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Les Théâtres / La Soirée. Lancelot

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LES THÉÂTRES
Opéra : Lancelot, drame lyrique en quatre actes et six tableaux, de Louis Gallet et M. Édouard Blau, musique de M. Victorin Joncières.

Lancelot, que l’Opéra vient de représenter, se fera peut-être des amis. J’affirme qu’il ne rencontrera pas un seul ennemi. Nul ouvrage, en effet, n’est plus pacifique, n’excite moins la colère, la haine, l’envie, ni aucune des mauvaises passions de ce monde. Hier, pour la première fois depuis que je vais au théâtre, je n’ai point entendu dire autour de moi une parole qui fût méchante, vilaine, moqueuse ou même qui discutât. En applaudissant, à la fin de la soirée, le nom de M. Victorin Joncières, le public a persévéré dans cette espèce de sympathie, que de huit heures à minuit, il n’a cessé de témoigner respectueusement et justement au musicien.

Il faut reconnaître de nette et loyale façon que toute dispute au sujet de Lancelot serait stérile. Avec beaucoup de conviction, le compositeur a écrit une œuvre qui retarde de cinquante ans. Il n’y aurait pas de mal à cela si cette œuvre possédait les qualités de celles dont elle cherche à s’inspirer. Malheureusement, il existe là-contre une impossibilité absolue, foncière, matérielle, définitive, que ni talent, ni génie, si grands soient-ils, ne vaincront jamais. La raison en est que chaque époque vit dans son art et qu’il ne dépend de personne de remonter le cours du temps et de ressusciter les âges défunts. Ce qui nous semble magnifique dans certaines partitions du passé et ce qui reste splendide, en effet, c’est ce qu’elles apportaient de nouveau quand elles ont paru. Toujours, toujours, la jeunesse aura raison ; toujours, toujours, ceux qui tenteront de l’arrêter dans sa course à la gloire auront tort et seront distancés par elle. Je me reprocherais d’insister.

Rien qu’en choisissant son poème, M. Joncières s’est engagé dans un chemin sans issue. Au palais du roi Arthus, à Kerléon, le comte Alain de Dinan et le baron Markhoël, revenus de la guerre, réclament une place parmi les chevaliers de la Table Ronde. Or, le Roi n'en a qu'une à donner et désigne comme arbitre Monseigneur Lancelot, à qui le second des deux prétendants déclare que s'il n'obtient pas cette place, il racontera les promenades de la reine Guinèvre dans la forêt de Brocélyande. Ces promenades sont fort compromettantes pour Lancelot qui n'en nomme pas moins le comte Alain chevalier de la Table Ronde. 

Maintenant, chez elle, la Reine est inquiète. Ne dit-on pas que Lancelot, son cher Lancelot, va épouser Elaine, la fille du comte ? L'amant le nie et, malgré ses propres alarmes, tombe aux bras de l'amante et ne s'en détache qu'avec la promesse d'un nouveau rendez-vous sous les rameaux penchants du bois solitaire. Arthus a tout entendu, grâce au traître Markhoël. Il ordonne à celui-ci de tuer Lancelot et envoie Guinèvre au couvent. 

Le meurtre a été mal fait. L'assassiné, relevé par Alain et soigné par Elaine, au château de Dinan, aime à présent sa garde-malade et en est aimé. Mais on vient lui apprendre la captivité de la Reine. Il saura bien découvrir sa retraite, la délivrer, la reconquérir. Lui parti, Elaine, désespérée, demande qu'on la conduise en un cloître. 

La route est longue qui traverse la forêt sauvage. Lancelot, brisé de fatigue, s'endort dans une clairière et rêve. Il se revoit enfant au milieu des fées, habitantes du lac mystérieux où elles l'entrainèrent jadis. S'étant réveillé, il reprend son chemin. 

Le couvent où Elaine s'est retirée sert précisément de prison à Guinèvre. Voici les deux femmes, la main dans la main, pleurant ensemble, sans se connaître, le bonheur perdu. Avant de repartir aux combats, Arthus a voulu pardonner. La Reine et lui pourront encore s'aimer plus tard, dans un monde meilleur où Dieu les reunira. Le repentir de Guinèvre n'est pas de longue durée. Lancelot, entrant par une porte pendant que le Roi sort par l'autre, tend les bras à la Reine qui s'y précipite, à la grande douleur d'EIaine, cachée derrière un pilier. 

Inconsolable, la fille du comte Alain s'est jetée dans le lac. Un épilogue nous la montre étendue en la barque funèbre dont la vue glace d'effroi et de remords le pauvre héros de l'aventure. 

Ce livret ne se contente pas de dépoétiser le roman légendaire, universellement connu. Il offre au compositeur que des situations rebattues, des personnages de caractère inexpliqué et inexplicable. Nul n’aurait pu, par la langue de sons, lui prêter un semblant de vie et l’erreur capitale de M. Victorin Joncières est d’avoir cru en une pièce à ce point dénuée de logique et de fantaisie, d’émotion et d’intérêt, de tout ce que nécessite le théâtre. Je mets au défi qui que ce soit d’y adapter une mélodie expressive et vraie, d’y trouver un mouvement dramatique quelconque, d’y laisser parler librement son cœur. Dans l’exagération de ses idées retardataires, dans sa fidélité aux anciennes formes, exagération, fidélité éminemment respectables, l’auteur de Dimitri et du Chevalier Jean s’est imaginé que le poème de Lancelot le servirait à merveille, parce qu’il ressemble à beaucoup d’autres poèmes du temps jadis dont les musiciens d’alors se contentèrent. Mais, je le répète, les conditions de l’art changent avec les époques. Mozart, Beethoven, Weber ont pu magnifier les scénarios indigents de la Flûte enchantée, de Fidelio, d’Obéron ou d’Euryanthe. Cela n’est plus faisable. À l’heure où ces dieux régnaient, le chant primait tout, emportait tout et la stupidité d’un livret n’empêchait pas la splendeur d’une partition. Aujourd’hui il faut, de gré ou de force, écrire « la musique de la pièce » et cette obligation est si impérieuse que, malgré lui, M. Victorin Joncières y a, hélas ! obéi. Comment dès lors, discuter, blâmer tant de chœurs plaqués, tant de marches guerrières, tant de phrases de signification hésitante, tant d’airs de ballet prévus, tant de grosses sonorités instrumentales opposées à tant de retenue symphonique, choses dont le compositeur n’est évidemment pas responsable. L’attitude courtoise des spectateurs d’hier, attitude que j’ai voulu indiquer dans les premières lignes de ce compte rendu et sur laquelle j’insiste, sera certainement celle de tous ceux qui entendront Lancelot.

L’ouvrage est interprété de manière supérieure par la tête de troupe de l’Opéra. Mlle Delna prête au rôle de la reine Guinèvre le charme et l’éclat, la souplesse et la puissance, le métal précieux de son incomparable voix. M. Renaud chante le roi Arthus avec une netteté de déclamation, une autorité, un style superbes et, à force d’art, sauve son personnage. M. Vaguet est particulièrement favorisé : ténor vibrant, il a l’occasion de claironner à l’aise et s’en acquitte très bien ; preux chevalier, il se voit, dans le ballet de son rêve, sous les traits de Mlle Robin, et je comprends la satisfaction qu’il doit en éprouver. Mme Bossman s’applique à rendre Elaine de Dinan infiniment gracieuse et touchante. MM. Fournets, Bartet et Laffitte complètent ce bon ensemble. M. Paul Vidal, presque à l’improviste, remplace au pupitre du chef d’orchestre M. Taffanel, soufrant, et témoigne néanmoins d’une grande sûreté. Décors, costumes, groupement des masses constituent sans doute « la mise en scène de la pièce ». Impossible de justifier en traits plus caractéristiques, frappant mieux les yeux de la foule, l’immense et splendide effort de la jeunesse ardente, vaillante, courageuse et triomphante.

Alfred Bruneau

[…]

La Soirée

La pièce nouvelle avait été reçue par le regretté Eugène Bertrand et ç’a été pour M. Gailhard une raison de plus de faire magnifiquement les choses et de donner une somptueuse hospitalité à M. Victorin Joncières qui, du reste, était déjà de la maison, puisqu’il avait fait représenter à l’Opéra la Reine Berthe, avec le même succès que Dimitri et Sardanapale à l’Opéra-Comique.

On peut même dire que, jusqu’à un certain point, M. Gailhard a collaboré à la pièce, en décidant l’auteur à y introduire le ballet, qui en est le véritable clou et qui, dans un décor vraiment féerique est merveilleusement dansé par Mlle Emma Sandrine, décidément passée étoile de première grandeur. La ravissante ballerine apporte, dans son rôle l’élégance, la grâce et le charme que lui ont donnés ses fameuses danses grecques. Elle a remporté un véritable triomphe.

Les décorateurs, sous l’inspiration toujours si intelligente et si artistique de Gailhard, se sont surpassés. C’est Amable qui a fait le décor du ballet où il a introduit une innovation qui a obtenu un grand succès : la toile de fond est transparente ; elle est éclairée non plus par-devant, mais par-derrière ; ce sont des projections d’art sur le dos de la toile, ce qui donne aux nuages peints des clairs-obscurs, où l’on devine la lune éclairant les nuages par transparence. L’effet est de toute beauté. Les autres décors, également réussis, sont de Carpezat et de Chaperon.

Très brillante salle où nous remarquons [comtes, comtesses, barons et autres].

Lancelot devait d’abord s’appeler Lancelot du Lac qui est le vrai titre sous lequel fut écrit, au douzième siècle, le roman de chevalerie qui avait été commandé à Gautier Mapes par le roi Henri II et qui était destiné, disent les historiens, à réagir contre les inventions des romans de la Table ronde. Si vous l’ignoriez, je ne suis pas fâché de vous l’apprendre.

Mais je ne veux pas croire que la littérature du douzième siècle vous est tout à fait familière, et que vous connaissiez sur le bout du doigt l’aventure de Lancelot enlevé par une fée, et l’histoire de ses amours avec la reine Guinèvre, femme du roi Arthus. Cela n’a évidemment aucun rapport avec Louise, ni avec la butte Montmartre. Mais, en musique comme en littérature, il faut qu’il y en ait pour tous les goûts.

Donc, la pièce de M. Victorin Joncières était répétée sous son titre historique de Lancelot du Lac, lorsqu’un soir, en causant dans les coulisses avec un des figurants, le pompier de service s’écria avec enthousiasme :

— Ça, au moins, c’est un vrai titre, un titre que tout le monde pourra comprendre !…

— Comment cela ?

— Eh oui !… Lance l’eau, et du lac, encore !…

Le propos fut rapporté à G, qui frémit. Il n’avait pas songé à ce fatal jeu de mots, qui, tout naturellement, devait venir à l’esprit du pompier, mais qui pouvait peut-être bien s’imposer aussi aux spectateurs.

Et c’est ainsi que le Lac fut supprimé sur l’affiche, et qu’il ne resta plus que Lancelot,

Le pompier avait, sans le savoir, fait office de censeur.

Un monsieur de l’orchestre 

Persone correlate

Compositore, Giornalista

Alfred BRUNEAU

(1857 - 1934)

Compositore

Victorin JONCIÈRES

(1839 - 1903)

Opere correlate

Lancelot

Victorin JONCIÈRES

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Édouard BLAU Louis GALLET

Permalink

https://www.bruzanemediabase.com/it/node/9647

data di pubblicazione : 25/09/23