Académie royale des beaux-arts. Distribution des prix
Académie royale des beaux-arts.
Distribution des prix.
Rien de changé au programme solennel. La séance commençait par l’exécution d’une ouverture, dont l’auteur est ce jeune Renaud de Vilback, musicien précoce, longtemps aveugle, aujourd’hui demi-claivoyant. Son ouverture est l’acquit d’une dette contractée en sa qualité de pensionnaire de l’école de Rome. Nous voudrions pouvoir dire que c’est un chef-d’œuvre, mais ce n’est q’une composition agréable et facile, qu’on écoute sans ennui, mais qui ne laisse pas de trace. Les maîtres du jeune artiste ont toujours dit qu’il se contentait trop aisément, ce qui n’est pas le moyen de contenter le public. Le rapport de M. le secrétaire perpétuel nous a appris que M. Renaud de Vilback avait aussi composé, dans ses studieux loisirs de Rome, un opéra en un acte, qui doit bientôt être joué au Conservatoire. Peut-être cet ouvrage aura-t-il précisément les qualités qui manquent à l’ouverture ; alors le public et l’auteur seront du même sentiment.
La cantate proposée aux concurrents de cette année avait pour sujet l’Ange et Tobie ; elle avait été choisie entre vingt-quatre pièces envoyées à l’Institut. L’auteur est M. Léon Halévy, dont la poésie est toujours marquée au cachet de l’élévation, de la pureté, de l’élégance. La simple histoire empruntée par lui aux livres saints réunissait toutes les conditions exigées par lui en pareille circonstance. Le jeune Tobie revient avec le divin messager du voyage entrepris par ordre de son père. Il n’est point question ici de son mariage avec la fille de Raguel, cette dame Barbe Bleue qui avait déjà vu mourir dans ses bras sept maris la nuit de leurs noces, ni de l’expédient imaginé par l’ange pour préserver le huitième de la même catastrophe : tout cela est biblique, mais peu académique. Il ne s’agit donc que de choses moins intimes et moins terribles. L’ange, sous le nom d’Azarias, sauve la vie de son compagnon, qui allait mourir de soif dans le désert. Tobie lui propose la main de sa sœur pour récompense : Azarias refuse, sans dire pourquoi. Ils entrent ensemble dans la maison du vieux Tobie, qui recouvre la vue au moyen du fiel de poisson. Azarias déclare alors qu’il ne peut rester davantage :
Déjà résonne à mon oreille
L’accord des harpes du Seigneur.
L’homme n’est plus : l’ange s’éveille ;
Des cieux je revois la splendeur.
Vous remplirez mon espérance,
Et, comme un pur encens s’élevant vers les cieux,
Vos vertus monteront au séjour glorieux
Pour y porter ma récompense.
Trois concurrents se sont distingués en traitant ce canevas poétique : M. Deffès, qui a obtenu le premier prix ; MM. Crèvecoeur et Charlot, qui en ont obtenu chacun un second. M. Deffès est élève de M. Halévy, l’auteur de la Juive et de Charles VI, frère de M. Léon Halévy, le poète. M. Crèvecoeur est élève de M. Colet ; M. Charlot, de MM. Carafa et Zimmerman.
Roger, mademoiselle Grimm et Alizard exécutaient la cantate de M. Deffès. Avec de tels interprètes, il était impossible de ne pas enlever des applaudissements : aussi M. Deffès en a-t-il obtenu, dont une bonne part lui revient sans doute. Il y a du talent dans la facture de son introduction, dans la romance chantée par le jeune Tobie ; il y en a aussi dans le duo, dans le trio qui suivent ; mais on y voudrait quelque chose de plus, une inspiration, une idée mélodique. À l’instant où le vieux Tobie revoit la lumière du jour, à celui où l’ange reprend son vol, il aurait fallu quelque chose qui tranchât avec le reste, et l’invention a trop manqué au compositeur. Nous souhaitons qu’il la trouve dans son voyage d’Italie, et qu’à son retour il nous apparaisse transfiguré, comme son Azarias, qui devient ange d’homme qu’il était. […]
P.S.
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L'Ange et Tobie (Léon Halévy)
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data di pubblicazione : 02/11/23