La saison de l'opéra à Monte-Carlo

LETTRE DE MONTE-CARLO
La Saison de l’Opéra à Monte-Carlo

La saison d’opéra de Monte-Carlo est considérée à juste titre comme une des manifestations les plus remarquables du mouvement artistique européen. Elle se développe de plus en plus et son influence est considérable sur les idées et sur les mœurs artistiques de ce temps-ci. Les plus grands artistes de notre époque y ont chanté tour à tour et considèrent un engagement à ce théâtre unique au monde comme un honneur et une consécration.

Les chefs-d’œuvre du drame musical de toutes les époques et de tous les pays y sont représentés avec un éclat incomparable et mis en scène avec un luxe, un goût et un pittoresque dont on ne trouverait d’équivalent nulle part au monde.

Des créations importantes ont lieu chaque année sur le théâtre auquel Massenet et Saint-Saëns, les deux grands maîtres de l’école musicale française, réservent la plupart de leurs œuvres inédites, ce qui n’empêche point les jeunes compositeurs de trouver à Monte-Carlo une hospitalité qu’on leur refuse si âprement presque partout ailleurs. On sait d’ailleurs que S. A. S. le prince de Monaco, qui est un esprit supérieur dans toute l’acception de ce mot, un lettré, un savant, est un mécène dont la protection demeure acquise aux plus nobles efforts de l’esprit et du génie humains. On sait que le souverain de ce beau pays s’intéresse personnellement à la saison d’opéra et que sa haute influence s’exerce aussi bien sur l’élaboration annuelle du programme que sur sa fidèle exécution, toujours réalisée… dans la perfection par le grand homme de théâtre qu’est M. Raoul Gunsbourg.

Pour toutes ces raisons, la campagne lyrique de Monte-Carlo, qui, chaque année commence vers le 20 janvier pour finir le 8 avril, intéresse vivement et préoccupe l’opinion publique européenne.

Les éléments de cette saison sont tellement variés et intéressants qu’il nous semble rationnel de les diviser en deux catégories distinctes : les grandes créations, les grandes premières d’œuvres inédites ou nouvelles pour Monte-Carlo, et les reprises d’ouvrages appartenant au répertoire de ce beau théâtre.

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En ce qui concerne les créations, on apprendra avec plaisir, mais non sans quelque surprise, qu’elles seront, cette année, au nombre de quatre, toutes plus importantes les unes que les autres, d’intérêt divers, mais d’une valeur artistique toujours curieuse ou supérieure.

Le grand événement de la saison, on peut le dire sans froisser l’amour-propre des autres compositeurs de talent qui livreront des batailles artistiques analogues dans ce cadre féerique, l’attraction sensationnelle de cette campagne sera, sans aucun doute, l’œuvre nouvelle de notre grand musicien Massenet Roma. Cette partition inédite où se manifestent avec éclat, une fois de plus, les facultés maîtresses de l’illustre compositeur, obtiendra un succès pareil à celui dont bénéficient, à si juste titre, ses précédents chefs-d’œuvre. Ce drame lyrique est une très habile adaptation de l’admirable Roma [sic] vaincue, du poète tragique Alexandre Parodi, par M. Henri Cain. L’ouvrage nouveau de Massenet est distribué, selon une excellente tradition dont Monte-Carlo s’enorgueillit avec raison, à des artistes de tout premier ordre : Mlle Lucy Arbell, interprète idéale de Thérèse et de la Dulcinée du maître ; la charmante Mme Guiraudon-Cain, cantatrice exquise qui atteint à la perfection de la science musicale ; enfin, l’admirable cantatrice russe, Mme Kouznetzoff, bien connue d’ailleurs du public parisien. Les rôle masculins seront confiés à MM. Muratore, premier ténor de notre Académie nationale ; Noté, Delmas et Clauzure, c’est tout dire !

La mise en scène évoquera avec une splendeur inaccoutumée la vision émouvante de la Rome d’autrefois aux jours des luttes épiques et des grandes épreuves. La répétition générale de Roma doit avoir lieu le 14 février et la première le 17, mais cette solennité artistique aura été précédée déjà par une autre création importante. En effet, dès le commencement de la saison, c’est-à-dire le 23 janvier, M. Raoul Gunsbourg compte donner une des œuvres les plus célèbres du théâtre lyrique russe. […]

Edgar Dubruel