La Fête des myrtes

C’est en 1886, alors qu’il est candidat au concours du prix de Rome, que Paul Dukas fera son premier voyage à Bayreuth, dont il reviendra enchanté et naturellement porteur du virus wagnérien dont l’Institut se méfiait alors comme de la peste. Selon le compositeur, c’est à cause de propos trop enthousiastes au sujet de Wagner qu’il connaîtra un second échec au concours d’essai de 1887, après n’avoir rien obtenu en 1886. Un an après Pensée des morts (texte imposé en 1886), l’Académie des beaux-arts impose aux candidats un texte moins mélancolique intitulé La Fête des myrtes, poésie de Charles Toubin. On connaît depuis peu le chœur que Gustave Charpentier – victorieux cette année-là – composa sur le même sujet. De durée très proche à celle de la partition de Dukas, elle n’utilise pas les ressources d’interventions de solistes, pourtant fréquentes dans cette épreuve car permettant de varier les couleurs vocales et de montrer au jury du concours sa capacité à traiter individuellement les voix, avant le grand exercice de la cantate. À l’inverse de Charpentier, Dukas extrait du chœur un ténor puis une mezzo-soprano solistes. L’effet est aussi justifié littérairement que pertinent musicalement, et autorise – voire oblige – à un apaisement orchestral qui repose l’auditeur de l’agitation et des fanfares initiales. Pour l’oreille d’aujourd’hui, la comparaison entre la proposition musicale de Charpentier et celle de Dukas laisse dubitatif quant à l’objectivité du jugement de l’Académie. Le chœur de Dukas est indubitablement mieux senti et plus varié. Ce qui accrédite l’idée que son éviction tint plus de la menace wagnérienne qu’il fallait éradiquer que de prétendues maladresses compositionnelles. Encore qu’aucune saveur wagnérienne ne parfume le chœur de Dukas…