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Les premières. Ariane

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LES PREMIÈRES
THÉÂTRE NATIONAL DE L’OPÉRA — Ariane, grand opéra en 5 actes, poème de M. Catulle Mendès, musique de M. Massenet.

Depuis plus de deux mois déjà, un nom léger, gracieux, tendre, flottait dans l’air parisien : Ariane !… Ariane !… Petit à petit, ce joli murmure grossissait, s’enflait, devenait une rumeur. Le public apprenait qu’il s’agissait d’un opéra de Massenet, sur un livret de Catulle Mendès.

Et pendant que notre Académie Nationale de Musique poursuivait son effort de préparation, la rumeur se précisait, gagnait de proche en proche toutes les salles de rédaction, tous les salons, et les moindres recoins de la grande Ville : Ariane est superbe, magnifique, disait-on, Ariane est un nouveau chef-d’œuvre de l’illustre compositeur, toujours jeune et vibrant ! Le poème est adorable, écrit dans la langue des dieux, la seule qui pût convenir à la légende d’Ariane !… M. Massenet et M. Catulle Mendès ont tant d’amis, tant d’admirateurs, et tant de personnes sont sincèrement désireuses de les applaudir quand même ! C’est au milieu de cet enthousiasme entretenu par des notes, des articles publiés dans beaucoup de journaux parisiens que la répétition générale fut fixée à dimanche dernier et la première représentation au 31 octobre.

Mon embarras est extrême. Pourquoi, après avoir religieusement écouté Ariane, ne puis-je pas aussi me joindre au cortège impressionnant et entonner à mon tour l’hymne d’éloges ? Pourquoi ne pas faire partie de ce chœur qui, à la mode antique, célèbre l’œuvre nouvelle ? Hélas ! ce n’est pas le désir qui m’en manque, mais la conviction… et je demeure stupide de n’avoir ni apprécié, ni compris.

Si c’est avec humilité que je m’excuse, du moins qu’on me permette de donner mes raisons.

D’abord, le livret. Le mythe d’Ariane est délicieux et l’histoire de Thésée est un des cycles les plus remarquables de la mythologie. On sait qu’Ariane, par amour pour Thésée, lui livre les secrets du labyrinthe et participe ainsi à la victoire de Thésée purgeant la Terre du Minotaure. Thésée, amoureux d’Ariane, veut emporter à Athènes sa douce compagne, mais la tempête assaille leur navire et les oblige à aborder sur les rivages de Naxos. Phèdre a suivi le sort de sa sœur Ariane. Thésée devient amoureux de Phèdre et s’enfuit avec celle-ci, abandonnant la tendre Ariane qui meurt, victime de son amour infortuné.

Une seconde version veut qu’après son abandon, Ariane ait épousé le dieu Bacchus, mais nulle part on ne retrouve la trace des épisodes que M. Catulle Mendès a greffés sur la légende mythologique.

Je reconnais que c’est là un droit absolu de l’écrivain, à la condition néanmoins qu’un intérêt et un charme nouveaux viennent s’ajouter à la donnée essentielle. Est-ce bien le cas ? Après la trahison de Thésée, l’auteur du livret nous montre Phèdre coupable, tuée (déjà ??) par Adonis, que dans sa fureur elle avait outragé. Ariane, désespérée, implore Cypris pour que la déesse veuille bien rendre Phèdre à la lumière du jour. Sur l’intervention de Cypris, Ariane descend dans l’empire des morts et supplie Perséphone de faire grâce à Phèdre. Mais Perséphone est implacable ; pour l’attendrir, Ariane lui offre… je vous laisse deviner !… elle lui offre tout simplement des fleurs ! des roses de la Terre ! L’idée est poétique, si l’on veut, mais elle surprend un peu péniblement. Ce qui surprend aussi, c’est que l’implacable Perséphone devient aussitôt, à la vue des fleurs, la plus aimable, la plus charmante des déesses et qu’elle concède sans hésitation à Ariane le pouvoir de ramener Phèdre sur la Terre. Elle s’écrie :

Emmène ta sœur ! Emmène ta sœur !
Des roses ! Des roses ! Des roses !…

après que tous le corps de ballet a esquissé des danses imprévues, auxquelles préside le dieu Hadès, et que contemplent avec une certaine surprise les habitants du Tartare.

Je sais bien que le poète a symbolisé tout ceci ; qu’il veut nous montrer les nymphes et les grâces triomphant des Furies de l’Enfer, mais enfin, il y a peut-être quelque danger à user sans mesure de l’inattendu, alors surtout qu’il n’est pas en rapport avec l’ambiance, l’atmosphère et l’harmonie des situations qui précèdent.

Vous me demanderez maintenant pourquoi Ariane a ramené Phèdre et vous supposez que cette malheureuse fille de Minos va enfin être récompensée pour tant d’amour et tant de générosité. Pas du tout. À peine Phèdre revient-elle des Enfers qu’elle n’a rien de plus pressé que de retomber dans les bras de Thésée. Devant une pareille persistance, Ariane se décide à mourir, l’expérience à laquelle l’auteur du livret l’avait conviée n’ayant pas amélioré son sort mythologique.

Malgré des défauts graves, des faiblesses, des inutilités qui enlèvent au poème sa pureté de lignes, sa simplicité antique, il y a bien souvent des passages où l’admirable écrivain et poète qu’est M. Catulle Mendès se retrouve tout entier.

Le compositeur a été porté par le livret et a souffert de ses incertitudes. M. Massenet a été exquis dans tous les beaux passages du poème et, au contraire, flou, hésitant, inférieur à lui-même partout où le terrain lui a manqué. Son inspiration semble avoir été déconcertée par endroits et l’adaptation du musicien au livret étant par trop complète, la partition révèle les mêmes qualités et les mêmes défauts.

Le premier acte est très incolore dans son ensemble. Signalons seulement les jolies litanies de Cypris, écrites dans un beau style, l’apparition de Thésée vainqueur.

Au second acte, le voyage et la tempête. Le navire qui porte Thésée ne connaît ni le roulis ni le tangage ; il est d’une fixité absolue, malgré les vagues furieuses et les vents déchaînés.

Après quelques minutes de tempête à l’orchestre, on entend, dans le profond silence qui suit, M. Delmas remerciant le ciel « chers dieux ! » tandis que le pilote s’exclame « J’ai perdu ma route !! » Enfin, voici Naxos ; tout le monde descend.

Le troisième acte est de beaucoup le meilleur. Les couplets d’Eunoë à Ariane sont délicieux et ne pourraient pas être d’un autre musicien que M. Massenet. La prière d’Ariane à Phèdre est pleine de grandeur et de charme ; Mlle Lucienne Bréval l’a admirablement chantée. Puis, le duo d’amour, entre Thésée et Phèdre, est d’une chaleur… d’un passionné… plus que mythologiques ! C’est vraiment une belle page et je signalerai, toujours dans le même acte, la mort de Phèdre et la procession funèbre d’un mouvement large et impressionnant.

Le quatrième et le cinquième actes contiennent aussi quelques beaux passages, notamment l’air grave et tragique de Perséphone : 

Hélas ! avant que le Dieu noir
M’emportât dans son char d’ébène,
J’étais rose, même le soir,
Sous les saules de l’eau thébaine.

Mlle Lucy Arbel l’a chanté d’une voix émouvante.

Mlle Louise Grandjean, dans le rôle de Phèdre, et Mlle Lucienne Bréval dans celui d’Ariane, ont été, comme toujours, deux artistes dignes de tous les éloges. M. Muratore est plein de bonne volonté et de conscience. Quant à M. Delmas, il m’a paru, comme je l’ai déjà dit maintes fois, vouloir grossir ses effets et ses moyens déclamatoires ; je suis désolé de constater que son genre manque de naturel.

L’orchestre a été très bien dirigé par M. Paul Vidal.

M. Beauchamps.

Persone correlate

Compositore, Pianista

Jules MASSENET

(1842 - 1912)

Opere correlate

Ariane

Jules MASSENET

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Catulle MENDÈS

Permalink

https://www.bruzanemediabase.com/it/node/18544

data di pubblicazione : 22/09/23