Académie des Beaux-Arts. Concours de composition musicale
Académie des Beaux-Arts.
Concours de composition musicale.
Cette année, comme toujours, nous nous étions bornés à énoncer le jugement de l’Académie des beaux-arts dans le concours de composition musicale, sans entrer dans les détails ni dans l’appréciation du mérite divers des œuvres des six concurrents. D’autres journaux sont allés plus loin que nous : ils ont même parlé de la cantate, et ils l’ont fait avec une telle bienveillance, que l’auteur, M. Édouard Monnais est obligé en conscience de les en remercier cordialement.
Cependant, faut-il le dire ? leur analyse du Prisonnier pèche en un point, c’est qu’elle efface tout net le peu d’originalité, si toutefois il s’en trouve, du sujet et de la manière dont il est traité. Suivant eux, « il s’agit d’un jeune homme retenu captif, en compagnie d’une jeune fille également prisonnière… Les deux prisonniers, à force de se voir, à force de causer tout le long du jour à travers les barreaux de leur cage, en viennent à aimer le noir séjour où ils sont réunis, etc…, etc… ».
Eh bien, voilà l’erreur : les prisonniers ne se voient pas ; ils se parlent, mais sans se connaître autrement que par le son de la voix, et c’est justement de la voix de la prisonnière que le prisonnier devient amoureux.
Cette situation, du reste, est empruntée à un livre célèbre Le mie Prigioni, de Silvio Pellico. Qui n’a lu, le cœur palpitant, le chapitre de ce livre, dans lequel le vertueux Silvio, séparé par un mur seulement de femmes dont la vertu n’était pas précisément l’apanage, écoute leurs chansons, leurs entretiens, leurs rires ? […]
Silvio était donc amoureux de Madeleine, amoureux de sa voix, comme le Prisonnier, dans la cantate, est épris de la voix de Gemma. Silvio ne vit jamais les traits de Madeleine, et dans la cantate, le Prisonnier ne voit ceux de Gemma qu’au dénouement, lorsqu’elle vient, non pas le délivrer, car il est libre avant elle, mais lui annoncer qu’elle est libre aussi et qu’il n’a plus de motif pour refuser la liberté, que lui apportait un geôlier, non pas bourru, mais assez doux au contraire, et fort surpris de trouver un prisonnier rebelle à l’ordre qui lui ouvre les portes de sa prison.
Telle est, en peu de mots, la structure scénique de la cantate, le Prisonnier. Nous avons nos raisons pour n’en dire ni bien ni mal : nous avons seulement voulu expliquer de quels éléments elle était faite : nous avons tenu à indiquer son origine et son intention.
Quant aux jeunes musiciens qui se sont exercés sur ce texte, nous nous en rapportons à l’opinion que la section de musique d’abord, l’Académie des beaux-arts ensuite, parfaitement d’accord cette fois, ont exprimée. Le premier prix, accordé à M. Delhelle ; le premier second prix, à M. Galibert ; le deuxième second prix, à M. Léonce Cohen, sont pleinement mérités. Mais si les vainqueurs ont fait preuve de talent, ce n’est pas à dire que les vaincus en manquent. Le sort des armes et des inspirations est journalier : l’année dernière, M. Alkan avait obtenu un second prix : peut-être obtiendra-t-il le premier l’année prochaine. Il y a aussi beaucoup d’espoir dans les compositions de MM. Erlanger et Poize. Ce dernier n’a eu qu’un tort, celui d’une excessive prolixité dans certaines parties : son inspiration, d’ailleurs, et sa facture annoncent une bonne nature et des études soignées.
Dans la séance du mois d’octobre, la cantate de M. Delehelle sera exécutée à grand orchestre ; il est permis de regretter que le même avantage ne puisse être concédé à MM. Galibert et Cohen ; mais que deviendrait une assemblée forcée d’écouter trois cantates ? Et l’Académie, qui en entend six ! Et la section de musique, qui les entend toutes les six deux jours de suite ! Il y a des grâces d’état.
P.S.
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Le Prisonnier (Édouard Monnais)
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data di pubblicazione : 20/10/23