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Courrier dramatique. Namouna

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Data di pubblicazione :

COURRIER DRAMATIQUE
THÉÂTRE DE L’OPÉRA, Namouna, ballet pu deux actes et en trois tableaux, par MM. Nuitter et Petipa, musique de M. Edouard Lalo. […]

Un compositeur de grand talent, M. Lalo, vient de commettre une grande erreur. Le public qui a entendu la première représentation de Namouna n’a point caché sa surprise. J’en sais même qui l’ont manifestée avec beaucoup de mauvaise humeur. Les journaux qui n’attendent pas le feuilleton de huitaine pour juger une œuvre d’art, ont été à peu près unanimes. À telles enseignes que dès la troisième représentation on a annoncé que le compositeur allait se rattraper en modifiant son œuvre. Quand on a perdu une partie comme celle-là, il est superflu de laisser croire au public qu’en supprimant une cuivrerie outrageusement vulgaire, le ballet en vaudra mieux pour cela.

Le mieux est d’avouer simplement qu’on s’est trompé. C’est un aveu qui ne peut pas amoindrir une réputation musicale aussi solidement établie que celle de M. Lalo.

M. Lalo est un symphoniste que le public des concerts goûte beaucoup. Tous les symphonistes rêvent d’écrire pour l’Opéra. Et c’est une ambition fort naturelle. L’appareil de la mise en scène, le luxe des décors, le jeu des acteurs, l’intervention dramatique des voix et des chœurs, tout ce concours de différents arts est bien fait pour tenter un maître symphoniste, obligé de jeter son œuvre toute nue dans une salle froide où rien n’est sacrifié au plaisir des yeux.

M. Lalo avait plus de raison que tout autre pour succomber à cette tentation. Son style, même quand il écrit des symphonies, a des qualités dramatiques de premier ordre, et je suis de ceux qui auraient voulu le voir aux prises avec un livret de grand-opéra. La malice des choses ne l’a pas permis ainsi. Comment ce symphoniste en est-il venu à s’atteler à un livret de ballet, c’est ce que je ne saurais dire, ne voulant pas donner asile dans ce journal aux cancans plus ou moins intéressés, publiés par tes journaux de boulevard.

Ce qui est certain, c’est que la musique de Namouna n’est pas une musique de ballet. La mélodie continue arrivera très certainement à prendre la place de la mélodie coupée, dans les œuvres dramatiques. Elle y est arrivée déjà, et Gluck triomphe sur toute la ligne. Mais je crois qu’il faudra faire une exception pour le ballet. La chorégraphie est un art à part, qui a ses lois et ses exigences très nettement déterminées. La première condition au ballet c’est la clarté comme la première condition de la danse c’est le relief et la carrure du rythme. Il faut être indulgent pour les jambes qui ne peuvent pas exprimer une idée aussi nettement que la langue ou que la plume. Mlle Sangalli est une danseuse incomparable, elle dit bien des choses avec la pointe de ses pieds. Elle réussit à être aussi spirituelle qu’un bon mot. Cependant, je sais quelque chose qui pourrait lui faire jeter sa langue – ou son pied – au chat. Ce serait de l’obliger à démontrer par un pas savant que le carré construit sur l’hypoténuse d’un triangle rectangle est égal à la somme des carrés construits sur les autres côtés. On l’embarrasserait encore beaucoup en la priant d’exposer dans son pas de deux l’argument de Saint-Anselme, évêque de Cantorbéry, en faveur de l’existence de Dieu.

La danse n’est donc pas un instrument d’analyse très puissant. Il a ses bornes. Et l’autre jour en suivant avec peine ce ballet de Namouna sur une volumineuse brochure, de quatre-vingts pages, je me demandais ce que devaient penser mes bons voisins qui n’avaient pas de brochure entre les mains.

Je dépasserais très certainement le cadre de ce feuilleton, si je voulais dire tout ce qu’il faut penser du ballet considéré comme une œuvre à part, et non comme un divertissement intercalé dans un opéra, approprié à l’intrigue dramatique qu’il a pour but de continuer en reposant l’esprit, l’oreille et les yeux. Acceptons ce genre tel qu’on nous l’a transformé. Consentons à cette horrible chose, le ballet en deux et en trois actes. Au demeurant ce nouvel art à ses patrons, Théophile Gautier en tête. C’est un art objectif comme il disait lui-même, un art fait avec des manifestations de lumières, de lignes et de groupements. La parole du maître qui a écrit cet admirable livret : la Péri, est une parole qui fait autorité, sans doute. Mais elle est dangereusement encourageante.

Combien de ballets dont on ne parvient à démêler le sens qu’après une véritable étude, comme s’il s’agissait de déchiffrer les hiéroglyphes de l’obélisque qui gêne la circulation sur la place de la Concorde !

Le livret est déjà fort difficile à écrire. Il faut de la fantaisie pour la nature de l’œuvre et de la clarté pour que le spectateur n’éprouve aucune fatigue.

Ce n’est point par cette dernière qualité qui brille le livret de Namouna. Si la symphonie s’en mêle, le ballet devient un instrument de supplice. Sait-on bien que parmi les plus grands maîtres, Meyerbeer seul a réussi dans les ballets ? Sait-on bien que Halévy y a échoué ? La musique de ballet exige d’abord un rythme bien marqué. Le rythme bien marqué tombe très facilement dans la polka, dans la valse, dans la schottisch, dans tout ce qui se danse autour d’un piano. Inutile de dire quel effet ces rythmes produiraient à l’Opéra. On les supporte à peine aux Folies-Bergères. Il faut donc trouver quelque chose qui soit à côté, quelque chose qui règle les danses tout en leur conservant leur élégance, leur grâce et leur distinction. Adolphe Adam y a souvent réussi. Mais Adolphe Adam aurait écrit des symphonies détestables. C’est le contraire de M. Lalo. Son insuccès n’est point difficile à expliquer. En assistant à cette première représentation, on se demandait quels rapports pouvaient avoir les pas de Mlle Sangalli, de Mlle Subra, des quadrilles et des troupes chorégraphiques avec la musique qu’on entendait à côté et très séparément. Les yeux et les oreilles ne confondaient pas leur plaisir. Voilà la surprise, voilà aussi la cause de l’insuccès.

Et cependant il est impossible de ne pas retrouver dans cette œuvre les qualités d’orchestration originale et de composition qui ont précédemment été signalées dans les concerts où M. Lalo a fait entendre sa musique. Il y a notamment un morceau de flûte qui a été bissé et qui méritait de l’être. II est merveilleusement dessiné.

Laissons de côté cette tentative musicale. Le compositeur est homme à se relever.

En quelques lignes, je puis indiquer le sujet du ballet. C’est un splendide spectacle. Le premier tableau se passe à Corfou. Ottavio et Adriani jouent aux dés, Ottavio gagne à Adriani tout ce qu’il possède, son argent et une belle esclave, Namouna, à qui il offre la liberté et ce qu’il a gagné.

Adriani provoque Ottavio en duel ; mais Namouna intervient dans le combat qu’elle traverse adorablement toutes les fois que Ottavio est menacé. C’est ainsi qu’elle récompense son libérateur : par l’amour et le dévouement. Elle s’attache aux pas du gentilhomme, veille sur lui, l’arrache à l’amour de la belle Hélène, et conquiert à la fois le cœur et l’a main de son libérateur.

L’idée n’est pas très compliquée, comme vous voyez. Mais elle devient très difficile à suivre quand l’exposition dure deux heures environ. Je ne parle pas de la mise en scène. Elle est admirable. Au deuxième acte notamment, je signale la Sieste des esclaves qui est un tableau merveilleux. […]

Edouard DURRANC

Persone correlate

Compositore

Édouard LALO

(1823 - 1892)

Opere correlate

Namouna

Édouard LALO

/

Charles NUITTER

Permalink

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data di pubblicazione : 22/09/23