Distribution des prix de l'Institut

DISTRIBUTION DES PRIX DE L’INSTITUT. 

La séance publique de l’Institut avait réuni, comme à l’ordinaire, le public brillant, composé d’artistes, de littérateurs et de femmes belles et titrées, qui ne manque jamais de répondre à l’appel du docte aréopage. Selon l’usage, on devait exécuter à grand orchestre l’œuvre du compositeur couronné au dernier concours ; mais, comme l’année dernière on n’avait pas jugé convenable de décerner un premier grand prix, l’Institut avait le droit d’en décerner deux cette année, et il en a usé en faveur de M. Massé et de M. Renaud de Vilback, ce qui nous a valu le plaisir d’entendre deux compositions au lieu d’une. La scène que l’Institut a donnée aux concurrens pour qu’ils la missent en musique, est intitulée : le Rénégat de Fez. A l’ouverture de la séance on a exécuté l’œuvre du jeune Renaud de Vilback, dans laquelle on s’est accordé à reconnaître une grande abondance de mélodies et une connaissance très avancée des combinaisons d’harmonie et d’orchestre. Seulement, on a regretté que les mélodies de M. Renaud de Vilback, recommandables d’ailleurs par leur fraîcheur et leur distinction, péchassent par l’absence de toute originalité, de tout cachet individuel, et que son harmonie et son instrumentation fussent en quelque sorte un poncif de la manière de M. Halévy, son maître. Herman-Léon, et Mlle Mondutaigny, tout émue des préoccupations de ses débuts à l’Opéra, ont parfaitement interprété la musique de M. Renaud de Vilback, à laquelle Menghis a aussi prêté le concours de son zèle et de son talent. Enfin la séance a été terminée par l’exécution de la belle scène de M. Massé, élève de MM. Halévy et Zimmerman. Les applaudissements réitérés du public et de l’orchestre ont prouvé que M. Massé avait parfaitement atteint le but qui lui était proposé. Son œuvre brille par un plan très bien conçu, par une mélodie qui exprime toujours, d’une manière heureuse, le sentiment des paroles, par une harmonie où la correction la plus irréprochable n’exclut pas l’originalité des combinaisons, et enfin, par une instrumentation savante, colorée, vigoureuse, que la mauvaise conformation acoustique de la salle de l’Institut rendait un peu bruyante, mais qui, partout ailleurs, produirait l’effet le plus saisissant. En résumé, M. Massé possède toutes les qualités que peut donner l’éducation musicale la plus parfaite, et un naturel qui promet un compositeur de mérite. MM. Halévy et Zimmerman doivent être fiers d’avoir produit un pareil élève, et nous serons heureux de constater les succès qu’il ne peut manquer d’obtenir. La cantate de M. Massé a été parfaitement chantée par Octave, qui s’est montré plus chaleureux à l’Institut qu’à l’Opéra, et par Grard et Mlle Dobré. 

ALEX. AZEVEDO