Hymne à Victor Hugo op. 69

« Ce fut, si l’on peut dire, un feu d’artifice éblouissant, une débauche de sonorités que surpassa encore l’immense ovation faite au poète que l’on avait invité. » Ainsi Saint-Saëns décrivait-il la première exécution de son Hymne à Victor Hugo qui eut lieu dans la salle des fêtes du Trocadéro le 15 mai 1884. Pourtant peu sensible à la musique, Hugo en fut honoré et, le soir même, convia Saint-Saëns à sa table. La composition de cet Hymne date de 1881 lorsque, pour l’inauguration d’une statue de Hugo, Saint-Saëns décida de créer une œuvre en l’honneur du poète qui, écrira-t-il plus tard, lui « apparaissait comme un demi-dieu ». Les festivités furent toutefois annulées et trois années s’écoulèrent avant que Saint-Saëns ne décide de reprendre son Hymnedans le cadre des Concerts de printemps au Trocadéro, nouvellement fondés par Louis Bruneau. Désirant qu’il y eût dans son Hymne « quelque chose de spécial à Victor Hugo et ne permettant pas de l’attribuer à un autre qu’à lui », Saint-Saëns eut l’idée d’exploiter une mélodie attribuée à Beethoven, que le poète affectionnait et sur laquelle il avait écrit le poème Patria. Ce motif mélodique simple, délicat, presque insouciant parcourt l’œuvre de part en part, soumis aux multiples variations de traitements contrapuntiques et de textures orchestrales qui le rendent tour à tour guilleret, sombre et majestueux. L’imposant effectif orchestral – pour la première, Saint-Saëns signalait « un orchestre immense, l’orgue magnifique, huit harpes, huit trompettes sonnant des fanfares dans la tribune de l’orgue » – est complété, dans les dernières pages de la partition, d’un chœur qui entonne avec toute la solennité qu’impose un tel hommage : « Gloire au génie ! Gloire au maître ! Gloire à l’immortalité ! »