Vasco de Gama

À 19 ans, Georges Bizet remporte le prix de Rome de composition. Deux ans plus tard, en 1859, il réalise Vasco de Gama, « ode symphonique » qui fera partie de ses envois de Rome. Cette synthèse de l’opéra et du théâtre déclamé présente un intérêt évident pour un jeune compositeur comme Bizet : elle lui permet de faire ses preuves dans le genre opératique. La versification, confiée à Louis Delâtre, ne convient pas au compositeur qui se charge lui-même de la réécriture d’une importante partie du texte. Les commentateurs parleront cependant d’un « poème d’une grande banalité » à l’argument rudimentaire : alors que Vasco de Gama tient une cour d’amour pour les hommes de son équipage, Adamastor, le géant des Tempêtes, assombrit brutalement le climat de la fin’amor : « je m’oppose à vos conquêtes ! » Face aux éléments déchainés, Vasco de Gama somme son équipage de s’agenouiller pour implorer Dieu. Tandis que le retour au calme semblait impensable, on annonce la terre approchante et l’œuvre prend fin dans l’écho d’un cantique d’action de grâce. Vasco de Gama reste l’intéressant exemple d’une œuvre stylistiquement inégale, car l’auteur doit faire honneur aux élégances d’écriture imposées par l’envoi de Rome, mais ne se refuse pas d’étonnantes audaces harmoniques qui sont autant de signes précurseurs de l’art de Bizet. Halévy met en garde son élève contre les « duretés » harmoniques du récitatif de Léonard, duretés somme toutes relatives pour une cantate de l’époque dont il reconnaît par ailleurs les évidentes qualités : « un style élevé, des formes larges, de beaux effets d’harmonie, et une orchestration riche et colorée ».