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Ariane de Massenet

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UNE GRANDE PREMIÈRE — « ARIANE » A L’OPÉRA

L’œuvre nouvelle de M. Massenet. — Le livret de M. Catulle Mendés. — Ariane et Phèdre ressuscitent

Il y a, dans Ariane, l’œuvre de MM. Catulle Mendès et Massenet que l’Opéra vient de monter avec un soin tout particulier, — deux actes essentiels : le premier et le troisième.

Un chœur de sirènes ouvre le premier acte et crée de suite l’atmosphère de légende nécessaire à la fable des exploits et des amours du roi Thésée.

Par la voix de Pirithoüs, fidèle compagnon du roi, l’exposition de ces exploits est faite : 

Quoi ! dans le Labyrinthe énorme aux âpres berges

Les sept jeunes garçons et les sept jeunes vierges

S’offrent, tribut vivant, au taureau belliqueux ;

Quoi ! le royal Thésée, ignorant de la crainte

Les a suivis parmi l’erreur du Labyrinthe 

Pour les sauver du monstre ou mourir avec eux...

Le chœur lointain des sirènes amène une digression qui permettra l’entrée d’Ariane. Les marins grecs, venus d’Athènes, veulent, en effet, suivre les sirènes, et Pirithoüs, pour empêcher cette folie doit les faire ramener à bord par des guerriers et les y retenir prisonniers.

Haletante d’émotion, déjà plaintive, Ariane paraît. Le souci qu’elle prend du combat de Thésée contre le Minotaure trahit l’amour immense et profond qui s’est emparé de son cœur, cœur fait pour la tendresse, la bonté et le dévouement.

Spontanément, en voyant Thésée débarquer sur la terre de Crète, et connaissant ses projets, elle n’a pas hésité à lui livrer le secret de ses dieux, de son père (le roi Minos) et de son pays, elle lui a confié « le fil qui conduit dans le Labyrinthe ».

Et, sans remords de ce sacrilège, elle invoque la déesse Cypris et lui demande de protéger Thésée.

À sa sœur Phèdre, la vierge chasseresse, qui, dans la nuit, est venue à sa recherche, Ariane avoue tout, son amour et son stratagème impie. Et lorsque Phèdre la met en garde contre les surprises du destin :

Et si l’ingrat te laisse après t’avoir charmée ? 

Ariane, transportée par la sincérité de ses propres rêves, répond :

J’y consens ! Car jamais, pourvu qu’il m’ait aimée,

Il ne pourra, même en rompant notre lien,

Me faire autant de mal qu’il m’aura fait de bien.

Cependant, des cris venus du Labyrinthe apprennent que le combat héroïque a lieu.

Pirithoüs et ses compagnons sont revenus. Il monte sur un rocher d’où il peut apercevoir la lutte monstrueuse. Phèdre fait comme Pirithoüs, et par eux, nous sommes mis au courant des péripéties qui se déroulent dans le Labyrinthe.

Enfin, Thésée est vainqueur du Minotaure... Les éphèbes et les vierges qu’il a délivrés chantent sa gloire. Et lui, reconnaissant à Ariane de l’avoir guidé pour ce duel gigantesque, la proclame reine d’Athènes et l’emmène avec lui.

*

Le troisième acte se passe à Naxos où une tempête a rejeté Thésée et ceux qui l’accompagnent.

Nous les avions tous vus, au second acte, — un acte purement épisodique, — à bord de la nef, voguant vers Athènes.

Nous avions entendu de nouveau la joie des éphèbes et des vierges ramenés par leur roi à leurs foyers, nous avions assisté aux effusions amoureuses de Thésée et d’Ariane, et nous avions revu Phèdre, — qui n’a pas voulu quitter sa sœur.

Dans les jardins de Naxos, se précise le drame dont le Destin va accabler la malheureuse Ariane.

Thésée aime secrètement la sœur de son épouse, Phèdre, vierge farouche. En vain, voudraient-ils conjurer ce sort affreux, et pourtant divin ; malgré eux, malgré le sentiment du devoir qui fut jusqu’alors leur loi, ils trahissent Ariane.

Mais celle-ci les surprend, et s’effondre sous sa désillusion et ses désespérances.

Phèdre chasse alors Thésée ; elle-même s’enfuit et meurt écrasée par la statue d’Adonis.

Ariane, redevenue pieuse et bonne, veut aller aux Enfers pour chercher sa sœur cruelle, lui pardonner et la ramener à la vie.

Les deux derniers actes ne sont qu’un complément, point ennuyeux, mais un peu long.

Voici l’enfer où règne l’implacable Perséphone. Ariane, que Cypris, sa protectrice, a fait accompagner des Trois Grâces pour triompher des Furies, implore la délivrance de Phèdre et l’obtient. Au cinquième acte, sur les rives de Naxos, nous revoyons Thésée, éploré, qui déchire l’air de ses appels.

Son épouse et son amante le surprennent dans sa douleur. Il jure de réparer son égarement par l’accomplissement de ses devoirs. Mais, Ariane s’étant éloignée, Phèdre et Thésée, rapprochés, subissent leur Destin, et, enlacés éperdument, ils s’embarquent pour Athènes, abandonnant Ariane qui, l’âme déchirée, se livre aux sirènes pour une mort heureuse.

Ô jeune femme qui souffrez ! Vous êtes douce

Et grande ! Mais l’amour n’est pas le but humain ;

Et votre plainte en pleurs sous la nef du destin

N’est qu’un rythme de vague et qu’un vain bruit de mousse.

Ainsi chante Pirithoüs, donnant la morale de la fable.

*

Ce sujet aurait gagné sans doute à se passer dans un autre milieu que le milieu mythologique. M. Catulle Mendès, qui a tant et de si brillantes imaginations, pouvait créer de toutes pièces un Empyrée inconnu. Mais pour ressusciter Phèdre, Ariane, et les dieux de l’Olympe et les Parques de l’Erèbe, il eût fallu peut-être un poète moins épris de sensualité que d’amour, un écrivain plus sensible à la pure beauté des lignes antiques. Le modernisme des sentiments, le maniérisme des phrases, et tant de petite psychologie compliquée évoquent trop facilement à nos yeux une Ariane échappée de nos modernes garçonnières, une Phèdre qui aurait lu Cruelle Énigme, et même Eloa et la Maison de la Vieille... 

N’importe. M. Massenet, en acceptant un tel livret, a voulu reconstituer le beau Antique et s’est noblement attaché à y réussir.

Il y a là un effort artistique considérable, et dont tous les musiciens, tous les artistes, à quelque école qu’ils appartiennent, lui tiendront compte.

Évidemment, le musicien de Manon n’a pas renoncé à nous séduire. Et jamais son art à ce point de vue n’a été aussi parfait que dans les scènes d’amour qui mettent aux prises les protagonistes du drame. Les pages mélodiques, d’ailleurs, abondent dans cette partition touffue, si touffue qu’on devra, pour la suite des représentations, y pratiquer quelques coupures.

Mais qui donc, parmi les spectateurs que, depuis quinze ans, le musicien d’Esclarmonde, de Thaïs et de Werther a charmés par son art si particulier, se plaindrait qu’il continue à flatter ses préférences ?

Écoutez cette fin du deuxième acte, où l’évocation d’une île heureuse est donnée en des notes argentines, cristallines, où, parmi les arpèges des harpes, semblent pleuvoir des fleurs.

Écoutez cette fin du troisième acte, — qui ouvrira, en leit-motiv, les portes des Enfers à Ariane ; quelle grâce caressante et quel joli sentiment !

M. Massenet nous gagnerait le paradis avec un menuet, et cela doit suffire pour que nous lui soyons reconnaissants.

Dans le moindre détail, il glisse sa mélodie, et Pirithoüs chante une phrase exquise, pour nous dire qu’Adonis, — en statue, — « élève dans le jour une rose de marbre ».

Le chœur des éphèbes et des vierges, auquel les petites flûtes prêtent la légèreté des oiseaux qu’ils évoquent, le chant de l’orchestre lorsque Ariane se jette dans les bras de Thésée vainqueur — les consolations d’Eunoé à Ariane, qui se chanteront partout demain, — le prélude de l’invocation à Cypris, — le second motif du ballet — l’accompagnement de l’orchestre pour la joie d’Ariane, qui rappelle le rêve de l’île heureuse du second acte ; autant de pages, un peu mièvres parfois et pourtant délicieuses.

Mais voici le Massenet plus profond, plus gravement passionnel : La fine grâce de sa force avec le bercement charmeur des harpes et des violoncelles, les inquiétudes et l’expansion amoureuse d’Ariane, sa simplicité touchante, le pathétique de ses plaintes lorsqu’elle confie ses peines à sa sœur, — l’émoi de Phèdre que soutient si parfaitement une délicieuse phrase de violon : Je sentis à mon cou son souffle..., les aveux de Thésée : Hier tu dénouais au vent ta chevelure.... et surtout la douleur si expressive d’Ariane : Ah ! le cruel ! Ah ! la cruelle !.. ; enfin, car il nous faut abréger, — la mélodie exquise du rêve perdu : C’était si beau ! Ce n’est plus rien ! après une transition qui rappelle, avec bonheur d’ailleurs, les meilleures pages de Werther !...

*

Interprétation brillante :

Mlle Lucienne Bréval, Ariane amoureuse et douloureuse, dont les plaintes s’exhalent en des demi-teintes très pures qui ont valu un vrai triomphe à cette artiste ;

Mlle Louise Grandjean, Phèdre tragique, dont les accents farouches s’atténuent avec un si grand charme dans la modulation de ses rêves ;

M. Delmas, superbe dans le rôle de Pirithoüs ;

M. Muratore, Thésée de belle composition ;

Mlles Lucy Arbell, Demougeot, excellentes dans les rôles de Perséphone et de Cypris ; 

Mlles Mendès, Laute, MM. Triadou, Stadler, qui complètent si bien l’ensemble ;

Mlles Zambelli et Sandrini fort applaudies dans le ballet…

M. Paul Vidal qui dirige l’orchestre avec une si sûre maîtrise…

Quel dommage que les chœurs soient insuffisants et encadrent si médiocrement une aussi belle interprétation ! — Intérim.

Persone correlate

Compositore, Pianista

Jules MASSENET

(1842 - 1912)

Opere correlate

Ariane

Jules MASSENET

/

Catulle MENDÈS

Permalink

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data di pubblicazione : 18/09/23