Passant et applaudit Mandolinata ; c’était revenir à la chanson par un détour. Il assista ensuite à Djamileh avec l’impassibilité stoïque d’un homme ayant pris son parti de se faire couper une jambe attaquée de la gangrène. Sa gangrène, à lui, c’était le Pont-Neuf. Ayant résisté à Djamileh et au Passant, on le crut mûr pour une dernière opération chirurgicale : celle de la Princesse jaune. Il se révolta pour le coup et chercha M. Offenbach afin de le hisser sur le cheval blanc de Masaniello. Envisageant les suites de la Révolution qu’il avait étourdiment provoquée, M. Du Locle a dit comme Horace aux trois Curiaces, MM. Paladhile, Bizet et Saint-Saëns :
Albe vous a choisis, je ne vous connais plus !
Voilà qui vous explique comment et pourquoi, brûlant ce qu’il avait adoré et adorant ce qu’il avait brûlé, l’Opéra-Comique a passé sans transition du Passant, de Djamileh et de la Princesse jaune, à Bonsoir, Voisin et aux Dragons de Villars.
On sait que cette dernière partition est fort populaire. Le pauvre Maillart nous racontait un jour, avec beaucoup de gaieté, une anecdote dont il avait été à la fois le héros et la victime. Il s’était rendu à Marseille pour assister à la première représentation de son Lara. L’ouvrage ne plut point aux Marseillais. À l’issue de la soirée, Maillart, assis à l’une des tables du café du théâtre, ingurgitait par contenance quelques cuillerées de bavaroise, masqué par le journal qu’il faisait semblant de lire. À ses côtés, viennent prendre place deux spectateurs fort échauffés par une discussion commencée ailleurs :
— Jé té dis, faisait l’un, qué Lara ; il est dé l’auteur des Dragons de Villarsse...
— Allons donc ! ripostait l’autre : qué les Dragons dé Villarsse, quand c’est fini, on voudrait qué ça récommence, tandis qué Lara, c’est un mouchoir en cinq actes...
Lhérie, Melchissédec, mademoiselle Priola et mademoiselle Ducasse se sont fait applaudir dans cette reprise des Dragons.
Bénédict.
Persone correlate
Opere correlate
La Princesse jaune
Camille SAINT-SAËNS
/Louis GALLET
Djamileh
Georges BIZET
/Louis GALLET
Les Dragons de Villars
Aimé MAILLART
/LOCKROY Eugène CORMON
Permalink
data di pubblicazione : 23/06/24