Namouna de Lalo

[…] Nous entendons parler de Namouna (1), ballet représenté à l’Opéra en 1882, et qui fournit à Mlle Sangalli sa dernière création.

Dieu sait quel vent d’injustice soufflait ce soir-là. Le fait est qu’à la suite d’une prévention désignant M. Lalo comme un compositeur savant, par conséquent ennuyeux, les abonnés et les spectateurs pour la plupart bouchèrent leurs oreilles rebelles et donnèrent des marques d’inattention incessantes. On aurait dit une gageure. Les lorgnettes étaient toutes braquées du côté des loges ; mais, quant à ce qui se passait sur la scène, presque personne ne daignait s’en inquiéter. En vain la Sangalli dansa-t-elle les pas les plus jolis sur les rythmes les plus gracieux ; en vain l’orchestre mit-il tous ses soins à détailler les pages pittoresques, colorées et originales de la partition : ce fut peine perdue. Et pourtant que de couleur éclatante, que de brio fougueux, que de langueur exquise dans tous les épisodes symphoniques dont on retrouve au piano la délicate impression !

D’abord cette scène du duel, où Namouna, passant entre les épées des combattants, voltige en semant des fleurs, puis les scènes et les parades de foire, si tumultueuses et si hardies, avec les orchestres de scène se renvoyant l’obstinée clameur d’une fanfare qui est une vraie trouvaille ; les airs marocains si habilement orchestrés ; la rêveuse Valse lente à la fois mélancolique et passionnée, et enfin, au nombre de tant d’autres heureuses inspirations, la Sieste du second acte, où, sur le voluptueux bercement d’un rythme nonchalant et plein de grâce, les esclaves esquissent un des pas les plus charmants qui se puissent imaginer.

En vérité, l’on devrait bien une revanche à M. Lalo, en reprenant Namouna.

L’ouvrage est en tout point digne du succès que l’on n’a pas su ou que l’on n’a pas voulu lui faire il y a cinq ans. […]

(1) La partition de Namouna paraît chez J. Hamelle, éditeur, boulevard Malesherbes.