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Revue musicale. Le Timbre d’argent

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REVUE MUSICALE
THÉÂTRE-NATIONAL-LYRIQUE : Le timbre d’argent, drame lyrique ou opéra fantastique en quatre actes et huit tableaux, de MM. Jules Barbier et Michel Carré, musique de M. Camille Saint-Saëns. 

Enfin !... la première représentation du Timbre d’argent a eu lieu vendredi dernier, par une froide soirée du mois de février. Certes, je ne parle pas de la température de la salle qui est fort inégale et où, en certains endroits, à l’entrée de l’orchestre par exemple, on est également incommodé par des bouches de chaleur et des vents coulis. Excepté à l’Opéra et à la Comédie-Française, n’en est-il pas à peu près ainsi dans tous les théâtres de Paris ?

C’était une fort belle salle du reste, où l’on voyait des gens plus attentifs qu’à l’ordinaire, et par cela même plus silencieux. Et comme la partition avait paru la veille, tandis que le poëme est encore sous les presses de l’imprimeur, quelques uns de ceux qui, par goût ou par état, savent un peu de musique, plus indifférens que d’autres aux péripéties du drame et aux magnificences de la mise en scène, lisaient dans la partition.

Voilà donc une salutaire influence exercée sur des musiciens et sur une grande partie du public par un compositeur renommé tant à cause de sa science que de son talent. On est plein d’égards pour lui, et on prend des précautions pour le bien comprendre. Aussi, par momens, voyait-on la surprise se peindre sur tous ces visages attentifs lorsque quelque fringante ritournelle amenait un motif franc de rythme et d’un caractère bien déterminé.

N’avais-je pas raison de vous dire il y a quelques jours : « On sera fort étonné, agréablement surpris peut-être, en en entendant la partition du Timbre d’argent, de voir que les dieux que le jeune compositeur encense ne sont pas tous de l’autre côté du Rhin. » Certes, je ne lui en fais pas un reproche, car nous avons, nous aussi, nos dieux auxquels, avant M. Saint-Saëns, de très illustres musiciens ont sacrifié, et auxquels d’autres sacrifieront encore après lui. Il ne faut donc pas médire de ces divinités quand on doit aller prendre place soi-même, un jour, dans la file de leurs serviteurs.

Et, cependant, telle est à Paris la force du préjugé ou celle de l’opinion publique, que M. Camille Saint-Saëns, malgré ses concessions au goût parisien, n’en restera pas moins entaché de wagnérisme comme devant. Cela se répétait dans les couloirs, tout en fredonnant quelques unes des plus faciles mélodies du jeune maître : le chœur carnavalesque et la chanson napolitaine de Spiridion, par exemple.

Et qu’a donc de commun le style wagnérien, je vous prie, avec la simple et touchante mélodie de Bénédict, Demande à l’oiseau qui s’éveille... avec la poétique romance d’Hélène que le violon solo accompagne ?

Car il est bien entendu, n’est-ce pas, que Richard Wagner, l’auteur du Tannahaüser et du Lohengrin, des Maîtres Chanteurs et de l’Anneau des Niebelungen, n’a jamais rien écrit de simple, de touchant, ni de poétique ?

Sans plus de préambule, arrivons à l’analyse du livret ; car il est temps de renseigner le lecteur sur les personnages que nous venons de nommer : Hélène, Bénédict et Spiridion.

[Résumé de l’intrigue]

Entre la qualification donnée au Timbre d’argent par l’affiche et celle que lui donne la partition, je n’hésite pas : le Timbre d’argent est bien un opéra fantastique. C’est en pleine féerie que le drame se déroule ; le prologue et le dénoûment seuls appartenant à la vie réelle. Et le prologue laissant pressentir et même deviner le dénoûment, il en résulte que ce mélange de fiction et de réalité, étrangères l’une à l’autre, bien que les mêmes personnages y prennent part, trompe sans cesse l’émotion des spectateurs.

Dans Faust, dans Don Juan, dans Freischütz, comme dans Robert-le-Diable, c’est une puissance surnaturelle, diabolique, qui conduit l’action à un dénoûment qui est la conséquence du drame lui-même, tandis que dans le Timbre d’argent rien n’arrive de ce qui doit arriver, et les premières lueurs du jour font s’évanouir toute la fantasmagorie, tout le long cauchemar de la nuit.

On entend le cri des victimes qui tombent, et, en somme, on sait bien qu’il n’y aura personne de tué, pas même un mandarin.

Cela dit, pour l’acquit de ma conscience, je me plais à reconnaître que le livret du Timbre d’argent est fort habilement agencé, étant donné l’écueil que les auteurs n’ont pas voulu éviter. Je reconnais tout aussi volontiers qu’il y a dans ce livret une variété de situations, une profusion d’incidens qui prêtent on ne peut mieux aux magnificences de mise en scène déployées par la direction du Théâtre-Lyrique, et qui contribueront largement au succès. Quant au mérite poétique de l’œuvre de MM. Jules Barbier et Michel Carré, en voici un échantillon qui suffira à le faire apprécier :

Demande à l’oiseau qui s’éveille,
Caressé par l’aube vermeille
En son nid amoureux,
S’il est heureux
Demande à la rose nouvelle
Qui s’épanouit fraîche et belle,
Si le printemps vainqueur
Est dans son cœur !
Demande au nuage qui passe,
Au rayon qui fuit dans l’espace,
S’ils traversent joyeux
L’azur des cieux !
Demande à toute la nature,
Au brin d’herbe,
au flot qui murmure,
S’ils accueillent le jour
D’un chant d’amour
Eh bien ! du rayon qui voyage,
Des fleurs, de l’oiseau, du nuage,
Le plus heureux, je croi,
L’est moins que moi !

N’est-ce pas que ces vers sont charmans ? Aussi ont-ils inspiré au compositeur une des plus délicieuses pages de sa partition. J’ai eu souvent l’occasion de le dire et, après avoir entendu le Timbre d’argent, je n’hésite pas à le répéter : M. Saint-Saëns est un musicien habile parmi les plus habiles. Nul ne connaît mieux que lui les secrets de son art et ne manie l’orchestre avec plus de dextérité. Il excelle aussi bien dans le travail des combinaisons harmoniques que dans la recherche des piquantes sonorités. Nourri de fortes études, secondé par une intelligence hors ligne et par des aptitudes merveilleuses, il a pu tout apprendre et tout s’assimiler. Sa mémoire défie toutes les surprises : virtuose de premier ordre, il n’est pas un prélude, pas une fugue de Bach qu’il n’ait retenus et qu’il ne puisse exécuter ; il connaît Richard Wagner comme Beethoven ; Mozart et Berlioz n’ont plus rien à lui révéler. Mais, bien que nous sachions où vont son admiration et ses sympathies, nous ne pouvons voir en lui un de ces musiciens qui repoussent systématiquement tout ce qui se trouve en dehors de la ligne qu’ils prétendent suivre, en dehors du programme qu’ils se sont tracé.

Et sans autre préambule, — trop d’hésitation de ma part pouvant ressembler à de la partialité,– je confesserai que la partition du Timbre d’argent, très intéressante d’ailleurs, me paraît pécher par défaut d’unité. Je m’attendais à un style plus homogène, plus égal, plus soutenu. Weber, en écrivant la valse et le chœur des demoiselles d’honneur du Freischütz, est resté aussi allemand que dans le tableau de la Gorge aux loups. Et je pense que je puis citer sans inconvénient à M. Camille Saint-Saëns l’exemple de Weber. Si Weber eût eu à écrire une chanson napolitaine, il aurait cherché assurément à lui donner un cachet napolitain ; mais il lui aurait donné surtout le cachet de Weber. Je ne pousserai pas plus loin ma critique et ma comparaison.

L’ouverture du Timbre d’argent (presto con fuoco) est faite avec le final du deuxième acte, la valse des filles d’enfer, qui n’a vraiment rien d’infernal, dans le ballet du quatrième acte, et quelques mesures empruntées au prologue formant le thème et les développemens de l’andante. J’aime beaucoup la scène de l’introduction, le monologue de Spiridion et les lamentations des amis de Conrad. Cela a beaucoup de caractère, cela est d’un sentiment dramatique très particulier et très juste. J’ai déjà cité la romance de Bénédict ; dans le final, la phrase de Spiridion : Frappe donc sans peur ce métal sonore, est fort belle, et il y a de jolis effets d’instrumentation et de voix dans la scène de la séduction.

L’entracte, le chœur qui ouvre le second acte et toute la scène qui précède le pas de l’abeille peuvent compter parmi les pages les plus réussies de la partition ; la scène de jeu est traitée de main de maître ; mettons encore à l’actif de ce tableau la touchante mélodie que chante Hélène :

Le bonheur est chose légère,
Passagère.
On croit l’atteindre, on le poursuit,
Il s’enfuit.

M. Saint-Saëns me pardonnera de ne pas insister sur la chanson napolitaine de Spiridion et de glisser avec la même légèreté sur lebrindisi du souper chez Fiammetta.

On a applaudi au troisième acte le duo des deux femmes, un second duo entre Conrad et Hélène, dans lequel passe comme un souffle de Weber, et la chanson le Papillon et l’Étoile, charmante inspiration, accompagnée de la façon la plus délicate par des arpèges de flûte. La danse bohémienne est peut-être plus bizarre qu’originale : elle a produit beaucoup d’effet.

Bien que le quatrième acte ne soit pas le meilleur, il renferme cependant plus d’un morceau intéressant ; l’accent dramatique et les qualités de facture s’y rencontrent, mais il y a peut-être moins d’efforts heureux que dans le reste de la partition.

Les décors sont superbes, la mise en scène riche, variée et du meilleur goût. Nous complimenterons l’orchestre, sans entrer dans plus de détails sur le mérite ou sur les défaillances de l’exécution.

E. Reyer.

Persone correlate

Compositore, Giornalista

Ernest REYER

(1823 - 1909)

Compositore, Organista, Pianista, Giornalista

Camille SAINT-SAËNS

(1835 - 1921)

Opere correlate

Le Timbre d’argent

Camille SAINT-SAËNS

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Jules BARBIER Michel CARRÉ

Permalink

https://www.bruzanemediabase.com/it/node/5501

data di pubblicazione : 03/11/23