Étienne Marcel

Le sujet de l’opéra Étienne Marcel est lié à son actualité immédiate. Les travaux de reconstruction de l’Hôtel de Ville, incendié pendant la Commune, donnèrent à Saint-Saëns et à Gallet l’idée d’un drame historique sur le prévôt des marchands de Paris qui, aux États généraux de 1356, présenta des projets démocratiques et souleva la foule contre le pouvoir royal, avant d’être tué par Jehan Maillard, bourgeois de Paris et chef du parti royaliste. Le livret de Gallet respecte la vérité historique en ajoutant toutefois une idylle dramatique entre Béatrix, fille d’Étienne Marcel, et Robert de Loris, écuyer du Dauphin. Le sujet fournit ainsi une large palette de situations et de sentiments favorables aux développements dramatiques. La musique, riche et variée, est tour à tour émouvante, intime et grandiose, allant du duo d’amour aux grands déploiements de foule. L’ombre de Wagner se profile dans l’utilisation du leitmotif mais Étienne Marcel partage également de nombreuses caractéristiques avec le grand opéra de Meyerbeer, notamment le rôle actif du chœur/foule, les scènes de procession et les ballets. Cette tentative de fusionner la technique progressiste du leitmotif avec la tradition des « numéros » bien distincts (duos, trios et quatuors traditionnels) valut à Saint-Saëns les reproches de la critique, qui l’accusa de transformer « une œuvre dramatique en une mélopée récitante […] commode pour dissiper la pénurie d’idées » (Clémént/Larousse). Pourtant, lors de sa création au Grand-Théâtre de Lyon le 8 février 1879, l’œuvre connut un succès tel que le ministère des Beaux-Arts accorda au théâtre une subvention de 20 000 francs pour qu’il poursuive dans la voie de la décentralisation lyrique. Par la suite, l’œuvre fut donnée à Paris au théâtre du Château d’eau, mais, au grand regret du compositeur, elle ne fut jamais considérée comme une œuvre symbole dans cette ville.