Ève

Massenet est le jeune auteur de La Grand’Tante (1867), Don César de Bazan (1872) et de l’oratorio Marie-Magdeleine (1873), lorsqu’il rencontre Charles Lamoureux. Le célèbre chef d’orchestre vient de fonder les Concerts de l’Harmonie sacrée au Cirque d’Été et accepte que Massenet lui donne audition de sa dernière partition. Sur un livret de Louis Gallet, Ève reprend le récit biblique du péché originel et se présente comme un court oratorio ou une grande cantate pour trois solistes et chœurs. La première partie (la Naissance de la femme, puis Adam et Ève) fait apparaître Ève dans la splendeur de la nature où dort paisiblement Adam. La seconde partie (Ève dans la solitude, la Tentation) se présente comme un vaste crescendo musical et dramatique tandis que la nature éveille le désir d’Ève. La troisième partie (la Faute, puis la Malédiction) scelle le destin des amants qui, même maudits, cèdent à l’extase. D’une puissance dramatique certes inférieure aux futurs chefs-d’œuvre du jeune compositeur, la partition frappe par l’équilibre de sa structure, la sobriété de ses moyens orchestraux, l’élégance de son écriture vocale. Les chœurs – tour à tour Voix de la Nature, Voix de la Nuit, Voix de l’Abîme – nourrissent assidûment l’action, tandis que leur palette de couleurs sublime certaines pages musicales. Outre l’air d’Ève (Ô Nuit, douce nuit pleine de murmures), il faut remarquer le paroxysme de la deuxième partie tandis qu’Ève goûte au fruit défendu et l’éclat du Dies Irae liturgique de la troisième partie. Créée le 18 mars 1875 avec Brunet-Lafleur (Ève), Lassalle (Adam) et Prunet (le Récitant), sous la direction de Lamoureux, Ève remporte un franc succès, mais connaitra peu de reprises.