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Charles Gounod. Melchissédec

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Charles Gounod

« Allons ! bel oiseau bleu, chantez la romance à madame », dit Suzanne dans la Folle Journée. — II y a beaucoup.de Gounod là-dedans. —Seulement Gounod fut une manière de Chérubin enfant de chœur, et ses mélodies les plus énamourées ont gardé comme je ne sais quelle odeur subtile d’encens et de cierges qui s’éteignent.

Son existence tout entière a été pénétrée par un mysticisme intermittent, à la vérité, mais qui est comme la dominante de ce tempérament étrange. Bénédictin à ses heures, on le dit nourri des Pères de l’Église, peut-être le croit-il lui-même ; tout au plus en a-t-il grignoté quelques reliefs, et encore en belle et galante compagnie. C’est certainement pour lui que le catéchisme de persévérance a été inventé. Sa candeur éternellement juvénile et sa foi sans cesse renouvelée sont d’un pratiquant qui édifierait le calendrier tout entier. On peut dire de Gounod qu’il fait sa première communion tous les jours, seulement il change de sainte table.

Chérubin a vieilli. L’enfant de chœur est devenu moine, tonsuré malgré lui, barbu à la façon des prophètes les plus autorisés, et son visage a pris les tons jaunis qu’on voit aux vieux crucifix d’ivoire de la Renaissance florentine, Gounod est de l’ivoire bouffi.

***

Poète – en prose, – peintre par accident, musicien illustra incontestablement, mais, par-dessus tout cela, charmeur comme Apollonius de Tyane, ce grand et habile magicien séduit, caresse, enlace. Il sait à merveille, en émotionnant les autres, s’émouvoir lui-même jusqu’à l’éloquence la plus dramatique. Les sanglots les plus sincères arrivent à propos ; s’il parle, on est ravi ; s’il chante on est vaincu. Ce n’est pas l’alouette, mais c’est bien le rossignol des chaudes nuits d’amour et des morbides énervements.

Toutefois, derrière la croix, se tient le diable. On a beau secouer ses ailes d’ange, rien n’y fait, et subitement Méphistophélès apparaît derrière le prie-dieu de Marguerite : – Non, tu ne prieras pas, – c’est-à-dire : non, tu ne seras pas toujours l’âme candide et pure, l’inaltérable bonté, le foyer d’amour chaste. Et alors… quelle que soit la ferveur de la prière, quelles que soient les pénitences et les mortifications, la hère et la discipline disparaissent, et l’homme se montre.

C’est de l’homme, en effet, dont nous avons à nous occuper ici : qu’il y soit tel qu’il est, avec ses grandeurs et ses spirituels défauts.

Nous ne cherchions que l’anecdote où, sans pose et sans apprêts, pris par l’instantanéité du moment, l’acuité de la sensation, l’influence du milieu, l’irrésistible besoin de l’éloge ou de l’épigramme, l’auteur du Tribut de Zamora s’est mis lui-même en relief.

***

C’était l’heure où Gounod, moins riche, au lieu du merveilleux hôtel de la place Malesherbes, habitait rue de la Rochefoucaud. Parmi les assidus de la maison, celui qu’on appelait le père Ingres, venait souvent. M. Ingres laissait ses pinceaux, et, piqué par la tarentule de la musique, il trouvait dans la musique des jouissances égoïstes, dont la principale consistait à écorcher sur un amati les oreilles de nombreux assistants.

L’admiration qu’inspirait le peintre faisait prendre avec patience la douce et sénile manie du virtuose convaincu.

Un soir il était là, près du piano à queue, raclant sans s’entendre, et Gounod, au fond du salon, appuyé contre un lambris, écoutant ce singulier virtuose, laissa échapper cette fantastique appréciation.

— Vous voyez bien cet homme petit, un dos large et rond, qui ressemble à une tortue ; c’est une cathédrale ! L’intérieur en est rempli d’ex-voto italiens. Les cierges du maître-autel piquent de lumière les ombres de la nef, et un grand-prêtre en chasuble dorée s’incline et encense le tabernacle. Cet homme, c’est M. Ingres. Il y a sur le tabernacle une statue que M. Ingres honore, c’est celle de M. Ingres lui-même.

En prononçant ces mots, Charles Gounod, les yeux illuminés, ressemblait au Néarque de Polyeucte.

***

Du maître chez lui, passons au maître en voyage. Son esprit, moins surexcité que dans le milieu parisien, semble en pays étrangers laisser une plus large place à son cœur. La fatigue des longues routes n’a point de prise sur cette âme ardente et toujours en vibration. Qu’il descende d’un corricolo, d’un bateau à vapeur ou d’un wagon, rien ne peut porter atteinte à la fraîcheur de ses sensations printanières et exquises.

Vers l’année 1862, l’immortel auteur de Faust était à Rome, en compagnie de sa femme. Après avoir suivi le Corso jusqu’à la place du Peuple, il tourna à droite et gravit le chemin du Pincio. Quand il fut arrivé, un peu essoufflé, devant les jardins de la villa Médici, le son retentissant d’un piano parvint à ses oreilles.

— Anna, entends-tu ? C’est la marche de Faust ! Viens, viens…

Et retournant sur ses pas, il entraîna sa femme jusqu’à là porte de l’école française, dont le paterne M.Chnetz était alors directeur.

Un domestique à la livrée impériale le reçut dans le vestibule.

— Qui joue du piano ? dit brusquement Gounod.

— Monsieur, c’est un des pensionnaires M. Paladilhe.

— Où est son appartement ?

Et, écoutant à peine l’indication du valet, Gounod, toujours suivi de sa femme, grimpa quatre à six l’escalier, arriva devant la porte du jeune prix de Rome. Celui-ci plaquait les derniers accords de la fameuse marche.

Sans se donner le temps de reprendre haleine ni même de frapper, il fit irruption dans la chambre, et, se précipitant les bras grands ouverts vers Paladilhe, d’un geste nerveux il le serra contre sa poitrine.

— Mon jeune ami, vous venez de me faire ressentir une des plus douces joies que je puisse- éprouver. L’écho de cette marche, que j’ai composée ici, dans cette même chambre, sur ce même piano, m’a pénétré jusqu’au fond du cœur ! Rien n’est changé ici. Ah ! quel grand musicien vous faites !

Puis, se tournant vers sa femme :

— Anna, embrasse ces rideaux, embrasse ce papier, embrasse ce piano, c’est au milieu de cela que j’ai passé de douces années.

Il aurait presque ajouté :

— Embrasse monsieur !

Puis il partit comme il était venu, en ouragan. Il rentra à son hôtel, des larmes plein les yeux et murmurant le long du chemin :

— Paladilhe a du talent... c’est un berger de Virgile… il ira loin.

***

Cet enthousiaste de lui-même et des autres, pris par je ne sais quel découragement, renonça un beau jour brusquement à persévérer dans sa route glorieuse. Était-ce un souvenir de M. Ingres ? Je ne le sais, mais le musicien essaya d’être peintre. C’était une revanche pour l’auteur de la Stratonice.

Par une bizarrerie qui n’appartient qu’à lui, il choisit précisément l’instant où ses mains, emmaillottées de cataplasmes et de chiffons blancs, se refusaient à tout service pour tâter du pinceau. Gounod avait des clous comme un simple mortel. Il se fit apporter chevalet, toiles, couleurs, brosses, quantité de vernis et de sauces, et le voilà installé à Montretout, étalant force couleurs sur sa palette, entassant glacis sur empâtements, et brossant le tout comme jamais domestique zélé n’avait brossé ses hardes. Décidément, il était peintre. Son coup d’essai le ravit au septième ciel. Autour de lui, l’admiration était générale et il barbouillait à cœur joie dans cette pièce aux murs de laquelle étaient appendus des autographes de Gluck, de Mozart, de Lulli, de Beethoven, de Mendelsohn, etc., etc. Autour de lui, silence absolu, personne ne pénétrait.

Pourtant un jeune et grand artiste, ami intime du maître, put pénétrer dans l’atelier. C’était Regnault. — Eh bien, et la musique ?

— Ne m’en parlez plus, j’y ai renoncé.

— Et vous faites… ?

— De la peinture. On ne s’y attend pas, JE VAIS ÉTONNER !

Mais ce n’est pas seulement comme peintre qu’il est arrivé à Gounod d’étonner son public. Vers 1874, le glorieux musicien voulut être littérateur, et l’un de ses premiers essais fut d’administrer de son mieux une volée de bois vert à la critique musicale. Elle passa un mauvais quart d’heure, cette malheureuse critique, — ou du moins Gounod le crut. Si l’on cherchait bien dans la collection du Gaulois, on y retrouverait des pages virulentes — et paradoxales. On retrouverait aussi, dans nos colonnes, une certaine préface de Georges Dandin qui fit sensation, et dans laquelle le compositeur revendiquait le droit d’écrire la musique d’un opéra sur des paroles en prose, les vers ayant une tendance à endormir la mélodie. Gounod a écrit aussi des lettres fort intéressantes sur l’art de conduire un orchestre et sur la convenance qu’il y aurait à laisser les musiciens diriger eux-mêmes leurs premières représentations. Sa plume a des audaces et des bonheurs de mots incroyables. Peu lui importe d’être correct ; il est chaud et vivant par-dessus tout. Sa prose n’est peut-être pas celle d’un écrivain, mais c’est à coup sûr la prose d’un artiste.

***

La bienveillance de ce cher grand homme est inépuisable. Il l’éparpille aux quatre vents du ciel comme les accacias font de leurs fleurs. Si le peintre se claquemure, le musicien ne sait fermer ni son cœur, ni sa porte, et sa main est tendue à tous ceux qui viennent chercher un aide ou un appui. Pendant les répétitions de Roméo et Juliette, Charles Gounod était, comme toujours en ces moments-là, soucieux, inquiet, hésitant, et, pour comble, surmené de travail.

Un matin qu’il était en train de reprendre un duo que Carvalho l’avait prié de retoucher, son valet de chambre le haranguait :

— Ah ! monsieur a bien tort de se donner tant de mal pour gagner si peu d’argent. Quand on pense que monsieur a un pantalon qui se coupe du bas, tandis que M. Carvalho s’en est commandé dix-sept. À ce moment la sonnette tinta.

— François, allez ouvrir.

Mais François, immuable, les mains appuyées sur le manche de son balai, poursuivit:

— Le premier duo de monsieur valait bien mieux.

— Vous croyez, François ; c’est aussi mon avis.

Un nouveau coup de sonnette se fit entendre.

— François, allez donc ouvrir !

Le domestique revint un moment après, annonçant Madame***

C’est une grande musicienne que Mme *** ; elle venait consulter le maître sur un Requiem de sa composition. Gounod quitta sa table de travail, accueillit avec empressement la visiteuse, et, se plaçant au piano, il lut avec elle l’œuvre qui lui était soumise.

Au fur et à mesure que sous ses doigts frémissants la mélodie se développait, des larmes silencieuses roulaient le long des joues, plus maigres alors, du bon Gounod. L’œuvre était pleine de qualités, il la retoucha. Lorsqu’il eut terminé, se levant d’un bond de son tabouret, il saisit avec effusion les mains de Mme ***, incapable de contenir son émotion.

— Vous êtes une muse !

Mme *** se retira rayonnante de joie, un pareil compliment venant d’un tel homme !

Mais comme il faut que l’esprit épigrammatique de Gounod s’exerce quand même, lorsqu’il vint se rasseoir à sa table de travail, il ne put s’empêcher de dire à l’ami, qui me l’a répété :

— Quelle raseuse !

***

Les sensations se succèdent chez lui avec une telle rapidité qu’il semble ne les avoir point subies, à ce point qu’on a pu dire de lui, avec quelque apparence de raison : il n’aime qu’en buste !

Son besoin d’expansion monte souvent jusqu’au lyrisme et le grise lui-même, comme un vin trop généreux ; la chaleur du premier moment passée, il oublie en toute sincérité.

Quand on dut reprendre au théâtre de l’Opéra-Comique cette œuvre merveilleuse, Roméo et Juliette, après la répétition générale, il remercia avec attendrissement les principaux interprètes. Quand il arriva à Barré, qui chantait le rôle de Thybalt :

— Ah mon ami, si j’avais eu un homme tel que vous comme interprète à la création de mon ouvrage…

— Pardon, monsieur Gounod, répondit Barré un peu embarrassé ; mais c’est moi qui ai créé le rôle il y a dix ans !

***

Ceci n’est que la silhouette de quelques attitudes entrevues, par hasard.

Le portrait reste à faire.

En remettant ces anecdotes psychologiques sous les yeux du grand compositeur qui va ce soir livrer une bataille d’où sortira pour lui, du moins je l’espère, un triomphe nouveau, j’ai voulu ramener sur sa lèvre crispée par l’inquiétude un de ces légers sourires qui font faire à l’esprit un retour vers les heures anciennes.

L’une de ces heures-là s’est appelée Sapho, l’autre la Nonne sanglante, une troisième la Reine de Saba, et puis à la file Faust, le Médecin malgré lui, Roméo, Mireille, Philémon et Baucis, Polyeucte, et le reste ; de telles heures ne meurent pas.

Je souhaite l’éternité au Tribut de Zamora.

Frédéric Gilbert

[…]

Melchissédec

Un sympathique, celui-là, s’il en fut jamais. — Melchi, comme l’appellent familièrement ses innombrables amis, est le plus aimé des barytons. Il n’a qu’à paraître en scène pour recueillir les applaudissements. Toutes ses créations sont des succès. Tous nous nous rappelons encore celles de Paul et Virginie et du Timbre d’Argent. Nul doute qu’il ne contribue encore pour une bonne part au succès du Tribut de Zamora.

Au physique, un beau garçon brun, méridional jusqu’au bout des ongles. Dans la vie privée, le plus dévoué des hommes, le meilleur des pères de famille. Dernièrement encore, dans un incendie, il se brûlait cruellement les mains, en sauvant ses deux charmants bébés, dont le berceau était en flamme. Cela l’obligea à prendre un congé forcé à l’Opéra. Il y rentrera aujourd’hui, et les bravos lui- prouveront que son public ne l’a pas oublié.

Triolet

Persone correlate

Compositore

Charles GOUNOD

(1818 - 1893)

Baritono

Pierre Léon MELCHISSÉDEC

(1843 - 1925)

Opere correlate

Le Tribut de Zamora

Charles GOUNOD

/

Adolphe d’ ENNERY Jules BRÉSIL

Permalink

https://www.bruzanemediabase.com/it/node/5538

data di pubblicazione : 26/09/23