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Namouna de Lalo

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Théâtre de l’Opéra : Namouna, ballet-pantomime en deux actes et trois tableaux, de MM. Ch. Nuitter et Petipa ; musique de M. E. Lalo (6 mars).

Il y a peut-être quelque part, dans une académie ou une Sorbonne, un savant qui n’a rien à faire, parce qu’il sait tout. S’il était moins porté à la dissipation que cet écervelé de docteur Faust, et qu’il eût gardé le goût des études ingénieuses, je pourrais lui tailler une besogne.

Ses loisirs se trouveraient désormais occupés par la recherche de ce problème : « Quels sont les rapports qui peuvent exister entre l’anatomie du corps humain et la contexture des mélodies destinées à la danse ? »

J’avoue que, si j’étais un peu éclairé sur cette grave et toujours mystérieuse question, il me serait possible de dire bien des choses qui donneraient à cette chronique une force démonstrative qu’elle n’aura certainement pas. Guidé par l’excellent livre qui manque encore à toutes les bibliothèques, je me rendrais compte de la façon dont les différents rythmes de la musique correspondent naturellement au jeu de nos muscles extenseurs ou contracteurs. Par des considérations tirées de la statique et de la dynamique, j’établirais que le deux-quatre aussi bien que le six-huit devaient naître de l’immuable mécanisme de nos membres. Je trouverais peut-être enfin la raison qui fait que la musique de Namouna est très généralement indansable !

Cette science, dont j’invoque le secours, les bons musiciens l’ont du reste à l’état de vague prescience ; c’est un instinct qui est en eux. Voyez, tous les maîtres de l’art ont été supérieurs quand, après avoir écrit pour les gosiers, ils se sont mêlés d’écrire aussi pour les jarrets. Est-il besoin que je vous rappelle les admirables divertissements de la Muette, de Guillaume Tell, de Robert le Diable, du Prophète, d’Herculanum ? On ne connaît guère qu’Halévy, qui était pourtant des plus grands et dont la musique de danse soit d’ordre secondaire.

Pourtant, depuis huit jours, les gens d’une certaine coterie antimélodique ont cherché à parer le coup qui les atteint en la personne du compositeur de Namouna. Ils ont inventé et fait courir ce propos : « M. Lalo est un symphoniste ! » Va-t-on se mettre maintenant à traiter de symphonie toute musique incompréhensible ou déplaisante, mal tournée ou vide d’idées ? Le mot, dans le nouveau sens qu’il aura, devra-t-il être pris comme un gros mot dont il faudra se fâcher ?

Et puis comme c’est aimable et respectueux pour Beethoven !...

D’ailleurs la symphonie, prise dans ses plus beaux spécimens, n’est pas aussi antipathique à la danse qu’on a l’air de le croire. Si vous y regardez de près, elle n’est jamais que l’amplification d’une mélodie normale et carrée. Pour ma part, je suis persuadé que des chorégraphes tels que M. Mérante ou M. Petipa sauraient adapter des figures de ballet à la Symphonie pastorale. Ce serait beau ou laid, mais ce serait.

M. Lalo appartient à cette prétendue « nouvelle école », qui s’applique à ruiner non seulement le rythme, mais la tonalité précise et jusqu’à la modalité. Il me fait l’effet d’un architecte qui, pour flatter le Wagner de l’architecture, s’il y en a un, nierait les éléments nécessaires de son art, la ligne droite, par exemple, et après elle la ligne courbe. Chacune des notes de sa partition dit l’horreur que lui inspire la musique mélodique, et à quel point il est avancé dans la religion musicale de ceux qui tournaient Auber en dérision il y a six semaines.

Cependant, et autant qu’on peut voir la Grèce au travers d’un brouillard de la Baltique, j’ai cru entendre quelques cantilènes en style oriental dans le premier acte de Namouna. Elles sont assez mal présentées sous un badigeon harmonique qui les défigure ; pourtant on ne peut nier qu’elles soient encore perceptibles. L’amour de la clarté dans la musique me tient même si fort que je ne chicanerai point le compositeur pour avoir fait exécuter sa danse candiote par d’assourdissants d’instruments de cuivre. Le motif au moins ressortait en plein relief, car là il y a en cet endroit une sorte de motif.

Le second acte présente, au point de vue mélodique, l’aspect d’un vaste désert, mais avec une oasis. Oui, à propos de rien, un délicieux air de danse (à mesures alternées deux-quatre et six-huit) apparaît dans l’orchestre et fait bondir tout le monde de joie, particulièrement Mlle Sangalli. Ce n’est qu’une page, mais de vraie musique de ballet ; et comme elle a été aussi chaudement accueillie que le reste de l’œuvre a été durement traité, l’auteur sait maintenant à quoi s’en tenir sur ce qu’on lui demandait.

Il est bien temps !...

La situation des musiciens en ce monde est aussi par trop cruelle. Ils débutent dans des conditions telles qu’ils sont condamnés au succès ou à la mort. Et que l’expérience leur vienne après un échec, on ne leur permettra pas d’en profiter ; on voudra qu’ils soient punis de ne l’avoir pas montrée du premier coup !

La fable imaginée par M. Charles Nuitter a cet avantage de fournir un thème pittoresque aux décorateurs et aux costumiers. Les toiles qui représentent une rue de Corfou, et une île de l’Archipel plantée de platanes, sont radieuses. C’est la vérité dans sa splendeur ; c’est la justesse de la ligne associée à la magie de la couleur. La Méditerranée des géographes n’est pas plus bleue que celle de M. Lavastre jeune ; le ciel observé en Grèce par les météorologistes n’est pas plus limpide que celui qui est sorti des baquets à détrempe de MM. Rubé et Chaperon.

L’action se passe donc à Corfou, dans la première moitié du dix-septième siècle.

Au lever du rideau, nous assistons à une scène de jeu. En quelques coups de dés, le forban Adriani perd, contre le seigneur Ottavio, son esclave Namouna et, avec elle, quantité d’autres trésors, tels que bijoux et armes de prix. À peine nanti de son gain, Ottavio, qui est l’honnête homme de la pièce (le ténor s’il chantait), s’empresse d’en faire le plus noble usage. D’un geste, il rend à Namouna sa liberté ; et d’un autre mouvement expressif de l’avant-bras, il lui donne les bijoux qu’il a gagnés, et il la prie de se rendre chez le pacha de l’île voisine, à qui elle rachètera autant de captives qu’on en peut avoir pour une somme de…

Namouna ne se le fait pas mimer deux fois.

Elle part, et nous la suivons du regard jusque dans le harem du pacha, où nous arrivons tous ensemble.

C’est l’heure de la promenade des malheureuses esclaves, et nous les voyons (spectacle navrant !) tromper leur chagrin en dansant comme de petites dératées.

Il n’importe : Namouna, qui parle la langue du pays, faite de pirouettes et de ronds de jambe ; entre en pourparlers avec le pacha. On va s’entendre, sur les conditions du marché, quand voilà que, par un de ces hasards sur lesquels personne ne comptait plus, le compositeur dégage de son orchestre la seule mélodie appréciable et vraiment jolie qu’il nous ait fait entendre de toute la soirée. Namouna, je veux dire Mlle Sangalli, saisit une occasion aussi inespérée et, faussant compagnie à son interlocuteur, se met à exécuter un délicieux solo chorégraphique.

Acclamations et bis !

Ce n’est qu’un incident. Voici Adriani qui reparait, cette fois en armes et suivi de tous les pirates de l’Archipel. Mauvais joueur qu’il est, il vient reprendre de vive force ce qu’il a perdu aux dés.

Il n’en sera rien. Andriklès, le fidèle écuyer d’Ottavio, est là qui veille sur Namouna et d’un coup de poignard il abat, comme une bête fauve, le féroce Adriani.

Le chorégraphe de Namouna est M. Petipa, dont le séjour à l’Opéra comme danseur a été marqué par plus d’un succès. Vous vous en souvenez, il était de cette prestigieuse mazurka en si bémol du divertissement du Prophète. Les pas qu’il vient de régler pour notre corps de ballet sont d’un goût sobre qui sera apprécié des connaisseurs.

Passons-lui, si vous voulez, la foi robuste qu’il semble avoir pour les écharpes et les bouquets qui sont du plus vieux bric-à-brac de la danse. Mais sachons-lui gré de ce que ses groupes et ses figures se forment sur des courbes capricieuses, non plus sur cette sempiternelle ligne droite qui ne l’était jamais, et évoquait immanquablement, par ses défectuosités, le souvenir des plus mauvais jours de la Garde nationale !

ALBERT DE LASALLE.

Persone correlate

Compositore

Édouard LALO

(1823 - 1892)

Opere correlate

Namouna

Édouard LALO

/

Charles NUITTER

Permalink

https://www.bruzanemediabase.com/it/node/63827

data di pubblicazione : 18/09/23