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Les premières. Déjanire

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Les Premières
OPÉRA. – « Déjanire », tragédie lyrique en 4 actes ; poème de Louis Gallet et Camille Saint-Saëns ; musique de Camille Saint-Saëns [Partition piano et chant éditée par Durand]. 

Hercule ayant achevé ses travaux, se repose dans Oechalie, sa dernière conquête. Il se croit à l’abri de la jalousie de Déjanire, et s’éprend de sa captive Iole, la fille du tyran Eurytos qu’il vient de tuer de sa propre main. Iole n’est pas Chimène ; et elle résiste d’autant mieux au meurtrier de son père, qu’elle aime Philoctète et qu’elle en est aimée. Hercule furieux fait jeter en prison ce sentimental et traître ami. Il menace même de le tuer, et par cet aimable chantage obtient le sacrifice et l’obéissance d’Iole. Déjanire avertie n’entend pas se laisser répudier ainsi. Accompagnée d’une vieille sorcière, qui d’ailleurs ne lui sert à rien, elle est arrivée à Oechalie. Le centaure Nessos, comme vous savez, s’était montré trop sensible à ses charmes un jour qu’il l’avait prise en croupe, et il était tombé sous les flèches d’Hercule. Dans sa perfide agonie, il avait donné à Déjanire une tunique teinte de son sang, comme un talisman capable de lui ramener, en cas de besoin, le cœur d’un époux volage. Vous savez aussi ce qu’était cette tunique proverbiale. Iole et Déjanire complotent innocemment de la faire revêtir au héros pour la cérémonie même des noces : et c’est ainsi qu’il périt au milieu des pires souffrances, et se trouve instantanément porté au rang des dieux. 

Ce sujet dans sa simplicité première avait les qualités qui conviennent au drame lyrique. Il se fut mieux accommodé d’être resserré en deux ou trois actes au plus. Pour arriver à quatre, Louis Gallet a bien su éviter la surcharge des hors-d’œuvre, mais non pas au profit de la vie intérieure. Au moyen d’une intrigue adventice et de toutes les vieilles petites ficelles du métier, il a étiré, éparpillé sa matière en une quantité de scènes qui se répètent un peu. C’est précisément ainsi, direz-vous, que notre tragédie classique exprimait la vie intérieure d’une action. Oui ; mais Gallet n’est point Racine, ni Corneille. Et le fut-il, cette forme de théâtre resterait encore celle qui répugne le plus à la musique. 

Ne reprochons rien à cet honnête aède, qui n’a voulu faire qu’une tragédie parlée où la musique interviendrait à titre d’ornement. C’est ainsi qu’elle fut représentée en 1898 aux arènes de Béziers, puis à l’Odéon. Que M. Saint-Saëns, la choisissant pour la transformer en opéra et se chargeant lui-même d’effectuer la transformation, en ait aussi peu modifié l’esprit, cela est pour nous éclairer sur sa conception extrêmement superficielle du drame lyrique. N’est-il pas singulier qu’un homme d’une culture aussi forte, d’une intelligence aussi fine, n’ait pas remonté à Sophocle plutôt que de s’en tenir à Gallet ? ni aperçu combien la mort d’Hercule était présentée d’une façon plus musicale au dénouement des Trachiniennes, que dans le fait-divers plutôt bousculé qui termine Déjanire ? 

N’est-il pas singulier d’ailleurs que les compositeurs modernes aient fouillé, pour découvrir des carcasses d’opéras, toutes les littératures de tous les temps et de tous les pays, détroussé les dramaturges les plus anti-musicaux, sans qu’un seul ait sérieusement songé à chercher ses modèles dans la tragédie grecque, forme primordiale et parfaite du drame lyrique, et la seule forme de théâtre dans la création de laquelle l’esprit de la musique se soit confondu avec l’esprit de la poésie ? 

On a trop dit que le compositeur de Déjanire avait « fait du Gluck ». Pour vraiment « faire du Gluck » aujourd’hui, il faudrait être un farouche révolutionnaire, tel que fut Gluck lui-même, tels que furent de leur vivant tous ceux qui dans la suite des temps devinrent les véritables classiques. Ce n’est point le cas de M. Saint-Saëns : et loin qu’on ait pu attendre de ses derniers ouvrages plus d’audace et de nouveauté, sa carrière, comparable pour la verdeur et la gloire de sa vieillesse à celle de l’admirable auteur de Falstaff, a suivi une progression diamétralement opposée. Cette partition, qu’il nous présente comme son testament artistique, emprunte fréquemment, il est vrai, la forme et le style, la couleur et le ton de Gluck ; mais « faire du Gluck » de cette façon-là, c’est faire seulement du Salieri. 

La noblesse et la nudité antiques de Déjanire ne vont donc pas sans affectation. Elles n’en assurent pas moins à l’ensemble une tenue et une unité qui mettent cet ouvrage au-dessus de tous ceux que M. Saint-Saëns a donnés depuis longtemps au théâtre. On y relèverait peu de taches telles que l’effarante Valse viennoise déguisée en douze-huit, qui fait irruption au troisième acte dans la situation la plus tendue. Si en d’autres endroits on voit M. Saint-Saëns au moment de se laisser aller à quelque facilité mélodique, à quelque cadence à deux voix, à quelque vocalise même, il ne s’y laisse point tout à fait aller cependant. La déclamation et le mouvement scénique restent les maîtres de sa forme. Cette déclamation – si elle manque d’émotion –, ce mouvement – s’il est anémique –, ont une remarquable justesse ; et M. Saint Saëns ne met pas toujours autant de conscience et de recherche, un soin aussi réfléchi du détail harmonique et du détail expressif dans la trame musicale de ses opéras. Son écriture sobre et claire est pleine ici de savoureuses trouvailles. Voyez surtout le charmant monologue d’Iole au début du deuxième acte, et le grand récit de Déjanire. Assurément les morceaux empruntés avec d’heureuses retouches à la partition primitive, restent les meilleurs, à vrai dire : les seuls « morceaux » de la partition nouvelle. Ils ont gardé du plein air pour lequel ils ont été conçus, quelque chose d’élémentaire dans la structure et de bref qui surprend à l’Opéra ; et ce n’est pas toujours avec bonheur qu’ils ont passé de la bouche d’anonymes coryphées aux personnages mêmes de la tragédie. On n’entend pas sans malaise le héros de la pure force brutale moduler en voix de tête un suave épithalame. Mais les chœurs ont du caractère, ceux particulièrement qui terminent le deuxième acte. 

D’où vient que l’ensemble laisse une impression d’écourté, de haché, d’essoufflé, manque de ligne, d’assiette, et, risquons le mot : d’autorité ? Est-ce parce que le plan tonal n’apparaît pas assez voulu ? Ne serait-ce pas un peu la faute du mouvement généralement précipité de l’exécution ? 

Persone correlate

Compositore, Organista, Pianista, Giornalista

Camille SAINT-SAËNS

(1835 - 1921)

Opere correlate

Déjanire

Camille SAINT-SAËNS

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Louis GALLET Camille SAINT-SAËNS

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data di pubblicazione : 01/11/23