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Critique musicale. Le Roi d'Ys

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Data di pubblicazione :

CRITIQUE MUSICALE
Opéra-comique : Le Roi d’Ys, drame lyrique en trois actes, livret de M. Edouard Blau, musique de M. E. Lalo.

En prenant possession du fauteuil directorial de l’Opéra-Comique. M. Paravey a voulu prouver tout d’abord que, loin d’être un réactionnaire en musique, comme d’aucuns le prétendaient, il avait, tout au contraire, des idées très avancées et quasi-révolutionnaires. Plutôt que de débuter par la mise à la scène d’une œuvre importante d’un compositeur en vogue, il a tenu à produire l’ouvrage partout refusé d’un maître méconnu, M. Lalo, qui depuis bien des lustres, attend son tour dans tous les théâtres parisiens et belges.

Il y a peut-être plus de crânerie que d’habileté dans ce coup de force de M. Paravey. Les révolutionnaires en musique ne forment qu’une petite minorité dans le grand public, et il me paraît qu’un éclectisme absolu serait particulièrement de mise en matière de théâtre subventionné.

Que M. Lalo fasse entendre son Roi d’Ys, je l’admets ; mais qu’il passe avant les autres, je n’y vois pas de nécessité. À vrai dire, la saison est très avancée, et certains « autres » ne se seraient probablement pas accommodés d’une représentation en plein été.

Mettons, si vous voulez, que tout est pour le mieux, et que le Roi d’Ys vient à son heure.

Coïncidence bizarre, et qui trahit bien l’état singulier des esprits et de la presse depuis quelque temps.

M. Lalo, symphonique émérite, musicien d’infiniment de talent, était universellement jugé, jusqu’ici, comme un homme de théâtre fort insuffisant. Ses amis eux-mêmes en convenaient. – Vaucorbeil, son plus fidèle, n’avait pas voulu risquer le Roi d’Ys à l’Opéra, et s’était borné à perdre cent mille francs sur un ballet commandé : Namouna. Toute La presse et tout le public avaient daubé sur Namouna. Tout le public et toute la presse étaient restés sourds aux accords tonitruants et aux accents des trombones de M. Lalo.

Soudain, par un caprice du sort, M. Paravey monte le Roi d’Ys pour monter quelque chose – ou pour faire acte viril, comme je l’ai indiqué plus haut.

Aussitôt la presse et le public se retournent comme des gants, et plaignent le sort du malheureux sexagénaire Lalo que des cabales ont empêché pendant plus d’un quart de siècle de monter au pinacle.

À l’eau, les mécréants qui ont nié Lalo ! À l’eau Vaucorbeil dont on oppose toujours le goût si sûr aux tendances de MM. Ritt et Gailhard ! À l’eau ce directeur vénal qui a refusé le Roi d’Ys qui a exigé Namouna, et qui, en exigeant Namouna a tenu à ce que Namouna-ballet renfermât des airs de danses, et fût monté par un maître chorégraphe !

À l’eau !

Lalo for ver ! [sic

Ô logique !... 

Et en effet, à la répétition générale du Roi d’Ys, un millier de femmes, prodigieusement gantées, ont acclamé le maître !... Et hier, à la première, un autre millier d’élégantes ont salué le nom du vainqueur !

Hélas ! n’y avait-il pas beaucoup d’exagération dans cet emballement effréné !... Les compagnes de Mme Lalo, qui est une grande artiste elle aussi, n’ont-elles pas forcé la note et comblé la mesure ?... Les deux soirées de vendredi et d’hier ne resteront-elles pas uniques dans la carrière de M. Lalo auront-elles un lendemain ?

Je ne méconnais nullement, pour ma part, le rare mérite de M. Lalo ; mais le théâtre tel qu’il le comprend n’est point le théâtre que j’aime, et je crois que ce n’est pas non plus le théâtre qu’aimeront les masses. 

Je le dis tout net, sans réticence et sans hésitation.

Le Roi d’Ys est un ouvrage remarquablement bien écrit, bref et austère, savamment étayé, habilement développé. Est-ce là une pièce de théâtre telle que nous la voulons ?

Aïe ! Aïe ! J’en appelle au grand public. 

C’est sur un livret d’Edouard Blau, le très adroit dramaturge, le très distingué poète, que M. Lalo a travaillé. 

Le livret de Blau est tiré lui-même d’une vieille légende bretonne universellement connue. Personne n’a le droit d’ignorer que la ville d’Is ou d’Ys s’élevait sur les côtes bretonnes, vers Kimper-Corentin, au quatrième siècle, et que cette ville, si belle qu’elle donna son nom à notre Lutèce, appelée depuis lors Par-Ys (égale à Ys), fut détruite par suite de l’ouverture inopinée des écluses qui la protégeaient contre la mer. – Depuis lors et encore aujourd’hui, si vous vous promenez le long de la côte, les pécheurs vous montreront, dans les profondeurs sous-marines, l’endroit où s’éleva jadis la ville d’Ys, et à minuit vous feront entendre le son des cloches de la cathédrale de Saint-Corentin, qui battent l’eau à cent mètres de profondeur.

Comment cette ville fût-elle submergée si elle a été submergée ? C’est ce que la légende ne dit pas d’une façon précise, malgré le récit des amours d’une nommée Dahud qui faisait une terrible concurrence à Marguerite de Bourgogne.

C’est ce qu’Edouard Blau nous dit exactement dans une affabulation fantaisiste, empreinte d’une belle couleur poétique et a un beau sentiment dramatique.

Le roi d’Ys était en guerre avec le prince Karnac. – Un traité de paix fut conclu. – Comme gage de réconciliation, on décida que le prince Karnac épouserait la fille aînée du roi, la belle Margared.

Mais Margared a un amour en tête. – Elle adore un ami d’enfance, le seigneur Mylio, qui est parti pour de lointains rivages.

Or, tandis que le mariage de Margared et de Karnac va être célébré, Mylio, longtemps prisonnier chez les infidèles, revient, non point pour épouser Margared, mais bien pour déclarer son amour à la sœur cadette de la princesse, la tendre Rozenn.

Margared, furieuse, refuse d’épouser Karnac, et la guerre recommence.

Mylio, à la tête des soldats d’Ys, bat Karnac, et se dispose à épouser Rozenn.

Alors Margared, au comble du désespoir, s’allie à son ex-fiancé Karnac, et lui dit :

La haine a passé dans mon âme ! 
Là-bas tous m’ont trahie et déchiré le cœur. 
Et je n’ai plus d’amant, de père, ni de sœur
Dans la cité trois fois infâme !
Si tu veux nous unir, 
Elle ne sera plus demain qu’un souvenir. 

— Que pouvons-nous ? interroge Karnac.

— N’avons-nous pas, répond Margared, un allié plus terrible que tous les hommes ?... L’Océan !... Notre cité est défendue par une écluse. Qu’on ouvre cette écluse et la ville est perdue !

Mais au moment où ils vont accomplir leur abominable forfait, la statue de saint Corentin s’anime et leur dit : « Repentez-vous !... »

Vain appel ! Karnac et Margared vont ouvrir les écluses et la ville sera engloutie.

Mais avant que tous les habitants soient ensevelis sous les ondes, Karnac est tué, Margared se jette dans un abîme, et saint Corentin apparaît, calme les flots, permettant ainsi au roi et aux habitants d’Ys de se sauver jusqu’à Corentin, où ils vivront « riches de mérites ».

Cet opéra légende, très simple, très clair, a été mis en musique d’une façon très concise par M. Lalo, et ce n’est pas son moindre mérite.

Si le musicien a emprunté aux maîtres modernes allemands ses procédés, il ne leur a pas pris leur proximité. Il dit ce qu’il a à dire vivement, crûment. Il va droit au but, et toute sa partition pourrait presque contenir dans le premier acte de Tristan.

De la mélodie, y en a-t-il dans ces cinq courts tableaux ? Les amis disent oui, et s’extasient devant ces dessins mélodiques.

La vérité me force à déclarer que toutes les formules mélodiques de l’ouvrage – on en compte jusqu’à trois – sont empruntées à de vieux thèmes populaires bretons. Du moins M. Lalo s’est-il rabattu sur des formules dramatiques d’une certaine intensité qui lui ont permis de donner une illusion grandiose au spectateur dans la scène très belle où Corentin apparaît à Karnac pour l’empêcher de rompre les digues de la ville d’Ys.

Pour le surplus, dès que M. Lalo veut aligner huit mesures exprimant une passion tendre, il en est réduit à accidenter ses portées d’une façon maladive tout comme les récents adeptes de Wagner – ceux qui n’ont plus rien dans le cerveau.

Ne cherchez pas dans le Roi d’Ys l’intensité dramatique, ni la mélodie franche de Reyer, ni la précocité adorable de Massenet. – Demandez des accents farouches. – Vous serez servi.

Parfois des accents mélodieux, oui, mais des phrases mélodiques, je le nie.

L’orchestration est remarquablement soignée, encore qu’avec le nombre de batteries de cuivres et d’instruments d’harmonie qu’il emploie, le quatuor, forcément restreint, de l’Opéra-Comique semble maigre.

Il faut signaler l’ouverture, si souvent exécutée dans les concerts, et trop développée pour le théâtre ; un duo entre Rozenn et Margared, dont le premier motif en fa mineur est d’une simplicité qu’on ne retrouvera, hélas ! plus dans le reste de l’ouvrage ; l’air en fa majeur de Margared : « Oui, c’est elle qui reçoit… » tout le tableau de Saint-Corentin, puis le chœur emprunté à une chanson de noce bretonne : « Ouvrez cette porte, » que les demoiselles admireront, mais que je trouve d’une fadeur excessive, et la symphonie de la rupture des écluses à la fin, symphonie très simple, assez vulgaire et beaucoup trop bruyante.

L’homme qui a écrit le Roi d’Ys, a écrit une œuvre honorable. Le directeur qui l’a monté a fait une œuvre honorable. Le public lui fera un succès honorable…

Mais sapristi ! ce sont ces succès honorables qui m’horripilent. Quand donc trouverons-nous un compositeur débordant de vraie passion, incorrect si on veut, déshonoré s’il le faut, mais sensuel, ardent et peu soucieux de prouver aux camarades – car c’est là que le bât les blesse tous – qu’ils sont des forts en thèmes !

Oh ! les forts en thèmes ! 

J’ajoute que la pièce est très artistiquement montée par M. Paravey, que Mlle Blanche Deschamps joue et chante d’une façon tout à fait supérieure – je ne suis pas accoutumé à lui adresser des compliments, mais je suis juste en toutes choses – le rôle d’Ortrude… de Margared veux-je dire que Mlle Sibonnet, dont je n’ai pas souvent apprécié les charmes, a établi cette fois avec beaucoup de grâce et de talent le rôle d’Elsa.. , de Rozenn, pardon… que Talazac est un Mylio très adroit, d’autant plus adroit que le rôle est bien mauvais et qu’il a trouvé le moyen de se tailler un beau succès dans l’épithalame en la :

Vainement ma bien-aimée… 

et que Bouvet a trouvé dans Karnac une de ses plus belles, mais aussi une de ses plus fatigantes créations.

Dans les rôles épisodes, Cobalet (le roi d’Ys) et Fournets (Saint-Corentin) ont fait apprécier une fois de plus leur voix superbe et leur style très sûr.

Louis Besson.

Persone correlate

Giornalista

Louis BESSON

(18.. - 1891)

Compositore

Édouard LALO

(1823 - 1892)

Opere correlate

Le Roi d’Ys

Édouard LALO

/

Édouard BLAU

Permalink

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data di pubblicazione : 04/11/23