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Les Théâtres / La Soirée. Reprise de Namouna

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Editore / Giornale :
Data di pubblicazione :

LES THÉÂTRES
Académie nationale de musique :
Reprise de Namouna, ballet en un prologue et deux tableaux, de Nuitter et Petipa, musique d’Edouard Lalo.

Combien nos mœurs artistiques se sont rapidement modifiées !

En un temps où, presque au sortir du berceau, un musicien peut aspirer au rang de chef d’école, pourra-t-on croire qu’il y a vingt-six ans à peine, un compositeur âgé de soixante ans comptait encore parmi les « jeunes » devant qui restaient sévèrement closes les portes de l’Opéra et de l’Opéra-Comique ? Et lorsque par hasard s’ouvraient ces portes, qui se souvient de l’accueil que réservait alors le public à ceux qui avaient osé ne pas attendre d’être morts pour les franchir ? Malheur surtout aux audacieux qui ne redoutaient point de s’écarter du genre où l’opinion les avait en fermés : l’insuccès, jadis, de Namouna nous renseigne sur leur sort.

C’est le 6 mars 1882, un mois après que la répétition générale de Namouna avait réuni la critique, les amis de l’auteur et les amis de la maison — ce qui constitue des catégories d’amis de qualité différente, — que le ballet d’Edouard Lalo fut représenté à l’Opéra. Durant cet intervalle extraordinairement long, un état d’esprit avait eu tout le loisir de s’établir, état d’esprit franchement hostile, du reste. En effet, si Lalo était alors très justement apprécié, très sincèrement admiré par ses confrères de tout âge et par les véritables dilettantes, son nom n’éveillait guère dans l’idée du public que l’image d’un art sévère, diamétralement opposé au caractère convenu de la musique de ballet. C’est-à-dire que Lalo, après avoir accompli déjà l’admirable labeur que l’on sait, se voyait dénier le droit d’obéir à sa fantaisie et d’écrire l’œuvre que cette fantaisie lui avait dictée.

On sait ce que fut la soirée du 6 mars 1882. On apprendra avec joie — et certainement sans surprise — l’éclatante revanche d’hier soir, revanche que la critique constatera ce matin avec une plus complète unanimité et un plaisir non moins vif, j’en suis convaincu, que la critique d’il y a vingt-six ans proclama la défaite.

Le scénario de Namouna n’est ni meilleur ni pire que la plupart des scénarios de ballet. La scène se passe à Corfou. Un forban, Adriani, vient de perdre au jeu ses trésors, ses armes, sa tartane et jusqu’à son esclave, Namouna. Mais l’heureux adversaire, Ottavio, généreux comme il convient à un gentilhomme vénitien, rend la liberté à la belle captive. On devine ce que sera l’action : Adriani, pour reconquérir son esclave, recourra aux procédés coutumiers ; duel, embuscades, etc., etc. Namouna, éprise de son sauveur, trouvera dans son amour et sa reconnaissance les moyens les plus ingénieux et les plus chorégraphiques d’écarter de lui tous les périls, et Ottavio, gagné enfin par une si tendre persévérance, unira sa destinée à celle de Namouna.

Il faut avoir entendu Namouna pour comprendre ce qu’une belle imagination d’artiste peut prêter d’attraits aux faits les moins significatifs. En cette circonstance, l’imagination de celui, qui fut l’un des plus sûrs artisans de notre rénovation artistique n’est certainement pas restée en défaut. Mais si l’on considère combien l’art, toujours nouveau, de Lalo — aussi bien dans Namouna que dans ses autres œuvres — présente toute sa nouveauté d’idée, d’harmonie, de rythmes, de sonorités orchestrales avec une aisance naturelle, combien sans le moindre effort il nous pénètre et nous conquiert, on reste confondu des injustices de jadis. Et cette facilité, ce tour naturel ne nous paraissent-ils pas singulièrement frappants dans Namouna ?

Pourrait-on souhaiter, parmi tant de thèmes capricieux, tendres, charmants, toujours originaux, des lignes plus nettes ? Parmi tant de rythmes, des accents plus fermes ? Parmi tant d’harmonies séduisantes, des agrégations plus claires ? Et parmi tant de trouvailles orchestrales, — elles sont innombrables — comment ne pas signaler particulièrement l’étonnante traduction des joies turbulentes d’une fête foraine ? Rien n’y manque : ni l’éclat, ni la verve, ni la gaieté ; et cependant la tenue artistique reste parfaite. Traduire de la vulgarité par de la vulgarité, c’eût été, sans doute, plus conforme aux doctrines véristes ; c’eût été, dans tous les cas, plus facile. Mais Lalo pensait — comme certains musiciens le pensent encore — que la musique n’est point faite pour toutes les besognes.

C’est donc un rare plaisir que d’entendre cette mélodieuse Namouna qu’on accuse d’être trop « symphonique ». Certes, elle est symphonique et l’on bénit le ciel qu’elle le soit quand on écoute, par exemple, l’admirable thème varié ; mais elle est symphonique avec tant de distinction et de discrétion, de finesse et d’amabilité !

Et c’est aussi un plaisir charmant que de voir aujourd’hui se dérouler l’action au milieu d’une mise en scène brillante, et harmonieuse, car le « goût » est désormais l’hôte de l’Opéra, ce dont il faut rendre grâce à M. Messager et à M. Broussan.

Comment définirai-je le talent de Mlle Zambelli, la délicieuse protagoniste de Namouna, à moins qu’il me soit permis de dire qu’elle ressemble à un papillon qui aurait beaucoup d’esprit ? Sa grâce et sa vivacité défient les épithètes.

Quant à l’orchestre, que dirige fort bien M. Paul Vidal, il s’est montré soigneux comme de coutume.

Gabriel Fauré.

LA SOIRÉE
NAMOUNA A L’OPÉRA.

Je ne vous raconterai pas à nouveau l’histoire de Namouna. Elle vous a été fort bien contée hier, ici même, avec force détails, par M. Robert Brussel. C’est l’éternelle histoire de la « pièce incomprise à qui la postérité rend enfin justice ».

Je constaterai seulement que la délicieuse musique de M. Lalo a paru plaire infiniment à la répétition générale et à la première ; personne ne voulait croire que cette mélodie avait, en 1882, paru étrangement hardie et presque incompréhensible !

Est-il possible qu’en vingt-six ans nos oreilles aient pu retourner à ce point-là leurs théories esthétiques ? Enfin le fait est là, et à moins de supposer que c’est une fausse partition de Namouna que nous a si magistralement servie l’orchestre de l’Opéra sous la conduite de M. Paul Vidal, il faut bien se rendre à l’évidence !

Ainsi donc, c’est cette facile mélodie — que nous eussions volontiers fredonnée avant-hier soir en sortant, si l’Opéra n’était pas un endroit aussi select — qui a suscité les protestations des spectateurs de 1882 et qu’applaudirent alors Xavier Leroux et Claude Debussy, les jeunes élevés « emballés » par l’audace de la tentative ? Et cette Namouna fut en musique le pendant de Germinie Lacerteux ? Quelle leçon ! On ne m’y reprendra plus à dire qu’une musique est laborieuse et un peu difficile ! J’aurais trop peur de l’entendre dans vingt-six ans sur tous les orgues de Barbarie !

Namouna se déroule dans trois décors. Le premier acte, dit le programme, se passe dans un « Casino à Corfou ». Il paraît qu’il y avait des casinos à Corfou sous Louis XIII. Mais on n’y joue ni à la roulette ni aux petits chevaux, on y joue aux dés. On y perd tout de même tout ce que l’on veut. Le forban Adriani perd aux dés ses trésors, sa tartane et son esclave Namouna. Dans les tableaux suivants, il perdra même à être connu !

Le second décor représente une belle place ombragée, toujours à Corfou. C’est jour de fête ; on aperçoit des baraques de forains et des tréteaux de marchands d’onguents et autres arracheurs de dents. Le méchant Adriani cherche querelle à Ottavio, dont les bottes ne sont malheureusement pas secrètes, car il ne les quitte pas de la soirée. Heureusement, l’incomparable Zambelli, qui sait mieux que personne ce que c’est que des pointes, s’interpose avec une courageuse insistance entre les épées et rend le duel impossible. Quel joli témoin à donner à un enfant !

Ici nous avons entendu des musiciens grimpés sur un char, jouer sur leurs cuivres un air très raisonnablement bruyant. Or il paraît qu’à la première, en 1882, ce morceau fit scandale ! On cria à l’infernal tapage, à l’assourdissante cacophonie ! Eh bien ! nos oreilles en ont fait du chemin depuis ce temps-là ! C’est en leur faisant prendre non pas du fer mais du cuivre pendant vingt-six ans que l’on a fortifié leur constitution.

Le dernier décor représente une île de la mer Ionienne où le bonhomme Ali a établi son dépôt de jolies esclaves. Hélas ! où sont les îles ioniennes d’antan ? Zambelli-Namouna vient acheter en bloc ses anciennes compagnes, Andrikès fait au méchant Adriani le « coup du père François » et les amants s’éloignent à toute vapeur sur leur bateau à voile.

Ces trois décors sont beaux, les costumes jolis et frais, et l’on sent qu’un œil de peintre a passé par là.

L’œil de peintre, c’est celui de M. Pierre Lagarde, « directeur artistique ». M. Pierre Lagarde, pendant la représentation, se tenait dans la loge du rez-de-chaussée sur la scène, côté cour, tandis que MM. Messager et Broussan occupaient la première loge de face.

L’Opéra donnant une première c’est un peu un croiseur livrant un combat. Ces messieurs occupaient donc leurs postes respectifs de combat : MM. Messager et Broussan, capitaines du vaisseau, surveillaient du haut de la dunette, et M. Pierre Lagarde, dans la chaufferie, chauffait.

*

Après la représentation je suis rentré au journal où un ami amateur de musique m’a téléphoné :

— Allô ! allô eh bien ! et l’Opéra ?

Et j’ai répondu aussitôt :

— Lalo ! Lalo ! c’est une victoire !

Un Monsieur de l’Orchestre. 

Article accompagné par un dessin de Losques représentant Mlle Zambelli.

Persone correlate

Compositore

Édouard LALO

(1823 - 1892)

Compositore, Organista, Pianista

Gabriel FAURÉ

(1845 - 1924)

Opere correlate

Namouna

Édouard LALO

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Charles NUITTER

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data di pubblicazione : 25/09/23