Louise

Si Charpentier esquisse Louise à la fin des années 1880, à Rome, il travaille à son « roman musical en quatre actes et cinq tableaux » surtout entre 1893 et 1896. À une époque où l’on chante presque toujours en vers, il choisit d’écrire le livret en prose (probablement avec la collaboration de Saint-Pol Roux). La création à l’Opéra-Comique, le 2 février 1900 sous la direction de Messager, remporte un triomphe, lequel couronne également l’opéra naturaliste. Le compositeur témoigne de sa sensibilité aux idées socialistes, sans doute enracinée dans son origine modeste (il est fils de boulanger). Il aborde aussi le thème de l’amour libre puisque l’héroïne, issue d’un milieu d’ouvriers, quitte sa famille et son emploi de modiste pour vivre avec le poète Julien. Bien qu’il oppose les classes et les générations, il ne se contente pas d’une tranche de vie réaliste (« La soupe est prête ? », interroge le Père au retour du travail) : l’histoire d’amour de Louise et Julien exploite la fibre sentimentale dans un Paris qui devient un véritable personnage (Montmartre en fête, à l’acte III, symbolisant la liberté et la passion). Musicalement, il fait son miel de Massenet et de Wagner, soignant les chœurs et les interludes orchestraux, unifiant la partition au moyen de leitmotive (le principal, fondé sur un arpège, est énoncé dès les premières mesures). Les personnages chantent surtout en style arioso et déploient à l’occasion une effusion intense (« Depuis le jour où je me suis donnée », par Louise à l’acte III). Charpentier ne renouvellera pas son coup d’éclat. En 1913, Julien, suite de Louise, n’obtiendra qu’un succès d’estime.