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Ariane à l'Opéra

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ARIANE, à l’Opéra. […].

S’il est vraiment merveilleux que M. Massenet ait pu remporter un nouveau triomphe avec un livret aussi vide que l’Ariane, de M. Catulle Mendès, il est non moins merveilleux qu’un poète aussi fécond, aussi riche en idées, d’une aussi puissante imagination que l’auteur de la Reine Fiammelle, n’ait pas trouvé, dans le mythe d’Ariane, autre chose qu’un petit combat psychologique, à fleur de peau, entre, deux sœurs, qui, sauf les cris d’Ariane — et encore ! — pourrait tout aussi bien se dérouler dans un boudoir ultra moderne que dans le cadre de l’antiquité. Je sais bien que M. Catulle Mendès nous répondra que Racine, lorsqu’il écrivait ses immortelles tragédies, dépeignait tout autant des personnages de son temps que ceux de la mythologie ou des époques préhistoriques. Mais ses personnages étaient considérables : c’était Louis XIV, c’était la reine, c’était des favorites comme Mlle de La Vallière, comme Mme de Montespan. Et puis, cette objection ne serait que spécieuse : car les héros de Racine nous redonnent merveilleusement l’impression de l’antique.

Il y aurait une étude bien intéressante à faire sur le mythe d’Ariane. Nous laisserons ce soin au Liseur. Voici simplement, ce que M. Catulle Mendès a tiré de l’aventure tragique de ces deux sœurs, Ariane et Phèdre, qui, pour aimer, commirent le crime d’abandonner leur père et de trahir son ambition, ainsi que leur patrie.

Quand la toile se lève, les rameurs de la trirème grecque, qui a amené au Minotaure le tribut de sept jeunes garçons et de sept jeunes filles, sont en train de gémir, ainsi que quelques soldats, commandés par Pyrithoüs, que l’on peut supposer venus en secret. De ceci, M. Catulle Mendès ne nous dit rien, pas plus que du roi Minos, de son palais, de sa capitale, de son peuple. Tous ces habitants de la Crète, pour qui l’arrivée du tribut athénien est un si magnifique triomphe, demeurent à la cantonade — à l’exception d’Ariane, qui vient rôder devant les portes de bronze du Labyrinthe, derrière lesquelles sont les sept garçons et les sept jeunes filles, guidés par Thésée, fils du roi d’Athènes. Quant au Minotaure, que nous ne voyons pas davantage, il est « très bon enfant », puisqu’on lui a apporté sa belle proie hier au soir et qu’il ne s’occupera de la dévorer que demain matin.

Mais Ariane a vu Thésée, s’est follement éprise de lui, et lui a remis le fil grâce auquel il pourra sortir du labyrinthe, s’il a le bonheur de tuer le Minotaure.

Comme il eut été intéressant de voir éclater l’amour chez ces deux jeunes gens ! Et quel combat chez la jeune fille, quand il lui aurait fallu choisir entre ce caprice foudroyant et son devoir filial !

C’est sa sœur, seule, Phèdre, survenant tout à coup, qui essaye de ramener Ariane à un plus juste sentiment de son devoir. Mais elle-même a été touchée, et aime déjà en secret le vainqueur de tout à l’heure.

Quand Thésée apparaît, sur la porte du Dédale, son épée sanglante à la main, ayant vaincu le monstre, elle voudrait lui crier, elle aussi, son amour. Mais elle sait se taire, et ne paraît l’admirer que comme futur beau-frère : car, avec ce héros, les choses ne traînent pas. Sa trirème est dans une crique voisine : on y embarque en toute hâte jeunes Athéniens et jeunes Athéniennes, Ariane les suit... Et Phèdre les accompagne.

Ce premier acte, auquel il manque absolument l’ambiance, le peuple crétois, la fureur du roi Minos, quand il découvrira que deux de ses filles sont parties avec ce ravisseur, n’en est pas moins heureux et a beaucoup plu. Il est simplement incomplet. On s’imagine — à tort, hélas ! — que la suite le complétera.

Le deuxième acte nous entraîne en pleine mer, pour y chanter l’amour de Thésée et d’Ariane. Malheureusement, survient une tempête durant laquelle pas un matelot ne saute aux cordages, pas une manœuvre n’est tentée pour lutter contre les ouragans, cependant que jeunes Athéniens et jeunes Athéniennes demeurent à la pluie dans leurs vêtements de mousseline, sous leurs couronnes de roses. On serait tenté de leur envoyer des imperméables. Quand le grain se dissipe, la trirème a perdu sa route ; et, au lieu d’arriver à Athènes, Thésée et ses compagnons descendent à Naxos.

Peut-être vous imagineriez-vous qu’il y a, à Naxos, un peuple, un gouverneur, ou un souverain ? Point du tout. Il n’y a, à Naxos, que les compagnons emmenés par Thésée. Il y trouve, heureusement, un palais où abriter ses amours, qui ne durent guère : car c’est Phèdre à qui il va offrir sa flamme à présent. Ariane se sent bien délaissée ; mais pour qui ?... Dans sa naïveté, elle se confie à sa sœur, en la suppliant de plaider pour elle. Phèdre, n’accepte pas cette mission sans crainte ; et, en effet, à peine a-t-elle dit quelques mots à Thésée, qu’ils découvrent leur mutuel amour, se pâment dans les bras l’un de l’autre. Ariane les surprend, les maudit. Et Phèdre, clamant son émoi d’une façon sauvage, s’en va frapper une statue d’Adonis, qui tombe sur elle et l’écrase.

La jalousie d’Ariane fait place aussitôt au chagrin. Elle intercède auprès de Cypris, qui détache de son bataillon féminin les trois Grâces, qui la précéderont aux enfers, où elle ira chercher sa sœur. Tel Orphée allant reprendre Eurydice.

Le troisième acte nous amène donc aux enfers, où l’évocation de Quinault et de Glück était inévitable. M. Catulle Mendès y a apporté cependant une idée originale : en échange de sa sœur, Ariane présente des roses à Perséphone, déesse de ce sombre lieu.

Revenue sur la terre, Ariane, avec une douceur qui devrait s’accompagner de quelque ironie, offre Phèdre à son volage époux. Il est touché de tant de candeur, de dévouement, déclare qu’il va retourner à Ariane ; mais tandis qu’elle prépare son palais pour le recevoir, et qu’elle se couronne de fleurs, Phèdre et Thésée sont incapables de résister à leur caprice ; la trirème est là, qui leur tend son dais, son divan ; et ils repartent pour la terre ferme — où cette coquine de Phèdre sera plus tard bien punie par le dédain d’Hippolyte.

Quant à Ariane, au lieu de se laisser consoler par Bacchus, ainsi que le prétend une légende, elle marche tout doucement vers la mer, d’où monte le chant des sirènes ; et elle s’engloutit doucement avec elles dans les flots. M. Massenet a adorablement traité le doux caractère d’Ariane ; et si sa partition n’offre plus la puissante originalité de Werther, ou les idées vraiment géniales de Manon, elle est charmante de la première à la dernière note. Je crois même pouvoir lui prédire qu’elle deviendra rapidement populaire.

Le décor du premier acte est fort pittoresque ; celui de Naxos délicieux ; j’accorderais aussi tous mes compliments à celui de l’Enfer, si les ombres ne demeuraient pas aussi immobiles. Il s’y déroule un semblant de ballet, qui fut dansé avec fougue par Mlle Zambelli, avec grâce par Mlle Sandrini.

C’est une erreur absolue d’avoir confié le rôle de Phèdre à Mlle Grandjean, chanteuse très estimable certes, mais qu’on essaie vainement de pousser au premier rang, surtout lorsqu’elle se trouve à côté d’une grande et originale artiste comme Mlle Bréval : celle-ci nous a profondément remué, tous. Il me semble qu’Ariane est la plus belle de ses créations.

M. Delmas n’avait pour ainsi dire pas de rôle ; et j’en veux encore de cela à M. Mendès : être interprété par ce merveilleux Hans Sach, par cet admirable Wotan, et ne lui faire qu’un rôle de Téramène !

M. Muratore, Thésée, aurait une jolie voix, s’il l’agitait un peu moins, s’il consentait à jouer avec quelque calme : Thésée est un magnifique héros, et non un fou furieux.

[…]

SALES.

Persone correlate

Compositore, Pianista

Jules MASSENET

(1842 - 1912)

Opere correlate

Ariane

Jules MASSENET

/

Catulle MENDÈS

Permalink

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data di pubblicazione : 05/10/23