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Séance publique de l'Institut

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ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS. SÉANCE ANNUELLE.

Une salle disposée en amphithéâtre, avec un faux aspect attique, où la brise respirable du dehors n’est jamais admise à venir aérer les souvenirs qui s’y entassent, où les banquettes gardent précieusement les poussières séculaires, où une haleine de moisissure indissolublement unie à quelque chose de morne et de sacré souffle la migraine et le respect. Voilà le lieu officiel où, chaque année, les prix de Rome sont condamnés à l’exécution publique. Dans le bas et au centre, à la place du trépied antique où brûlaient la myrrhe et l’encens, un calorifère des premiers âges modernes, bouche béante, exhale paisiblement la poussière tiède de ses entrailles. Sur un pan coupé, voisine des cintres, une baie largement ouverte ; c’est par là qu’apparaissent, suspendus comme dans une cage, les musiciens et leur chef. On en voit quelques-uns, on n’en entend aucun ; mais ils sont là parce qu’ils y ont déjà été. Ils y seront toujours, défendus contre toute audace par l’aile protectrice de la routine, une des gardiennes impassibles de l’Institut, la plus fidèle. M. Vianesi lève son bâton. De ma place, je ne vois que le bâton. Tous les musiciens de l’orchestre ne pourraient pas en dire autant, malheureusement pour eux et pour les auteurs. L’ouverture commence, ouverture de Judith, dit l’un de nos confrères ; erreur, cette ouverture est une marche, nous la reconnaissons dès le premier motif exposé par les petites flûtes avec accompagnement de timbales : la Marche du sacre de Charles VII, troisième morceau d’une suite symphonique, Jeanne d’Arc de M. Paul Vidal, inscrit au programme en remplacement de M. Debussy, dont l’envoi n’était pas prêt ou n’a pas plu. M. Debussy n’est pas le chérubin de l’Institut. Les rapports sur ses œuvres sont constamment défavorables. Mais, bast, il faut bien que jeunesse jette sa gourme. Les poulains, crinière au vent, défiant la selle et le licol, ont toutes nos sympathies. Nous gardons confiance, pour l’avenir, en M. Debussy, dont la cantate fut une révélation. Revenons à M. Vidal. Celui-là, un ex-farouche, s’est sagement modéré. Les lectures, les méditations, dirigées par un jugement qui fut toujours robuste, ont opéré en lui. Son esprit fortifié par une nourriture saine, son imagination toujours vivace mais fermement réglée, le prédisposent aux œuvres fortes. Il est attendu avec confiance. La marche a une allure, une odeur d’époque. Ces petites flûtes flanquées de timbales ménageant l’explosion d’une fanfare sonore, l’entrée des cordes imposant le second thème, le choral entonné par les trombones et ramenant le thème même de l’œuvre, le mouvement final avec ses combinaisons multiples, ses oppositions de rythmes et de timbres, tout cela est pensé et écrit au pinceau. À revoir et à supprimer, si ce peut, une rosalie d’école préparant trop longuement le retour du thème initial, la seule tache à ce tableau instructif comme une page d’histoire. Après la marche de M. Vidal, très applaudie, on a beaucoup parlé. Le calorifère aidant, nous étions tous altérés. Les orateurs seuls se sont rafraîchis. Puis, le bâton de M. Vianesi s’est remis en mouvement, et l’œuvre de M. Fournier a retenti sous la voûte inclémente de la coupole. Était-elle bien indiquée, cette œuvre, pour une exécution si solennelle ? En la récompensant d’un deuxième second grand prix seulement, le jury avait suffisamment désigné son espèce de devoir convenable. Il n’y a là, en effet, qu’une œuvre d’écolier indécis, inquiet, souvent prétentieux. Sémélé, dit le programme, c’est très mêlé même, tellement qu’une idée perce à peine à travers cet amas de notes et d’intentions. Le compositeur en a entassé devant nous pendant quarante minutes ; pas un parfum de mélodie naïve, pas une pensée fraîche de tendresse dans cette agglomération, où les chiffres tiennent plus de place que les notes. « Je sais », a voulu crier fort M. Fournier. « Je sens », voilà ce qu’il devait nous dire. Il faut beaucoup de science pour remplacer, en le simulant, un peu de cœur. Beaucoup, entendez bien, jeune homme. La récolte de la musique se fait difficilement dans les champs d’algèbre et vous n’avez pas encore pour la cultiver en cette terre ingrate l’habileté nécessaire. Cueillez-la donc où elle pousse naturellement, parmi les rêves de vos nuits troublées, à travers vos gaietés et jusqu’en vos ivresses. Demandez-la à vos amitiés, à vos amours, à la femme près de qui vous tremblez, au serrement de main dont la loyauté vous touche. Elle fleurit sur la vague furieuse et dans les cieux sereins, sous l’ensoleillement des coteaux, à l’ombre paisible des vallons, émanation instantanée et fugitive d’un sentiment ou d’une sensation qu’un reflet de Dieu a touchés. Elle fleurit enfin, partout où vous ne la cherchez pas, car elle est art surtout et vous la voulez science seulement.

A. LANDELY.

Persone correlate

Direttore d’orchestra, Compositore

Paul VIDAL

(1863 - 1931)

Compositore

Alix FOURNIER

(1864 - 1897)

Documenti e archivi

Permalink

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data di pubblicazione : 13/09/23