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Lancelot de Joncières

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Il est bien difficile, maintenant, de juger en toute impartialité un ouvrage de moyenne honnête ne s’écartant pas de l’hybride formule meyerbeerienne. Le triomphe des œuvres de Wagner a fait circuler un air nouveau à l’Opéra et renversé les fausses idoles auxquelles la foule sacrifia si longtemps. Meyerbeer agonise et les ouvrages qui rappellent un tant soit peu la manière usée de l’éclectique musicien n’ont plus guère de chance de plaire au public. Le vent du succès a tourné.

Le Lancelot de M. Victorin Joncières, joué il y a seulement douze ou quinze ans, eût, sans doute, sinon soulevé de violents enthousiasmes, du moins reçu un sympathique et cordial accueil. Aujourd’hui, il n’en est plus de même. Le mancenillier wagnérien ouvre la scène de l’Opéra de son ombre gigantesque et, sous ses luxuriantes ramures, tout s’étiole et meurt. Quand je dis tout, entendons-nous. Les chefs-d’œuvre de Gluck, forts de leur beauté éternelle d’expression et de sentiment, de leur noblesse et de leur grandeur, ne redoutent rien du voisinage morbide des drames de Wagner ; […]. Mais ce qui est fini, archifini, ce sont les vieilleries meyerbeeriennes. On les connaît trop ; le conventionnel, l’artificiel des lourdes machines qui encombrèrent si longtemps la scène de l’Opéra n’échappe plus à personne. On se rend compte du manque d’unité de conception et de style, du défaut de logique et des incroyables vulgarités qui s’accusent dans chacun des opéras de Meyerbeer, et, aussi, des déplorables concessions que ce maître arrangeur consentait pour arriver à l’effet, satisfaire le mauvais goût régnant et flatter les bas instincts des foules. Grâce à Wagner, le faux dieu a chu de son piédestal. L’Allemand de génie a tué l’Allemand de talent.

Lancelot, venu trop tard en un monde régénéré par Wagner, a surtout été raillé par ceux-là même qui furent les plus violents partisans de Meyerbeer. Oublieux de leur admiration d’autan, ils sont sans pitié, et si on les poussait quelque peu, Dieu sait à quelles extrémités ils se porteraient. Naguère, ils aimaient Patrie. Que vont-ils en penser à la reprise prochaine ? Hier, ils supportaient Hellé, et les voilà transformés à ce point qu’il leur est impossible de prendre P.385 : le moindre plaisir aux romances, aux duos, aux chœurs, aux ensembles de Lancelot. C’est fort drôle.

Il faut le dire : la partition nouvelle de M. Joncières vaut les partitions de Patrie, d’Hellé, etc. Loyalement conçue par un artiste estimable entre tous, exécutés avec conscience et amour, cette œuvre n’a rien d’agressif et se recommande par une honnêteté et une simplicité d’accent auxquelles on ne saurait trop rendre hommage. M. Joncières n’est pas un compliqué. Son orchestre ne réserve aucune surprise à l’auditoire. Je ne puis suivre la partition page à page. Je m’en voudrais cependant de ne pas citer un duo de charme gounodien au second acte et le duo entre Artus et Guinée au quatrième acte.

Si, personnellement, la musique de Lancelot ne m’emballe pas précisément, il n’est pas niable qu’elle possède des qualités de tenue et de franchise dont on ne doit pas faire fi. M. Joncières, fidèle à son passé, a écrit son œuvre selon l’esthétique qui lui est chère. Cette esthétique retarde à présent. Est-ce la faute de M. Joncières ? Si Lancelot avait été représenté avant la grande réussite de Wagner à Paris, peut-être eût-il soulevé autant de bravos que son frère d’art Dimitri ?

L’Opéra s’est mis en frais modestes pour monter Lancelot. Le décor du lac est joli. L’interprétation sert l’œuvre. Mmes Delna et Bosman et MM. Vagues firent vaillamment leur devoir. 

André Courneau

Persone correlate

Compositore

Victorin JONCIÈRES

(1839 - 1903)

Permalink

https://www.bruzanemediabase.com/it/node/9672

data di pubblicazione : 03/11/23