L'Ancêtre

C’est le samedi 24 février qu’a été donnée, au théâtre de Monte-Carlo, la première représentation de l’Ancêtre, le drame lyrique en trois actes dont M. Camille Saint-Saëns a écrit la musique sur un livret de M. Auge de Lassus. Ce livret est d’un « vérisme » qui n’a rien à envier à celui dont les librettistes italiens actuels abusent quelque peu. L’action se passe en Corse, et elle est fondée sur la pérennité de la vendetta. Deux familles ont été décimées par cette coutume terrible. Un brave homme d’ermite s’emploie à les réunir et cherche à les réconcilier. Les jeunes y seraient disposés, d’autant qu’il y a, de part et d’autre, de l’amour sous jeu. Mais une vieille, une aïeule – l’ancêtre – farouche, implacable, à qui naguère on a tué son fils, se refuse à tout accord. La vendetta continuera son cours. En effet, bientôt une victime tombe ; c’est le petit-fils de la vieille, qui veut forcer alors la sœur de celui-ci à prendre un fusil pour venger son frère ; la pauvre enfant n’en a pas le courage ; la vieille s’empare de l’arme à son refus, s’embusque, tire et par maladresse tue précisément sa petite-fille. C’est sur ce thème que M. Saint-Saëns a construit une partition solide, écrite de main de maître, cela va sans dire, avec un orchestre superbe, une partition dans laquelle les voix sont judicieusement respectées et dont on a applaudi nombre de pages pleines d’intérêt, telles que l’introduction et le duo d’amour du premier acte, les chœurs et la grande scène dramatique du second, et au troisième, un charmant chœur de femmes et un trio d’un grand effet. Les interprètes ont partagé le succès du compositeur : il est vrai qu’ils n’étaient autres que MM. Rousselière, Renaud et Lequien, Mmes Litvinne (l’ancêtre), Farrar et Charbonnel. Orchestre et chœurs excellents, dirigés par M. Jehin, décors, superbes de M. Visconti, mise en scène parfaite.