Roma. Une œuvre nouvelle de Massenet

« ROMA »
Une Œuvre nouvelle de M. Massenet

L’Opéra se prépare à nous faire entendre la fin de mars ou au commencement d’avril une œuvre nouvelle de M. Massenet. Mais auparavant l’auteur de Werther a tenu à donner la primeur de son œuvre à l’Opéra de Monte-Carlo où elle va passer dans quelques jours.

M. Massenet est en ce moment sur la Côte d’Azur où, surveillant les répétitions et la mise en scène de son œuvre, il s’apprête à livrer au public une bataille qui, sans en douter un instant, sera une victoire de plus.

Mais nous avons pu voir un des amis du maître, un de ceux qui le touchent de plus près et qui s’intéresse lui-même aux choses de la musique d’une façon toute particulière. Cet ami, qui était mieux placé que quiconque pour agir ainsi, a bien voulu nous donner les renseignements suivants sur le sujet qui motivait notre visite.

Comment M. Massenet eut l’idée d’écrire « Roma »

« En 1902, M. Massenet se trouvait dans sa maison d’Egreville, en Seine-et-Marne. Au milieu d’un tas de livres qu’il avait emportés pour ses distractions, après son travail, il tomba sur la brochure de Rome vaincue.

Lorsque l’œuvre du regretté Alexandre Parodi avait été jouée en 1876, à la Comédie-Française, M. Massenet ne l’avait pas vue. Il n’avait pu que la lire et ce beau sujet avait retenu son attention.

En 1878, un soir, sur les boulevards, M. Massenet rencontra Parodi. Parodi était un excellent ami avec lequel il s’était lié. Il eut été très heureux de collaborer avec lui. Ce soir-là il lui proposa un sujet de drame musical et lui en esquissa les principales scènes. D’autres travaux absorbèrent M. Massenet et il ne pensa plus que de loin en loin au drame musical en question.

Parodi mourut en 1901. Mais en 1902, à Egreville, la brochure de Rome vaincue vint hanter les regards du maître et son inspiration.

Machinalement, pendant quelques soirées de loisirs, M. Massenet découpa dans son esprit Rome vaincue pour en faire une œuvre musicale. Il écrivit même quelques scènes de la partition.

Mais il eut encore quelques retards occasionnés par une lettre qui n’arriva pas et par la mise en scène d’Ariane.

M. Henri Cain vint, un jour enfin, apporter à M. Massenet un scénario tout préparé de la Rome vaincue et ce scénario était presque complètement d’accord avec celui qu’avait ébauché M. Massenet, qui demanda seulement à M. Henri Cain de donner plus de développement à la scène des vestales et surtout à la scène de la jeune vestale au second acte.

M. Massenet se mit à l’ouvrage et voilà trois ans que sa partition est terminée. Il n’y a que quelques modifications sans intérêt à l’œuvre de Parodi. M. Cain a même poussé le respect de son illustre confrère jusqu’à se servir de certains vers de l’excellent poète. Sa tragédie, en cinq actes a – comme le critique l’avait constaté – une forme qui ne détonnait pas sur les planches de la Comédie-Française. »

« Roma » n’est pas un drame lyrique, mais un opéra tragique

« Roma, dit ensuite notre interlocuteur, n’est pas un drame lyrique, sachez-le bien ; j’ai appelé la, partition « opéra tragique » et j’entends que ce titre lui reste, tout comme Panurge, à quoi M. Massenet travaille en ce moment, aura aussi une appellation déterminée. Le public doit comprendre en écoutant Roma, que la musique a eu la prétention de respecter la tragédie initiale.

Il y aura une rénovation à la scène à Monte-Carlo comme à l’Opéra. On fera jouer Roma dans un cadre extérieur qui sera le même pour les cinq actes et portera à son fronton le titre de l’ouvrage.

Ce sont MM. Rochette, Landrin, Bailly, et Simas qui brossent les décors pour l’Opéra et ils ont réalisé ce que M. Massenet et son collaborateur avaient désiré. »

H. R.