Institut royal de France. Distribution des prix et exécution des cantates couronnées
Institut royal de France.
Distribution des prix et exécution des cantates couronnées.
On dirait que l’Académie des Beaux-Arts s’est repentie de l’économie qu’elle avait faite l’année dernière, en ne décernant qu’un second grand prix de composition musicale, et pas de premier. Cette année, elle a décerné deux premiers grands prix, et elle a retrouvé ainsi son compte de futurs grands hommes. Toutefois il faut dire que tel n’était pas l’avis de la section musicale, qui peut-être se connaît en musique aussi bien que les autres sections composées de peintres, de sculpteurs, de graveur et d’architectes. Les musiciens n’avaient jugé qu’un seul élève digne de l’honneur d’être envoyé à Rome, et cet élève était M. Massé ; l’Académie entière a cru devoir lui adjoindre le jeune Renaud de Wilback, enfant extraordinaire, longtemps privé de la vue, et dont plus d’un clairvoyant pourrait envier le talent et les succès précoces.
C’est par l’exécution de la cantate de ce dernier que la séance s’est ouverte. Le thème poétique livré aux concurrents avait pour titre : le Renégat de Tanger. Il nous semble qu’on aurait pu l’intituler avec plus de justesse le Chrétien relaps. En effet, il s’agit dans ce petit drame d’un chrétien qui s’est voué au culte de Mahomet pour épouser une jeune musulmane, objet de son amour. Un fils est né de cette union, et quand le père a quelques vœux à former, quelques dangers à craindre, c’est toujours la vierge Marie qu’il invoque pour son rejeton et pour lui. Le Cadi vient à passer, et trouve dans la demeure d’Ismayl une image de sa sainte protectrice ; il se fâche, et rappelle au renégat pour quels motifs, dans quelles circonstances il a juré foi et hommage au Coran. Alors le renégat déclare qu’il est plus chrétien que jamais : Ebba, sa femme, suit son exemple, et le Cadi les condamne à mort tous les deux avec leur enfant. S’il ne fallait pas avant tout remercier l’académicien libre (dont les concurrents sont forcés de mettre la poésie en musique), de la complaisance extrême avec laquelle il se charge depuis plusieurs années d’un travail ingrat, il y aurait bien des choses à dire, tant sur le choix de ce sujet, que sur la disposition générale du drame, et encore plus sur la structure peu académique d’un bon nombre de vers ; mais ce serait presque de l’impolitesse, et l’auteur du Renégat de Tanger mérite au moins qu’on le paie en égards, lui qui se montre périodiquement si gracieux.
La cantate du jeune Renaud de Wilback, élève de M. Halévy, est écrite avec une sagesse et une pureté remarquable. Pouvait-on exiger plus de vigueur, plus d’élan, plus de liberté dans le maniement de l’orchestre d’un compositeur à peine âgé de 15 ans ? Ce n’est l’âge ni des idées ni des formes originales : Mozart, qui avait commencé de si bonne heure, n’écrivit ses chefs-d’œuvre dramatiques que vers la fin de sa carrière, si courte, mais si remplie. Menghis, de l’Opéra, Hermann-Léon, de l’Opéra-Comique, et Mlle Mondutaigny, premier prix de chant du Conservatoire, servaient d’interprètes au jeune lauréat.
M. Massé, élève de MM. Halévy et Zimmermann, a vingt-deux ans : cela explique l’incontestable supériorité de son œuvre, dans laquelle on sent déjà l’empreinte d’une main virile. Mais ce qui vaut le mieux, c’est qu’indépendamment de l’art et de l’habitude, on y reconnaît une inspiration heureuse et libre, une franche et facile mélodie. Depuis longtemps les habitués des séances du 5 octobre n’avaient rien entendu d’aussi satisfaisant, d’aussi riche en espérances que cette cantate, fort bien chantée, d’ailleurs, par Octave et Mlle Dobré, de l’Opéra, et Grard de l’Opéra-Comique.
Le second grand prix avait été remporté par M. Mertens, élève de M. Carafa, pour la composition, et qui, pour l’harmonie, a suivi les leçons de M. Lecouppey, professeur au Conservatoire. [...]
R.
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data di pubblicazione : 02/11/23