Courrier des théâtres. À propos de Roma

Courrier des Théâtres
À PROPOS DE « ROMA »

Roma, c’est le nouvel ouvrage que M. Massenet vient de donner à Monte-Carlo, et que nous entendrons bientôt à l’Opéra de Paris.

Or, au sujet, de cette œuvre, on m’écrit pour me demander ce qu’il en faut penser. « J’en ai lu plusieurs comptes rendus, me dit mon correspondant, et j’avoue être passablement perplexe, il y en a d’enthousiastes, tandis que d’autres demeurent plutôt froids, voire hostiles. Que croire ? à qui entendre ? Pouvez-vous me renseigner nettement sur ce point, vous qui... vous que... » – Bref, mon correspondant réclame mon avis.

Dame, sincèrement, je n’en ai pas encore. Je n’ai pas assisté à la représentation de Roma, je n’en ai point lu la partition, comment me serais-je formé une opinion dans de telles conditions.

Je sais une chose : l’œuvre n’a pas plu aux partisans de Pelléas et Mélisande, d’Ariane et Barbe-Bleue, de Macbeth, de Bérénice, de La Lépreuse, qui sont les grands chefs-d’œuvre de la musique théâtrale d’aujourd’hui. Même les wagnériens lui font assez grise mine. Comme vous voyez, mon cher correspondant, cela catégorise déjà cette pauvre Roma. On ne reconnaît point qu’elle soit ni une œuvre d’art, ni une œuvre d’artiste. « C’est de la musique de Massenet, quoi ! » ai-je entendu dire.

La musique de Massenet, n’est-ce pas, c’est bon pour le public, on joue Manon et Werther, à l’Opéra-Comique, au moins une fois par semaine, – chaque ouvrage. Il en sera peut-être de même pour Roma à l’Opéra. Voilà qui suffit ? Vous êtes fixé ! Roma, c’est une chose quelconque, qui ne vaut pas plus que la Carmen de Bizet, le Faust de Gounod, peut-être même la Mignon d’Ambroise Thomas et les niaiseries de cet imbécile de Meyerbeer...

Quand je la connaîtrai, je vous en reparlerai. Mais vous voici déjà sur un terrain solide et sain, où vous n’attraperez pas de courants d’air, parmi ces œuvres où il n’y a pas d’airs du tout.

Théodore Massiac.