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Premières représentations. Le Roi d'Ys

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PREMIÈRES REPRÉSENTATIONS
Opéra-Comique. – Le Roi d’Ys, drame lyrique en trois actes et cinq tableaux de M. Ed. Blau, musique de M. Edouard Lalo. (Partition chez Hartmann).

De l’exécution de la belle œuvre de M. Lalo, il ressort un fait dont on s’est déjà beaucoup entretenu et qui semble retrouver quelque actualité l’heure présente, c’est la nécessité absolue d’établir un théâtre lyrique à Paris.

Plusieurs combinaisons sont, dit-on, à l’étude ; puisse une d’entre elles réussir pour la rentrée d’octobre, sinon Paris perdra sa prépondérance musicale.

L’Opéra monte à peine deux ouvrages par an et non sans grandes difficultés ; l’Opéra-Comique est peut-être un peu plus actif, mais la lenteur de l’Académie de musique l’oblige à s’occuper d’œuvres qui ne sont pas du tout de son fait : tel est le cas du Roi d’Ys qui est un grand opéra, ce que les Allemands appellent un opéra héroïque, et qui, joué place du châtelet et, ne pouvant prendre le titre d’opéra-comique, s’intitule drame lyrique, appellation, à mon sens, tout à fait fausse.

Qu’arrive-t-il de cet état de choses ? Que les compositeurs, las d’attendre leur tour plusieurs années, portent leurs manuscrits en province ou à l’étranger, à Saint-Pétersbourg et surtout à Bruxelles qui depuis quelque temps a monté une série d’œuvres remarquables.

Voici M. Reyer qui vient de terminer Salammbô ; il ne tente même pas d’être joué à Paris, il va immédiatement à la Monnaie où a triomphé son Sigurd, que les Parisiens, n’ont entendu que bien plus tard.

Ceci dit comme écho d’une opinion très répandue, arrivons à l’œuvre représentée hier. Le Roi d’Ys n’est pas une nouveauté, la partition en est terminée depuis quinze ans, je crois, et c’est la première inspiration théâtrale de M. Lalo représentée devant le public, en laissant de côté Namouna, ballet dansé à l’Opéra, en 1882, mais écrit dans des circonstances douloureuses et dont un petit nombre de représentations suffit à achever la carrière.

I

Héros d’une vieille légende bretonne le Roi d’Ys est le père de deux filles, dont l’aînée, Margared, va épouser Karnac, le chef gaulois qui depuis longtemps fait la guerre au peuple d’Ys. Cette union, en arrêtant les hostilités, va rendre le bonheur et la tranquillité à tous, aussi la joie règne-t-elle sur tous les visages, excepté sur celui de Margared. Sa sœur Rozenn lui demande le sujet de sa mélancolie, et apprenant qu’elle aimait un beau chevalier qui est parti et qui ne reviendra plus, elle lui dit : 

Cet autre, Margared, peut-être accompagnait
Mylio, notre ami d’enfance, 
Mylio qui partit naguère… et pour toujours !

Et Margared de répondre :

Oui, tu viens de le dire, 
Oui, le même navire 
Qui portait Mylio m’emportait mes amours. 

Rozenn restée seule pense à ce Mylio qu’elle aime et a le pressentiment que malgré tout, il reviendra, il arrive, en effet, victorieux ; Rozenn se jette dans ses bras et après les premières effusions, le guerrier va rejoindre ses compagnons d’armes et les renvoyer dans leurs foyers.

Le cortège nuptial de Karnac et de Margared se dirige vers l’église. Rozenn, toute à sa joie, s’approche de sa sœur et lui glisse à l’oreille : « Mylio est revenu, peut-être avec lui se trouve ton ami. » À ces mots, Margared tressaille, car on l’a deviné, elle aussi est éprise de Mylio, et se tournant vers le peuple assemblé elle s’écrie qu’elle retire sa promesse.

… Je repousse un hyménée 
Hier indifférent, maintenant odieux. 

Devant un semblable outrage, Karnac défie de nouveau le roi d’Ys et lui jette son gant. Un homme paraît et le ramasse ; c’est Mylio ! La guerre va recommencer !

Au second acte, Mylio va partir à la tête des armées d’Ys, mais avant son départ, il embrasse Rozenn, qui lui dit comme dans le Cid : « Reviens victorieux et tu seras mon époux. »

Margared a entendu et apprend ainsi que sa sœur aime Mylio et est aimée de lui. Sa jalousie n’a plus de bornes et elle se retire avec des menaces de vengeance.

L’armée de Karnac est détruite. Le vaincu cherche un moyen de revanche, quand voyant arriver Margaret, il lui dit :

— Viens-tu encore m’outrager ? 
— Non pas, répond-elle, tous m’ont trahie ; je joins ma haine à la tienne et je t’apporte la vengeance. Une écluse défend la ville d’Ys contre les flots de l’océan ; seule, je n’ai pu l’ouvrir, à deux nous l’ouvrirons et la contrée sera submergée.

Et malgré l’apparition de saint Corentin, le protecteur de la Bretagne, qui les maudit, les deux coupables mettent leur projet à exécution. Au moment où Mylio et Rozenn sortent mariés de la chapelle, le peuple affolé force les portes du palais, la ville est envahie par la mer, l’eau monte avec rapidité, les écluses sont brisées. On apprend que Karnac est l’auteur de ce crime et Mylio le poignarde.

Au dernier tableau, les survivants de la ville d’Ys sont réfugiés sur les collines les plus hautes, mais l’eau ne s’arrête pas.
Margared est revenue près de son père et devant le désastre qu’elle a précipité, le repentir entre enfin dans son âme. – Le seul moyen, dit-elle, d’apaiser les Ilots, est de leur livrer le coupable.

Le Roi : 
Si parmi nous est la victime 
Qui doit descendre aux gouffres entr’ouverts, 
Nomme-la donc.

Margared : 
C’est moi
… complice d’un pervers,
Sur la cité, sur vous, j’ai déchaîné les mers.

Et, montant sur la roche la plus haute, elle se précipite dans les flots. Aussitôt les nuages s’éclaircissent, l’ombre de saint Corentin apparaît, bénissant son peuple, et les eaux commencent à se retirer.

Tel est le livret de M. Ed. Blau. L’intérêt en est soutenu et, d’un bout à l’autre, les scènes se succèdent, rapides et concises.

II

La partition de M. Edouard Lalo a triomphé dans sa presque totalise. Arrivé à un âge assez avancé sans avoir abordé le théâtre, le compositeur a eu un début heureux.

Est-il nécessaire de faire des comparaisons entre son œuvre et les diverses écoles que l’on divise en Wagnériennes et anti-Wagnériennes ? Ne suffit-il pas de signaler l’ingéniosité de l’invention, une mélodie savante et une grande science d’orchestration ? Dans une partition qui ne contient pas moins de quarante morceaux, la longueur ne se manifeste nulle part. Certains passages ont d’ailleurs été souvent joués chez Lamoureux et ces pages connues n’ont été que plus agréables à l’oreille des auditeurs.

Il est difficile de citer tous les morceaux applaudis, voici cependant ceux qui ont été plus favorablement accueillis.

Au premier acte et après l’ouverture aujourd’hui classique, le chœur des femmes les Guerres sont terminées ; le duo entre Margared et Rozenn, l’entrée de Mylio, la marche du cortège nuptial et l’ensemble final de la provocation de Karnac.

Au second acte, l’air de Margared, la romance de Mylio : Sur l’autel de Saint Corentin et l’air de Rozenn.

L’hymne de victoire, la scène de Karnac : Perdu ! je suis perdu ! et l’apparition de saint Corentin : Malheur sur vous.

Enfin, au troisième acte, la délicieuse romance de Mylio : Vainement, ma bien-aimée et l’air qui suit, chanté par Rozenn, le duo de Margared et de Karnac et le tableau très mouvementé et très dramatique de l’inondation.

III

Sous les traits de Mylio, M. Talazac a remporté un grand succès de chanteur plusieurs de ses morceaux ont été bissés. Sa voix est plus douce et mieux dirigée que jamais.

À côté de lui Mlle Simonnet a été délicieuse dans le rôle de Rozenn qu’elle joue et qu’elle chante avec une douceur infinie, c’est une belle soirée pour la jeune artiste.

J’aime moins Mlle Deschamps, qui très tragique dans le rôle sombre de Margared, n’a pas su y mettre autant de modération qu’il eût fallu, elle a cependant eu de beaux moments et les applaudissements ne lui ont pas été ménagés ; d’ailleurs, il faut reconnaître que le rôle est un peu haut pour sa voix.

Le gaulois Karnac trouve dans M. Bonnet un interprète qui a créé le rôle avec science et l’a joué avec talent. Le roi c’est M. Cobalet ; on sait quelle est la valeur de cet artiste. Enfin M. Fournets, dans l’unique morceau de saint Corentin, s’est fait remarquer et applaudir.

Quant aux chœurs, ils sont dirigés magistralement. À l’orchestre de M. Danbé, j’adresserai encore le reproche que je lui al fait souvent ; à certains moments il semble trop puissant pour la salle qui a beaucoup de sonorité. Sauf cette observation, je reconnais que c’est bien le plus admirable orchestre de théâtre que l’on puisse imaginer.

Les décors de MM. Lavastre et Carpezat sont fort jolis, surtout le troisième : une vaste plaine, et le cinquième : l’inondation.

Les costumes de M. Bianchini sont gracieux, chose assez difficile quand il s’agît du temps gaulois.

La direction de l’Opéra-Comique a monté le Roi d’Ys avec grand soin, elle doit être satisfaite du résultat de ses efforts.

Enfin, quand M. Talazac est venu nous nommer les auteurs, M. Blau a été très applaudi et M. Lalo a été littéralement acclamé. 

Georges Rocheray

Persone correlate

Compositore

Édouard LALO

(1823 - 1892)

Opere correlate

Le Roi d’Ys

Édouard LALO

/

Édouard BLAU

Permalink

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data di pubblicazione : 01/11/23