Sonate pour violon et piano

Dans une lettre datée du 22 juillet 1915, Debussy annonçait à Jacques Durand un projet de « Six Sonates pour divers instruments ». Il en composa seulement trois, la Sonate pour violon et piano de 1916-1917 étant en outre son ultime partition achevée. Très affaibli par le cancer qui devait l’emporter, il désespérait de jamais mener l’œuvre à son terme. Il s’échinait notamment sur le finale, affrontant des difficultés dues aux souffrances physiques, à la guerre qui s’éternisait, mais aussi à une exigence impitoyable. Durand jugeait superbe le troisième mouvement, que Debussy voulut pourtant remanier, comme le raconte l’éditeur : « Huit jours après, il me priait de passer à son domicile où il me fit entendre le nouveau finale, qui éclipsait sans conteste le précédent. » Mais rien ne sent l’effort, tant la sonate captive par sa fantaisie, l’ivresse du mouvement, la liberté et la souplesse du discours qui dissimulent une architecture rigoureuse (exploitant en particulier les ressources d’un thème cyclique, exposé dès les premières mesures). Comme dans d’autres œuvres tardives de Debussy, l’écriture se fait plus dépouillée, le trait plus acéré ; la mélodie a les accents véhéments et désabusés d’un chanteur de flamenco. On pense alors à cette lettre envoyée à Robert Godet, le 7 mai 1917 : « J’ai terminé – enfin ! la Sonate pour violon et piano… Par une contradiction bien humaine, elle est pleine d’un joyeux tumulte. Défiez-vous à l’avenir des œuvres qui paraissent planer en plein ciel, souvent elles ont croupi dans les ténèbres d’un cerveau morose… » C’est en assurant la création de cette sonate le 5 mai 1917 à Paris à la salle Gaveau, en compagnie du violoniste Gaston Poulet, que Debussy se produisit en public pour la dernière fois.