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Musique. Roma

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MUSIQUE
Académie nationale de musique. – Roma, opéra tragique en cinq actes, de M. H. Cain, d’après la tragédie d’Alexandre Parodi, musique de M. Massenet.

Cette œuvre importante a été jouée pour la première fois, à Monte-Carlo, deux mois à peine écoulés. Le Gaulois en a constaté, alors, le retentissant succès. Aujourd’hui que le drame est offert aux spectateurs parisiens en des conditions qui font honneur à notre Académie nationale de musique, il nous suffira de rappeler à grands traits ce que nous avons eu le plaisir d’exposer en détail dès l’origine. Et, d’abord, il convient de dire que la nouvelle partition de M. Massenet a été accueillie, à l’Opéra, par des ovations multipliées. Le public s’est abandonné à la forte et lyrique émotion des faits tragiques comme aussi au charme de rêverie qui les enveloppe et les domine.

En se mettant aux prises avec la haute tragédie, aux péripéties saisissantes, créée jadis par le noble poète Alexandre Parodi, l’éminent compositeur a poursuivi des desseins très définis et d’un ordre supérieur. Il a voulu, en premier lieu, sans renoncer à aucun des éléments de variété pittoresque que lui apportait l’action, produire une impression majestueuse et concentrée. Il a eu, en second lieu, la volonté expresse d’écrire une musique en parfait accord avec le verbe formel du poète, soutenu, souligné, magnifié ; jamais débordé. C’est en vertu de ce programme, rigoureusement et vigoureusement appliqué, qu’il a donné à son ouvrage le titre caractéristique d’opéra tragique. Par là même, Roma, où les originales qualités du maître s’affirment sous des aspects nouveaux, se trouve affiliée tout ensemble à l’esthétique de Gluck.

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Un bref résumé du poème est, ici, nécessaire, afin de faire comprendre la nature des idées et des passions en cause. Nous sommes, au premier acte, à Rome, devant les degrés de la Curie de Tullus Hostilius, l’an 216 avant le Christ. D’effroyables bruits circulent. Annibal est vainqueur le héros Paul-Emile est mort. C’est fait de la Ville de la Louve. Le peuple est en proie au désespoir. Lentulus, le tribun militaire, survient, tout couvert de sang, et raconte la mort de Paul-Emile. À ce moment paraît le grand-prêtre Lucius. L’oracle capitolin a parlé. Une vestale a laissé s’éteindre le feu de l’autel. Rien ne peut rétablir la gloire de Rome que l’expiation de ce crime par la découverte et le sacrifice de la coupable, qu’on enterrera vivante, suivant le rite immémorial. Fabius et le pontife sauront la découvrir. Par surcroît, au cours de cette exposition concise et mouvementée, passe une matrone aveugle, la vénérable Posthumia, parente des Fabius et des Scaurus, conduite par une esclave. Sa petite-fille, la nièce de Fabius, Fausta, est l’une des neuf prêtresses du feu. L’aïeule se rend au temple de Vesta, pour y invoquer la déesse. Et voici, enfin, que l’on rapporte le corps sanglant du consul glorieusement tué à l’ennemi. On vengera le mort on sauvera la ville. Les dieux protecteurs le permettront.

Au second acte, les vestales sont interrogées. Nulle ne répond. Soudain, toute rougissante, la plus jeune, – Junia, la sœur de Lentulus, – s’accuse d’avoir eu, en rêve, une vision d’amour. On rassure son innocence. Mais quel autre incident ! Sur la fausse nouvelle que Lentulus a succombé, l’une des prêtresses s’évanouit. C’est Fausta, la fille des Fabius, la petite-fille de Posthumia. La malheureuse vient d’avouer son crime. « Que dois-je faire ? » demande le grand-prêtre à Fabius tremblant. Le grand Romain ne lui répond que ce mot : « Votre devoir. » La situation est d’autant plus poignante qu’à l’accomplissement de ce devoir terrible est subordonné le salut même de la patrie.

Maintenant, le soir tombe sur le bois sacré, voisin du temple. C’est l’enchantement du crépuscule. Les vestales se livrent, aux dernières lueurs du jour, à des évolutions sacrées. À peine se sont-elles éloignées que Lentulus se présente. Grâce à la connivence du vieux captif gaulois Vestaepor, qui ne veut point laisser Fausta mourir, afin que, plus sûrement, Rome périsse, le tribun voit sa bien-aimée. Ils fuiront ensemble par un souterrain. Mais, déjà, Fausta sent en elle la nécessité de sa mort expiatoire. Elle ne se décide à fuir que parce que Vestaepor l’a glacée de l’effroi de son sort. Et c’est l’humble esclave, farouche ennemi des Romains, qui paie de sa vie le crime d’avoir dérobé la criminelle à ses juges.

En la Curia Hostilia le Sénat tient séance. Fabius refuse de croire Fausta coupable. Elle va paraître, on en peut être sûr, et, devant tous, se justifier. Elle entre, en effet, brusquement, mais pour s’accuser, non pour se défendre. Le pontife, déférent envers le grand Fabius, lui délègue la tâche de juger la vestale, et, quoi qu’il décide, son arrêt sera respecté. Fausta n’a qu’une pensée : il ne dépend d’elle de sauver la ville qu’en mourant : elle mourra. Pris entre sa conscience et son cœur, Fabius n’hésite point. En pleurant, il remet la jeune fille au pontife. Mais, ici, se place une scène imprévue, d’un pathétique presque irrésistible. Posthumia, l’aveugle, s’est fait conduire dans la salle. Elle est là, seule, les mains tendues, cherchant son enfant, suppliant les pères conscrits, qu’elle ne voit pas, d’épargner la jeunesse de la vestale, d’avoir pitié de la vieillesse de l’aïeule, et offrant sa propre vie. Vain effort ! Ce qui doit arriver arrive. La sentence de mort est rendue.

À la fin de ce tableau, Fabius, désespéré, s’est rapproché de Posthumia et il lui a glissé dans les mains un poignard. Si Fausta doit descendre au tombeau, qu’elle n’y descende que morte. Et voilà le dénouement qui s’apprête au Campus sceleralus. La tombe est ouverte. Fausta, voilée de noir, les mains liées, a subi les cérémonies funéraires, fait ses adieux à Lentulus et s’est avancée vers le caveau. C’est alors que l’aveugle réussit à la joindre et, avec un dernier baiser, lui apporte la délivrance de la mort. Ce ne sera plus qu’un cadavre que recevra la terre.

Mais Vesta, satisfaite, a étendu ses mains sur son peuple. Des fanfares sonnent au loin. Les légions reviennent victorieuses. Ce couronnement, simplement indiqué dans la tragédie primitive, a été mis en plus grande évidence dans l’opéra. Après tout, il est la conclusion logique de tout ce qu’on a vu. Que s’il fallait chercher des précédents dramatiques à un tel épilogue, Shakespeare se chargerait de nous en offrir un au dernier acte d’Hamlet et un autre, plus frappant encore, au baisser du rideau de Jules César.

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Le caractère « d’opéra tragique » voulu par M. Massenet, et qui rapproche intimement le drame musical du drame littéraire, était, non le seul dont pût s’accommoder un poème conçu et déduit comme on vient de le dire, mais, à coup sûr, celui qui s’adaptait le mieux. Selon que les scènes sont plus ou moins coupées de péripéties, la musique se plie librement à toutes les indications du dialogue et de la mise en scène, se développe ou se resserre, s’enrichit de commentaires, s’illustre d’interludes, s’encadre d’ensembles vocaux. La déclamation est d’une importance capitale. On peut dire que tout se règle sur elle. Au dénouement, la tenue de l’œuvre est grave et religieuse, d’une noblesse et d’une élévation jamais démenties, L’inspiration est, avant tout, mélodique et toujours elle est marquée du sceau de l’auteur, mais pas un instant, quelle que soit sa diversité, l’impression d’unité n’est rompue. Le compositeur sait où il va et court magistralement à son but.

Des mélodies représentatives circulent à travers l’action. Elles s’éclairent dès l’ouverture, qui est une page instrumentale d’un éclat puissant et comme un raccourci des émotions de la tragédie. Elles sont rappelées ou développées, dès que leur rôle est nécessaire, avec un rare sens de l’expression pittoresque. L’intensité des colorations sonores n’est point exclusive de la sobriété du style et de la simplicité des moyens. M. Massenet, qui tire de si beaux partis de tous les timbres, obtient du quatuor à cordes, employé à tous ses registres, des effets forts, pleins et délicieux.

Les thèmes qui nous frappent le plus ont rapport au culte de Vesta, à la gloire et au malheur de Rome, à l’honneur des Fabius, à l’amour, à la prière. Ils sont largement dessinés et plastiquement mis en saillie. Le drame est, en quelque sorte, horizonné et jalonné par eux.

Jamais le compositeur n’avait donné, en aucune pièce de son répertoire, une aussi grande importance aux chœurs. Leur intervention multiforme affecte le double caractère de chant d’une foule humaine et d’évocation d’un milieu ou même d’un paysage. Cet emploi, judicieux et dramatique, des ressources chorales contribue grandement à renforcer l’effet tragique et l’effet purement musical ou décoratif. Les personnages n’apparaissent que plus vivants en cette ambiance de vie.

Conformément au verbe de la tragédie, chaque personnage chante et l’action se dessine suivant le plan du poète exalté par le musicien. De belles pages se succèdent les lamentations du peuple, le récit de la mort de Paul-Emile par Lentulus, les honneurs rendus au caveau du héros, rentrée de Posthumia, au premier acte. Au second, dans l’interrogatoire des vestales, le poétique chant du rêvé de Junia puis, au troisième, le charme vespéral de l’intermède du bois sacré, où la flûte, la harpe et le quatuor à cordes accompagnent les évolutions rituelles des prêtresses au dernier feu du soleil, et l’émouvante méditation de Lentulus qui précède les grandes scènes. Le quatrième acte nous montre l’héroïsme de Fabius et le désespoir sans nom de l’aveugle. Avant le lever du rideau sur le lieu de l’expiation, un grand chœur, d’une ample et superbe sonorité, chante, mystiquement, dans l’invisible, la gloire de Vesta, et l’idée est infiniment heureuse de ce solennel entr’acte vocal. Toute la fin se soutient dans l’ordre théâtral le plus pathétique. M. Massenet ne s’est nulle part écarté de son programme dûment prémédité. Il a l’honneur d’avoir fait, avec l’autorité de son expérience et de sa personnalité, expressément ce qu’il voulait faire dans l’esprit, la forme et la mesure qu’il avait rêvés.

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Nous devons cette justice à l’interprétation de l’opéra, qu’elle est d’une valeur exceptionnelle. Mme Kousnezoff déploie dans le rôle de Fausta les trésors de sa voix dramatique, d’une pureté surprenante, et de son intelligence de la scène. Sous la robe de deuil et les cheveux blancs de Posthumia, Mme Lucy Arbell a la sincérité profonde qui émeut et le caractère de grandeur qui s’impose. Dans le récit du songe de Junia, que Mme Guiraudon chantait à Monte-Carlo d’une si délicieuse sorte, Mlle Campredon se fait légitimement applaudir. Le ténor Muratore (Lentulus) s’affirme, une fois de plus, un chanteur de très beau style et un comédien lyrique fait pour représenter la force et l’héroïsme. M. Delmas, avec son organe merveilleux et sa prestance pleine d’autorité, nous donne l’illusion d’être Fabius en personne, type accompli du vieux Romain. Nous devons dire aussi l’énergie de M. Noté, dans le personnage de l’esclave gaulois Vestaepor, et la gravité de M. Journet, en celui du grand prêtre. Mais tout espace nous fait défaut pour prolonger nos impressions. Résumons-nous en deux mots : la représentation est digne de l’œuvre et M. Paul Vidal la conduit, de son pupitre de chef d’orchestre, avec un réel talent.

Fourcaud

Persone correlate

Giornalista

Louis de FOURCAUD

(1851 - 1914)

Compositore, Pianista

Jules MASSENET

(1842 - 1912)

Opere correlate

Roma

Jules MASSENET

/

Henri CAIN

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data di pubblicazione : 31/10/23