Échos / Répétition générale de Roma

Echos [...]
En revenant de « Roma »

Une œuvre nouvelle de M. Massenet est toujours un événement théâtral et parfois musical. La répétition générale de Roma avait donc attiré hier à l’Opéra la foule brillante des grands soirs. Ce public éminemment parisien fit fête à la musique de plus en plus massenetiste du compositeur et au livret dramatique de M. Henri Cain. Il applaudit les décors ravissants, et surtout le Bois sacré du troisième acte, auquel préludait un agréable défilé de vestales accompagné d’un minimum de musique fort agréable. On applaudit aussi la voix vibrante et généreuse de Mlle Koutznezoff, le sentiment dramatique de Mlle Lucy Arbell, le charme émouivant de Mlle Courbières et la grâce de Mlle Campredon, faisant d’un mieux qui n’était pas l’ennemi du bien pour succéder à la délicieuse Mme Julia Guiraudon.

Vous pensez bien que tous les musiciens de qualité étaient là : M. Alfred Bruneau, qui voisine avec le bon éditeur Chevalier, neveu du Ménestrel, qui suppute les trésors prochains découlant de cette œuvre ; M. Isidore de Lara qui parle Roma à ses voisins répondant Naïl ; M. Le Borne, qui est sombre, et M. André Gailhard que son père, fièrement, promène ; M. Février, M. Henry Büsser, que d’autres ! M. Xavier Leroux, conquérant, et M. Henri Hirchmann, si jeune qu’il semble s’être poudré par coquetterie, président dans la loge de la commission des auteurs avec M. Adolphe Aderer (grave, grave !), M. Emile Fabve (triste, triste !) et M. Ordonneau (gai, gai !). Dans la loge voisine, M. Marius Gabion rit entre M. Messager et M. Broussan, observateurs. Il y a des jolies femmes un peu partout. D’abord les chanteuses attentives : Mlle Marguerite Mérentié, qui accueille avec une modestie souriante les compliments dont on accable la belle créatrice de Naïl ; Mlle Lina Cavalieri, qui frémit de voir Mlle Koutzezoff, en scène, dans les bras noueux de M. Muratore ; Mlle Grandjean, Mlle d’Elty, Mlle Marceline Rouvier, Mlle Jane Henriquez, Mlle Brozia, élégantes et endiamantées.

On cherche, dans la loge de M. Albert Carré, la jolie silhouette de Mme Marguerite Carré – et on aperçoit M. Sarqui. À côté, les frères Isola voisinent avec Mme et M. Georges Merzbach, et voici, dans une autre loge, M. Joseph Reinach, qui fait face à Mlle Yvonne Chazel, beaucoup plus jolie, et ravissant contraste. Et puis encore des femmes charmantes : Charlotte Lormont, Elsa Lenepveu, Mlle Ricotti, Lise Berty, très en rouge, et Mlle de Pouzols, très en bleu, Christiane et Gaby Lorrain, très en beauté.

Voici les hommes politiques : M. Poincaré, M. Étienne, M. Klotz, et les grands financiers amateurs d’art, tous sympathiques : M. Gaston Dreyfus, M. Max Lyon, M. Bloch-Levallois, M. Colombel, M. Gians. Et des écrivains ou des artistes, tous de talent : P.-B. Gheusi, Max Aghion, Abel Faivre, Jean Veber, Jacques Hébard, Eugène Lantier, Jean Lefranc, Bérardi tout blanc, le prince Radziwil, l’amiral Germinet sévère et rasé, M. Couyba aimable et barbu, Galipaux actif et curieux, Franc-Nohain amusé…

On ne s’ennuie pas une minute ; lorsque le rideau tombe, les lorgnettes se lèvent ; repos des oreilles, charme des yeux. Et, à ne juger que les entr’actes, le succès fut absolu. Pour nous, profanes, c’est l’essentiel. [...]

Le Théâtre
Répétitions générales
À L’OPÉRA
« Roma » opéra-tragique en cinq actes. Poème de M. Henri Cain. Musique de M. Massenet.

C’est avec une vraie joie que je constate ici le beau succès de Roma. L’œuvre du grand maître français mérite une étude plus sérieuse que celle qu’on peut faire à la fin d’une répétition générale. Je me réserve donc d’en parler, comme il convient, au lendemain de la première.

En disant que l’interprétation et la mise en scène sont dignes de l’œuvre, c’est faire le plus bel éloge qui soit à la direction qui a monté Roma et aux artistes qui l’ont chanté.

Le public a fait un nouveau triomphe à M. Massenet.

Isidore de Lara.