Premières représentations. Lancelot
PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS
Opéra : Lancelot, drame lyrique en quatre actes et six tableaux, de Louis Gallet et M. Édouard Blau ; musique de M. Victorin Joncières.
Le sujet de ce nouvel opéra appartient au cycle des romans de la Table ronde. Il serait, si l’on veut, mais très approximativement, parent du thème de Tristan et Yseult.
[argument de la pièce].
Telle est la pièce, qui vaut assurément vingt poèmes d’opéras construits selon formule.
Quant à l’œuvre de M. Joncières, il lui arrive dont maints compositeurs furent, avant lui, victimes. Elle apparaît à l’heure où toute partition qui n’avance pas semble retarder. Rien ne se transforme aussi vite que le goût musical, et c’est bien ce qui fait que l’art du compositeur est le dernier de tous les arts, étant sujet, plus qu’aucun autre, à suivre, dans défense possible, les esprits de la mode.
Voici une œuvre qui, venue à son heure, eût pu rallier nombre de suffrages. Elle est sage, elle est docte, et elle procède d’un système qui fit longtemps la fortune de nos théâtres de musique.
Mais elle arrive trop tard, et c’est pour cela qu’on la condamne.
Pour moi, que me suis efforcé d’écouter Lancelot avec des oreilles de jadis, j’y démêle plus d’une page savoureuse, notamment dans les parties tendres de l’ouvrage, et je teins que ceux qui n’y auront rien vu seront surtout ceux-là qu’entraînent dans son vertige l’effréné mouvement musical actuel. Mais, en conscience, Joncières ne saurait être la victime d’une situation à laquelle sa partition, depuis longtemps écrite, est restée totalement étrangère.
Si – comme d’aucuns ne manqueront pas de le dire – sa musique est formulaire, c’est qu’elle date d’une époque où lesdites formules avaient cours. Voilà tout.
L’interprétation, le plus souvent bonne, a des inégalités. Il est clair, par exemple, que M. Renaud est toujours, dans le roi Arthus, le beau et parfait chanteur qu’à nouvelle occasion nous nous faisons un plaisir d’acclamer ; que M. Vaguet (Lancelot) se perfectionne de plus en plus, au point de devenir tout à fait un premier sujet d’opéra ; que MM. Fournets (Alain), Bartet (Markhoël) et M. Laffitte (l’écuyer de Lancelot), sont de bons et solides artistes, et que Mme Bosman (Elaine) trouve moyen de tirer tout le parti possible d’un rôle qui n’existe guère ; mais artistiquement comme vocalement parlant, je ne saurais souscrire à l’interprétation que nous donne Mlle Delna du rôle de Guinèvre, dont elle n’a ni la noblesse d’attitudes, ni surtout la tenue royale. Elle paraît comme ennuyée de chanter son personnage, et de ce fait, elle ne semble mettre à son service qu’une partie de ses admirables moyens vocaux. Sa voix, naguère, encore pleine et superbe, sort comme à regret, un peu étouffée dans le médium, un peu absorbée par les joues qui se gonflent ; sans compter que l’articulation – ce qui est au moins inutile – rappelle, à s’y méprendre, celle de Maubant, le tragique, à la fin de sa carrière. Or, Mlle Delna est au commencement de sa carrière, et il ne faudrait pas que, par une méconnaissance – si facile à corriger – de l’envoi du son, elle donnât l’impression d’être déjà à la fin.
Léon Kerst
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Lancelot
Victorin JONCIÈRES
/Édouard BLAU Louis GALLET
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data di pubblicazione : 01/11/23