Institut de France. Concours de composition musicale
Nouvelles de Paris.
INSTITUT DE FRANCE.
Concours de composition musicale.
Le sujet de la cantate donné cette année pour thème de composition aux jeunes artistes est tout différent de ceux que l’usage semblait avoir consacrés pour toujours. Ce n’est ni du grec, ni du romain dont nous sommes, grâce au ciel, débarrassés, mais c’est du français, et du français de 1834. Or rien n’est plus prosaïque que le français de 1834 ; on n’a donc évité un mal que pour tomber dans un autre, reste à savoir lequel est le pire. Il s’agit d’une chose bien simple et bien innocente dans le programme de cette année ; c’est sur l’Entrée en loge d’un jeune compositeur qui aspire au grand prix que les aspirans au voyage d’Italie ont dû se monter l’imagination.
Je suis sous les verroux, non captif, mais vainqueur ;
Ainsi s’exprime le jeune compositeur, dans le premier vers du récitatif qui annonce son entrée en loge ; il continue :
Je veux l’être…Remplis ma demeure profonde,
De ces divins accens qui pénètrent le cœur,
Mozart, Cimarosa, Gluck, Grétry, j’aime mieux
Vous demander vos trésors d’harmonie.
Nous avons quelque soupçon que la retraite profonde des jeunes compositeurs, lorsqu’ils sont en loge, consiste en dix pieds carrés. Ce n’est pas tant la peine de se récrier sur la profondeur, mais il fallait bien un mot pour rimer avec ce mondedont le pauvre Apollon n’est plus. Avec quel plaisir et quelle facilité on doit mettre en musique ces vers harmonieux !
Mozart, Cimarosa, Gluck, Grétry, j’aime mieux
J’aimerais mieux, moi, les deux vers de Malebranche sur lesquels M. Halevy a composé un morceau très spirituel. Quand le poète s’est écrié qu’Apollon n’est plus de ce monde, on pouvait le croire ennemi de la mythologie ; mais plus loin nous le voyons invoquant Mozart, Cimarosa, Gluck, Grétry, les supplier d’être ses demi-dieux ; il n’y a cependant des demi-dieux que dans la fable païenne, et ceci nous déroute. Le jeune compositeur continue :
Toujours pauvre et joyeux, j’ai couru le cachet ;
J’ai cherché dans mon art ce charme qui me console ;
Ma verve s’exhalait en fugue de l’école ;
Je sais fort bien, je sais comme on traite un sujet.
Ce pauvre jeune homme qui courait le cachet ! Heureusement que, pour se consoler, il savait faire des fugues, des fugues de l’école. Quel charme et quelle expression dans ces vers ! on dirait de l’italien de Romani. Après un récitatif, un récit simple et un récit mesuré, vient un cantabile dans lequel le jeune compositeur appelle à son secours les rêves charmans qui soutiennent sa vie.
Voyons donc le sujet, puisse-t-il me sourire !
Ah ! le templier Front-de Bœuf
Aux pieds de Rebecca. Bravo ! voici du neuf.
Le fait est qu’un chapitre de Walter Scott me sourierait plus que bien d’autres sujets, voire que l’Entrée en loge d’un jeune compositeur, pourvu cependant que ce damné templier Front-de-Bœuf n’y fût pas appelé par son nom qui est très peu musical.
Vive, vive le temps des preux,
C’est ici un air,
Siècles d’amour et de vaillance ;
Le guerrier fort et courageux
Obtenait tout avec sa lance.
Hélas ! qu’êtes-vous devenu ?
Sans vous nous ne chanterions plus
Vieux châteaux et sombres tourelles,
Varlets et gentes damoiselles.
Viennent après un récit et un air qui ne sont pas d’une poésie plus poétique. Ce n’est pas le peu de mérite littéraire qu’on trouve dans cette cantate que nous avons voulu faire remarquer, car on n’est pas accoutumé à ce que les pièces du même genre soient des œuvres d’une portée très élevée, c’est le mauvais choix des expressions qui fait que la plupart des vers sont sourds et impropres à recevoir la phrase musicale. Les cantates couronnées sont celles-ci : Premier grand prix : M. Elwart, élève de M. Lesueur. Deuxième grand prix : M. Colet, élève de M. Berton. Deuxième second grand prix : M. Boisselot, élève de M. Lesueur. Le morceau de M. Elwart a été chanté par M. Alex. Dupont ; celui de M. Boisselot par M. Thénard ; un élève du Conservatoire, M. Puig, a fait entendre celui de M. Colet. MM. Elwart et Boisselot ont fait leurs études musicales dans la classe de composition de M. Fétis en même temps qu’ils recevaient des conseils de M. Lesueur. On sait que les concours de l’Institut ne sont pas publics, c’est lors de la séance annuelle où les prix sont décernés, que nous pourrons juger du mérite de chacune des cantates.
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data di pubblicazione : 01/11/23