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Séance publique de l'Institut

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INSTITUT DE FRANCE. Séance annuelle. C’est une heureuse idée, pensais-je en m’acheminant vers l’Institut, que celle d’ouvrir la séance publique annuelle de l’Académie des beaux-arts par un morceau à grand orchestre. On a reconnu que ce nouvel attrait, offert à la curiosité, avait pour résultat certain un crescendo d’intérêt de la part du public ; aussi cet usage, introduit depuis quelques années, a-t-il jusqu’à présent été fidèlement suivi. Une symphonie, en effet, produit une impression plus vive, agit avec plus d’énergie, plus de spontanéité que tous ces froids et longs discours d’apparat. L’exorde musical captive d’abord votre attention ; puis vient ensuite la narration dont les rythmes piquans, les cantilènes capricieuses vous émeuvent et vous entraînent ; enfin, la péroraison, par ses strettes brillantes, ses torrens d’harmonie, vous ravit, vous électrise et vous enlève. Où est l’académicien, j’allais dire l’orateur, qui puisse se rendre aussi souverainement maître de ses auditeurs ? où est ce phénix ? En attendant l’heureux instant où nous pourrons jouir de son éloquence, entrons à l’Académie et voyons ce qui s’y passe. D’abord l’orchestre, dirigé par M. Grasset, exécute avec ensemble l’ouverture de Corisandre. L’introduction de ce morceau est noble et chevaleresque ; l’allegro qui suit joint à des effets pleins de force et de chaleur des chants naturels et gracieux. C’est une ouverture digne de l’auteur d’Aline et de Montano, M. Berton, qui occupe le fauteuil de président. Notons, en passant, les deux discours prononcés ; le premier, relatif aux travaux des pensionnaires de l’Académie de France à Rome ; l’autre, sur la vie et les ouvrages de Pierre Guérin, récemment enlevé à l’art qu’il avait illustré. Applaudissons à la distribution des prix, moment qui fait époque dans la vie des artistes, et hâtons-nous d’arriver à l’exécution de la cantate couronnée, par laquelle s’est terminée, suivant l’usage, la séance de l’Académie. Cette cantate, intitulée le contrebandier espagnol, est une scène à deux personnages. Il s’agit, comme l’année dernière, d’un rendez-vous amoureux, cruellement interrompu par un coup de feu qui tue l’un des amans. C’était, l’an passé, le jeune homme qui mourait ; cette année, c’est la jeune fille. Pour qu’il y ait progrès, et pour en finir avec ces scènes de rendez-vous, nous prions l’auteur des paroles de vouloir bien, l’an prochain, tuer les deux amans d’un seul et même coup. Bien que faiblement traité, ce sujet est dramatique et favorable à la musique ; celle de M. Thys, le jeune lauréat, élève de M. Berton, nous a paru en général correcte et élégante. Si elle n’atteint pas une hauteur remarquable, elle n’est pas non plus commune. On ne peut exiger dans un élève qui sort des bancs de l’école et qui prend son essor ce vol hardi, audacieux, qui n’appartient qu’au génie libre de toute entrave. L’introduction de la cantate est une pastorale gracieuse, où se fait remarquer l’entente des instrumens à vent ; le récitatif qui suit n’est peut-être pas d’un style assez soutenu, notamment la ritournelle qui vient après le premier vers : c’est, à la vérité, le seul exemple de trivialité qui nous ait frappé dans toute la scène. L’auteur nous a paru en général procéder trop souvent dans ses récits par des modulations en quintes ascendantes, moyen vulgaire qu’il faut abandonner aux commençans. Le morceau qui nous a semblé le mieux traité et le plus heureusement inspiré, c’est la romance de Claire : Mon aimable et douce patronne. Le chant respire une douce mélancolie ; il est tendre et naïf, peut-être même douloureux. On dirait que le musicien était préoccupé, en le composant, de la catastrophe qui doit suivre : Claire prie sa patronne de lui donner Alvar pour époux ; la musique semble au contraire exprimer ce sentiment : je souffre, mais je suis résignée. Toutefois, ce morceau a réuni les suffrages de l’assemblée. Les couplets d’Alvar sont moins heureux sous le rapport de l’invention, bien que élégamment écrits. Ceux du contrebandier (car tout est en couplets dans cette cantate, il n’y a point d’air) rappellent, surtout dans le majeur, les boléros importés d’Espagne. Quant au coup de feu, il paraît reconnu, depuis celui de la chasse du jeune Henri, que ce moyen d’effet est confié aux soins du timbalier, et rentre dans ses attributions, jusqu’à ce que nous ayons la partie obligée d’artilleur dans l’orchestre. L’auteur y a joint dans les instrumens de cuivre quelques accords brusqués dont je n’ai pu comprendre ni saisir l’harmonie. Mais heureusement, nous pouvons tout expliquer en musique, il ne s’agit que de s’entendre ; voici donc notre interprétation : Lorsqu’on est frappé par une balle, et frappé à mort, les idées doivent se bouleverser ; eh bien ! ne peut-il pas être permis au musicien d’en faire autant de son harmonie ? N’allons donc pas, pour si peu, faire une querelle d’Allemand à M. Thys ; mais demandons-lui pourquoi, quand Claire est mourante, il a placé dans l’orchestre un accompagnement d’accords en triolets, consacré depuis long-temps aux promenades sur le lac riant, azuré et tranquille ; tranquille, s’il vous plaît, ne confondons pas avec le lac en courroux, au service duquel nous tenons en réserve un autre accompagnement tout prêt. Or, nos amans sont sur une montagne ; ils n’ont là ni barque, ni gondole ; à quoi donc se rattache cet accompagnement ? Non erat hic locus. En résumé, et malgré quelques taches légères qu’il aurait été facile de faire disparaître, la cantate de M. Thys est une des plus intéressantes et une des meilleures que nous ayons entendues à l’Institut ; et d’unanimes applaudissemens, dont M. Alexis et Mlle Falcon ont dû prendre leur part, ont solennellement sanctionné le jugement de l’Académie.

Persone correlate

Compositore

Alphonse THYS

(1807 - 1879)

Compositore, Giornalista

François-Joseph FÉTIS

(1784 - 1871)

Permalink

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data di pubblicazione : 13/09/23