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Revue musicale. Namouna

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REVUE MUSICALE
Opéra. — Namouna, ballet pantomime en deux actes et trois tableaux, de MM Nuitter et Petipa ; musique de M. Edouard Lalo. […].

Tout arrive en ce monde. Et la preuve en est que le ballet-fantôme de M. Lalo, Namouna l’insaisissable, a fini par être dansé sur la scène de l’Opéra. Alors qu’elle était sujette à cet inexplicable mal de pied, qui l’empêchait seulement de danser, non de marcher. Mlle Sangalli avait dit avec son exubérance italienne : « Attendez mars, alors je danserai ou je serai morte. » Elle n’était pas morte, elle a dansé.

Cet événement invraisemblable a dû stupéfier le musicien qui pouvait désespérer de voir jamais danser Namouna ; mais, ce qui n’a pas dû l’étonner, pour peu qu’il connût l’impartialité de la critique à notre époque et sa haute compétence, c’est l’acharnement déployé contre lui par certains journalistes ; par ceux-ci, parce qu’ils ne savent absolument rien des choses de la musique et n’avaient jamais entendu parler de M. Lalo avant qu’il dût écrire un ballet ; par ceux-là parce qu’ils ont composé eux-mêmes quelque scénario de ballet et qu’ils n’admettent pas qu’on en joue un autre avant la consommation des siècles : Yedda suffit à leur bonheur.

On a parlé aussi de mécontentement de la Sangalli, se prétendant mal servie par trois auteurs qui n’étaient pas allés lui soumettre, avant de continuer, chaque scène, chaque pas, chaque motif musical, ainsi que l’avaient fait les auteurs des précédents ballets qu’elle a dansés. On a dit que, très froissée dans son amour-propre et dans ses prétentions de grande artiste, elle avait mal disposé contre ce ballet quantité d’abonnés qui l’entourent d’hommages ; ce qui expliquerait, sans la justifier, l’attitude inconvenante prise par ces beaux messieurs de l’orchestre affectant de se lever, de causer, de tourner le dos aux musiciens, tandis que ceux-ci exécutaient un prélude qui relie le prologue au premier acte. En tout temps et dans tous les théâtres, dès que l’ouverture commence, on s’assied et cet usage est observé par les gens les moins bien élevés : les abonnés de l’Opéra font tout le contraire à chaque représentation de Namouna. Sans un mot d’ordre on s’expliquerait mal cette persistance et cette affectation de grossièreté : Namouna, cependant, ne vaut pas Tannhauser.

J’étonnerais bien M. Nuitter en disant que le livret de Namouna est le scénario de ballet le plus original qu’il ait jamais écrit ; il est trop simple au gré du public, que Coppélia, cette petite comédie dansée, a rendu plus difficile en ces matières. Deux seigneurs jouent aux dés et don Ottavio gagne tous les biens du pirate Adriani, tous y compris la belle esclave Namouna. Dès qu’il est son maître, il la fait libre, et celle-ci lui prouve sa reconnaissance en le préservant de l’épée d’Adriani dans un duel, du stylet des bravi dans une embuscade. Elle se rend ensuite à Corfou, rachète ses anciennes compagnes d’esclavage, enivre avec leur aide l’inévitable Adriani qui la poursuivait encore et se sauve elle-même avec Ottavio, tandis qu’un serviteur, imberbe, mais dévoué, tue Adriani d’un coup de couteau. C’est fini.

M. Lalo n’a jamais eu aucun opéra joué ni à Paris, ni à Bruxelles. Sa partition de Fiesque, classée troisième au concours du Théâtre-Lyrique, ou l’on couronna le Magnifique, est une œuvre de sérieuse valeur et tous les amateurs la connaissent pour l’avoir lue après que M. Lalo se fut décidé à la faire graver en désespoir de cause ; mais jamais elle ne fut représentée. Elle dut l’être à Bruxelles. M. Perrin n’en ayant pas voulu pour Paris, et Mlle Sternberg, aujourd’hui Mme Vaucorbeil, qui chantait alors à Bruxelles sous la direction Vachot, devait créer le principal rôle ; mais le directeur ayant sombré, l’affaire en resta là. Depuis lors, M. Lalo a composé un autre opéra, le Roi d’Ys, qu’il destinait au Théâtre-Lyrique de M. Vizentini et dont l’ouverture a déjà pris rang dans les concerts, comme celle de Sigurd ; enfin, M. Lalo s’est fait connaître des amateurs de véritable musique par ses pièces symphoniques et concertos exécutés avec un succès croissant dans tous les concerts du dimanche, au Châtelet comme au Cirque d’hiver. Eh bien ! c’est cette position justement acquise, ce sont ces succès grandement mérités qu’on a eu le bon goût de lui reprocher dans certain journal, en affirmant que quiconque avait du succès dans ces grands concerts devait fatalement échouer à l’Opéra. Vive Métra ! Celui-là, au moins, n’a jamais eu rien de joué aux Concerts populaires.

Ce qu’il y a de triste en cette campagne menée effrontément contre M. Lalo, un excellent homme qui ne fit jamais de tort à personne et vit toujours le hasard tourner contre lui, c’est qu’on renie ainsi tous les progrès accomplis par la musique de ballet, depuis une douzaine d’années, depuis la Source et Coppélia. C’est toujours l’étiquette qui fait passer la marchandise. Il est acquis présentement que M. Léo Delibes compose de la musique de ballet délicieuse, et je crois l’avoir dit assez haut avant que tout le monde en tombât d’accord ; j’ai dit aussi que sou principal mérite était de traiter ses airs de danse avec autant de souci qu’il aurait fait pour de la musique purement symphonique et que cette nouvelle façon de travailler, dont le public subissait le charme en ne percevant pas le pourquoi, faisait le grand mérite et le vif coloris de ses ballets. Aujourd’hui que cela est admis pour M. Delibes, mais seulement pour lui, il écrirait la musique de Namouna qu’on la trouverait exquise, incomparable, délicieuse ; mais cette même musique est de M. Lalo, un misérable auteur qui n’a jamais réussi à se faire jouer sur aucun théâtre ! Elle est jugée aussitôt dure à l’oreille, impropre à la danse et charivarique au plus haut point !

Et cependant MM. Delibes et Lalo, en matière de danse, ont exactement procédé de même, avec des tempéraments et des préférences d’instincts divers. M. Delibes a l’imagination plus souple, l’idée plus saillante et se plie mieux, par une longue habitude de métier, aux exigences de la danseuse et du maître de ballet ; mais M. Lalo n’a pas moins d’habileté pour tirer d’un motif tous les curieux développements qu’il comporte ; il a moins de légèreté, mais plus de poésie ; enfin il a pour moi ce grand merite d’avoir supprimé le plus souvent à la fin des morceaux ces huit mesures variant de la dominante à la tonique et sans lesquelles le maitre de ballet se croyait perdu. M. Delibes lui même avait souvent dû les rajouter sur les prières désespérées de M. Mérante ; il parait que M. Petipa n’a pas autant supplié M. Lalo ou bien que celui-ci à mieux résisté. Lequel des doux faut-il complimenter ?

Ce ballet, venant après celui de M. Widor, accentue encore un retour aux piquants procédés de M. Delibes, après les platitudes plus ou moins bruyantes de M. Métra. Certains morceaux de ce ballet sont l’une teinte adorable et d’un charme exquis : d’abord l’entr’acte symphonique honoré des rebuffades des abonnés, puis la scène ou trio du duel, un pas délicieux pour douze danseuses scandé par des coups de petites cymbales, la valse de la Charmeuse dansée par Mlle Sangalli, le tableau de la sieste au lever du rideau au second acte et le pas valaque qui suit pour Mlle Subra, puis l’andante ingénieusement varié pour le divertissement des fleurs, enfin le charmant pas de Mlle Sangalli, accompagné par la flûte, et qu’on a fait redire à chaque représentation. C’en est assez, n’est-ce pas ? pour former une ou deux suites d’orchestre on ne peut plus jolies, et vous verrez que MM. Colonne et Pasdeloup ne manqueront pas de le faire afin de venger M. Lalo de dédains immérités.

Un mot encore. On a dit que M. Lalo avait le travail difficile et qu’il ciselait un peu trop longuement sa musique ; on est même allé jusqu’à lui reprocher de n’avoir pas pu produire un malheureux ballet sans tomber malade alors que d’autres musiciens en écriraient dix à la semaine. En vérité, ce sont là des reproches aussi délicats que charitables ; et puis, qu’est-ce que cela peut faire au public, que M. Lalo travaille vite ou lentement ? Est-ce là ce qui doit inquiéter les amateurs pour juger un ouvrage et devra-t-on désormais, avant de livrer une œuvre à la critique, établir qu’on l’a composée en tant de jours, sans avoir ressenti nulle fatigue ou pris le moindre temps de repos ?

Contrairement au désir des gens qui tiennent M. Lalo en haute estime, il est probable que ce ballet, si intéressant par la musique, aura peu de durée à la scène ; il est d’une action trop simple et surtout d’une chorégraphie trop banale. On n’y trouve aucune idée un peu neuve, à part la scène où Namouna se jette à tout instant entre les deux ferrailleurs. En revanche, il a été monté par M. Vaucorbeil avec infiniment de goût : les costumes de M. Lacoste et les décors de Chaperon et Lavastre ont toute la valeur de véritables œuvres d’art. M. Mérante est plus jeune que jamais dans Ottavio, M. Pluque, plus farouche que quiconque en forban, Mlle que quiconque en forban, Mlle Subra très mutine en esclave insoumise et M. Vasquez parfaitement ridicule en balle élastique, avec de petites moustaches et de longs cheveux d’un noir d’ébène : on n’est pas plus réjouissant que ce joli cabrioleur.

J’ai gardé pour la fin l’héroïne. Mlle Sangalli pourrait beaucoup faire en faveur de ce ballet, qu’elle l’aime ou non. Elle le danse avec autant de vigueur et plus de grâce qu’elle n’en montrait d’habitude ; elle devrait semble-t-il s’y intéresser d’autant plus qu’elle s’y produit sous un jour nouveau tout à fait favorable et pourrait (car tout dépend d’elle) en prolonger sensiblement la durée et le succès. Elle rendrait ainsi, sans trop le comprendre, un signalé service à la musique, et le ministre, en retour, la nommerait peut-être officier d’académie. On a bien nommé Mlle Krauss, qui ne danse pas mieux qu’elle, et M. Mérante, qui ne chante pas à l’égal de Mlle Krauss ! […]

Adolphe Jullien

Persone correlate

Giornalista

Adolphe JULLIEN

(1845 - 1932)

Compositore

Édouard LALO

(1823 - 1892)

Opere correlate

Namouna

Édouard LALO

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Charles NUITTER

Permalink

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data di pubblicazione : 26/09/23